Vremea întrebărilor (Le temps des questions) d'
Octavian Paler est une véritable découverte: ce livre peut s'adresser à quiconque maîtrise la langue roumaine. le sous-titre - Cronică morală a unui timp plictisit de morală -(Chronique morale d'un temps lassé par la morale), campe l'atmosphère.
L'auteur nous prévient dans son argument écrit en 1995: "Ce livre n'est pas un florilège de textes publiés. Il est une remémoration". Nous parcourons 4 années d'articles (1990-1994) sélectionnés et revisités par des commentaires en italique datant de 1995. le lecteur oscille donc entre deux temps, deux regards auquel se superpose aussi le sien. le ton est polémique, parfois assassin, mais ce regard franc et interrogateur est aussi un regard plein d'amour douloureux et pudique porté sur un peuple.
Bien sûr, la vision de Paler sur les évènements 90-94 en Roumanie est très personnelle: un sens du journalisme, un style littéraire, des allures de journal, une culture non-ostentatoire, une vivacité dans l'art du trait confèrent à ces écrits pourtant hétéroclites une très grande unité de pensée et d'écriture.
Il va sans dire que ce livre mériterait non seulement une traduction mais une analyse et que l'extraordinaire variété des sujets abordés peut intéresser des lecteurs très différents.
Cependant, ce n'est pas pour cette raison que j'écris un article sur ce livre et que j'en recommande la lecture. On trouve dans ce livre de très belles envolées: la révolution est décryptée, Iliescu taillé en pièce, les résistants de Roumanie nommés et Miorița, la brebis galeuse de la soit-disant passivité roumaine tondue et sommée d'aller brouter ailleurs , Cornea citée, recitée, idem pour Preda, idem pour Ionescu, la Royauté nommée, la diaspora interpellée, la peinture adorée, le cinéma interrogé, le communisme démysthifié, les crimes tous azimuts mis sur la table, mis dos à dos- et il rejoint Courtois- les crimes tant du fascisme que du communisme, car les crimes sont des crimes et doivent être jugés.
Ainsi, en 2013, cette lecture revigorante interpelle jusqu'à toucher l'homme qui se cache derrière chaque lecteur.