Knud ou les 7 expéditions de Thulé

« Ces hommes sont très étranges et très dangereux, petit Knud. Ils vivent dans le noir presque toute l'année. le soleil ne se lève pour ainsi dire jamais, et leur terre n'est que ténèbres. Ils doivent sûrement avoir des yeux qui permettent de voir la nuit. »
Ainsi parle Eva la vieille femme à l'enfant qui deviendra le héros de ce grand livre voyageur.
Rémi Paolozzi aime les grands espaces, les défis, et suite à sa propre expédition au Groenland, il se captive pour Knud Johan Victor Rasmussen né en 1879 au Groeland et mort à Copenhague en 1933, aventurier danois, et inuit de par sa mère.
Ce dernier très jeune réalise sa première expédition de Thulé avec Peter Freuchen, Uvdluriark et Inukitsoq en 1912. Celle-ci faisant suite à la première expédition littéraire en 1902 jusqu'en 1904. Il a alors tout juste 25 ans.
Il cherche ses marques, veut s'émanciper d'un père pasteur conventionnel et protecteur. Cette longue expédition au Groenland compense sa soif d'aventures et lui permet de retrouver sa terre natale. Les inuits polaires font oeuvre d'hospitalité. le charme de l'accueil est cette surprise sans faille de voir pour la première fois un homme blanc. Endurci par cette aventure arctique, Knud n'aura de cesse de partir. Visionnaire et lucide, géographe, ethnologue, ses voyages sont cruciaux. Il rassemble l'épars, prend des notes, dessine et reproduit les courbes et les vastes étendues nordiques, les contes et les légendes, l'idiosyncrasie d'une terre hostile et l'habitus de persévérance et de ténacité.
Il cherche à démontrer que les inuits polaires sont des frères en humanité. L'ethnographie et l'anthropologie chevillées au corps et le regard qui retient tout.
Il va créer le comptoir de Thulé où quatre familles seulement vivent, on estimait à deux cent le nombre d'inughuits qui vivaient entre le sud de la baie de Melville et le village le plus au nord. le comptoir, lieu fédérateur, le commerce alloué et l'apprentissage des échelles de valeurs entre les cultures. Plus que cela le comptoir est en quelque sorte la colonisation du Groenland. « Une chose n'a peut-être pas de valeur, mais j'en ai besoin, et je paie pour ce dont j'ai besoin. »
Knud est un infatigable explorateur. Trois ans de périple pour atteindre en traîneau la Sibérie, sans aucun moyen de secours à l'image de ceux du XXIème siècle. Que dire de ces caïns de viandes congelés à mille mille de toutes terres habitées, déposés tels des viviers de survivance pour les égarés des glaces et des turpitudes.
Ce livre fondateur rend hommage à l'homme altruiste qui n'a de cesse toute sa vie défendu la cause des inuits. le rôle des expéditions de Thulé fut considéré comme primordial et avait fait du Danemark la première puissance en termes d'études et de connaissances du peuple inuit. Et en cela, la place de Knud Rasmussen était capitale.
Essentielle, éclairante, cette biographie fabuleuse est un outil pour tous les voyageurs assoiffés d'espaces et d'efforts. L'amour incommensurable de Knud pour ce peuple des glaces est dévoilé avec pudeur et vérité. Ludique, précis et érudit « Knud ou les 7 expéditions de Thulé » est indispensable pour les férus de Trekking. Publié par les majeures éditions le Mot et le Reste.

Un vrai coup de coeur pour ce docu intelligent, proche de la réalité et bien documenté.

1879 – 1934 - Il s'agit de la vie de Knud Rasmussen ( Kununguag ) , moitié danois, moitié inuit. Il a vécu toute sa petite enfance au Groenland, passionné par les histoires des Inuits et amoureux de la nature.
Il reviendra au Danemark pour ses études mais repartira toute sa vie durant au Groenland pour des expéditions fréquentes et régulières.
Ses objectifs : une meilleure connaissance géographique (le nord et l'est du Groenland sont quasiment inconnus), historique, culturelle et ethnographique.
A l'époque, les expéditions sont surtout effectuées en bateau, lui part en traineau avec toute une équipe de savants et d'Inuits. Ces derniers ont toujours été associés à ses équipées.

Un passionné du Groenland, un amoureux de la culture inuite, un organisateur né et un excellent écrivain-reporter. Cela ne l'empêche pas de constater la violence de la population, d'essayer de la combattre tout en expliquant que les conditions de vie sont tellement rudes que les moeurs le sont aussi.
Knud a écrit : « Rarement des hommes, dont le coeur avait été préservé par la nature, avaient commis des actes d'une telle brutalité. Jamais la désolation, l'isolement et le marasme spirituel n'avaient forcé des personnes aussi bonnes à commettre des actes de brutalité plus insensés. »

Son rôle sera essentiel lors du contentieux entre la Norvège et le Danemark à propos de la colonisation du Groenland. Les observations rapportées, l'expertise et surtout, l'extrême attention porté aux esquimaux par Knud et le Danemark permettront de légitimer la position des danois au Groenland.
« Il fit ainsi du musée national de Copenhague, le premier centre mondial de connaissance de la culture inuite. »
Toujours, il a mis en avant la responsabilisation des Inuits : « il mit tout en oeuvre pour qu'ils puissent prendre en main leur destin, via l'autogestion par exemple. Il plaça les Inuits sur la carte de l'Humanité et fit en sorte qu'ils fussent respectés et considérés comme il se devait. Au final, c'est peut-être sa plus belle réussite. »
Rémi Paolozzi analyse aussi la personnalité de Knud : un hyperactif : « Knud avait la bougeotte et restait fidèle à sa devise, celui qui se repose, rouille. »
Il n'occulte pas non plus le caractère égoïste de Knud, tout entier tourné vers les Inuits et peu soucieux de sa famille.
Je me suis baladée dans le froid du Groenland pendant toute la période de sécheresse et surtout j'ai appris et compris plein de choses.
Ce docu vous fait aimer et vous intéresser au Groenland.
Félicitations à l'auteur car le récit des expéditions auraient pu être fastidieuses. Il n'en est rien. La vie bien relatée d'un passionné qui passionne ses lecteurs !
On ressort de cet essai, plus ouvert et plus curieux.

Il n'existait pas, à ma connaissance, de biographie en français consacrée à l'explorateur danois Knud Rasmussen, remercions donc vivement Rémi Paolozzi et les éditions le mot et le reste d'avoir comblé ce manque. C'est presque un cliché de dire à propos de ce genre de texte que "ça se lit comme un roman", mais assurément, ce texte passionnant se lit comme un roman d'aventure ; il faut dire que la vie d'aventurier de Knud Rasmussen se prête parfaitement à l'exercice. Si, on le sent bien, l'auteur est fasciné par l'homme et son parcours, il n'en néglige pas pour autant les côtés moins avantageux de la personnalité de Knud Rasmussen. le découpage du texte et la carte en fin de volume permettent de se repérer dans les différentes expéditions qui ne sont pas toujours très simples à suivre (d'ailleurs, la carte aurait pu être un peu plus précise, et indiquer les nombreux lieux mentionnés dans le texte). On sent que c'est bien documenté, et l'auteur a échappé à une certaine forme d'angélisme naïf quant aux cultures inuit. J'ai repéré de ci de là quelques coquilles (*kalaalissut au lieu de kalaallisut par exemple, ou des noms de magazines danois cités dans une traduction anglaise), mais elles sont rares, et on ne peut pas attendre d'un auteur d'être à la fois spécialiste des explorations polaires, des cultures nordiques et du monde inuit. Et une bizarrerie : l'auteur emploie l'imparfait du subjonctif, qui est certes parfaitement correct grammaticalement parlant, mais dont l'usage dans un texte au XXIè siècle a de quoi surprendre. Un bon ouvrage qui donne envie de se plonger directement dans les textes de Knud Rasmussen.