Quittant en pensée, en lectures ou pour de bon sa Roumanie natale, l'écrivain aux allures de philosophe, nous propose des récits critiques sur divers aspects culturels de l'Occident.
Sur le titre, il s'explique (pp. 9 à 14) en insistant sur son « maudit penchant à [se] soustraire aux raisonnements, quand il faudrait observer ce qui contredit la reconnaissance de vivre, de contempler le soleil levant et le ciel limpide » (p. 11).
Sur la couverture, on peut dire qu'elle renvoie au premier texte « Priez pour qu'il ne nous pousse pas des ailes » et « noté un jour de mai sur la Grande Place de Bruxelles », mais aussi à la Grèce.
Sur la forme, cela peut paraître peu méthodique, mais cette absence de structure rigide de la pensée, rend, paradoxalement, la lecture plus agréable. Beaucoup de références artistiques suscitent la curiosité du lecteur, ou même le désaccord de celui-ci.
Le mot de la fin pour la réalisation matérielle de très bonne qualité de ce livre qui a fort bien vieilli.
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L'amour est peut-être la vérité la moins absurde dans ce monde qui ne manque pas d'absurdités. Et la réponse la plus simple et concrète à la fois aux questions compliquées de la philosophie est peut-être celle que les adolescents trouvent tout seuls en se bécotant sur les bancs publics. Un homme et une femme qui s'aiment corrigent en partie les défauts de la création.
(p. 151)
Bref, la cordialité n'est pas une option pour moi et je ne mérite ni d'en être accusé, ni d'en être loué. J'y suis condamné. Je ne l'assume ni comme une vertu ni comme une honte, mais comme un péché originel. Comme un châtiment. Je la porterai comme une croix, comme un mal incurable, comme une malédiction, en sachant que je ne peux pas faire autrement. En effet, je ne peux pas descendre dans les sous-sols, je ne peux pas épier dans l'ombre et je ne regrette pas qu'il en soit ainsi. Mon malheur, c'est que les apôtres de l'amour me paraissent sourds et aveugles, et terrifiants les apôtres pleins de haine. Je ne peux m'approcher de ceux-là et je crains ceux-ci. Je me retrouve dans une fatalité et tout ce que je peux faire, c'est l'assumer orgueilleusement.
(p. 14)
J'ai tenté, il n'y a pas longtemps, de définir ce que j'aimais appeler la morale des montagnes. J'affirmais qu'elles séparaient pour mieux rapprocher ; qu'elles obligeaient à se taire pour obliger à trouver les mots appropriés, ce qui n'est pas peu de chose dans un monde bruyant qui ne supporte plus la discrétion de la Joconde. J'ai toujours eu l'impression, ou peut-être l'illusion, qu'en contraignant à un certain recueillement, la montagne intimidait jusqu'aux escrocs.
(p. 345)
[…] je ne sais plus assez naïf pour croire que le monde est impatient de trouver dans la nature le pédagogue dont il a besoin.
(p. 345)
Et si la plaine nous apprend le plus souvent à parler, la montagne nous apprend surtout, quoi qu'on en dise, à nous taire. Nous autres, qui avons vécu auprès d'elle, nous ne savons que trop combien cela nous a aidé et combien cela nous a coûté.
(p. 348)