Relisant les échanges suscités par ma petite chronique de " Naufragé volontaire " m'est revenue cette autre lecture d'aventures scientifiques.
L'auteur nous y conte l'audacieuse mission d'étude qu'il effectua sur la banquise dans les années 30 à la tête d'un groupe de scientifiques soviétiques.
J'ai bien entendu quasiment tout oublié des péripéties de cette incroyable odyssée mais deux sensations ont fortement marqué mon esprit adolescent et restent très présentes jusqu'ici.
Il s'agit des deux forces qui animaient l'auteur jusqu'à saturer son texte, l'une faite d'obstination scientifique, l'autre de vénération pour le "Camarade Staline".
La première a touché de nombreux scientifiques pour le meilleur et pour le pire depuis la nuit des temps.
La seconde parait aujourd'hui ridicule, mais souvenons nous que beaucoup d'autres hors de l'URSS, intellectuels ou non, ont participé à cette adulation du "Petit Père des Peuples".
La prose courtisane de Papanine n'était peut-être qu'opportuniste, plus vraisemblablement obligatoire pour être publié et poursuivre ses recherches. Connaissant la susceptibilité létale du "Maître du Kremlin", qui pourrait l'en blâmer.
Rétrospectivement, au regard de sa carrière, la stratégie fut plutôt gagnante.
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Quand on lit le résumé, on pourrait craindre que ce livre ne soit un pensum. C'est ce que je me suis dit quand on me l'a prêté ("ça va être long... [soupir]").
Eh bien pas du tout, cette aventure incroyable se lit très bien, tant Papapine nous fait rentrer dans le quotidien de ce trio d'explorateur.
Même le côté emphatique à la gloire de l'union soviétique, aujourd'hui suranné, qui était indissociable du récit d'une telle expédition (les années 30 sont les années des grandes purges dans l'armée rouge... et le reste de l'administration, il valait mieux être prudent) ne m'a pas paru alourdir le récit.
Au fur et à mesure que l'aventure se déploie et que les fatigues et difficultés s'accumulent, le quotidien devient plus présent et le détail des crevasses qui s'élargissent dans la banquise dérivante, des avions dont on n'a plus de nouvelles, du vent qui souffle trop fort ou pas assez, empêchant la radio de fonctionner, du froid qui fait de la cuisine un enfer, de la viande qui se dégrade malgré le congélateur naturel, du matériel qui casse, de la difficulté à maintenir au sec l'intérieur d'une tente où l'on s'entasse à trois, dominent le récit. Et de temps en temps, Papanine se rappelle qu'il doit chanter les louanges du "petit père des peuples" ; il glisse donc une phrase ou deux, ce qui crée des décalages assez savoureux.
Reste un exploit technique et scientifique, une aventure vécue dans des conditions folles, et pourtant mené avec une rigueur et une organisation impressionnantes.
On apprécie d'autant plus l'eau chaude, le coin du feu, les plaids en polaire et le gore-tex...
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