Les désastreuses conséquences de la chute d'une goutte de pluie

: Un calligramme en première de couverture? Avec un titre chutant en goutte de pluie ( comme il l'indique d'ailleurs lui-même: "Les désastreuses conséquences de la chute d'une goutte de pluie").
C'est déja amusant et étonnant en couverture de ne pas avoir d'image. L'utilisation d'une calligraphie, ce genre de détails, ouvre en général sur des partis pris esthétiques postérieurs de l'auteur, entre des pages, rarement en annonce.
Où est l'illustration, n'est-ce pas?
Comment savoir de quoi il est question?
Un indice sur le ton du livre: l'auteur-illustrateur justement.  Si vous le cherchez, son nom n'apparaît pas sur la couverture mais sur le dos.
C'est en connaissant sa bibliographie atypique que l'on ne s'étonnera plus de rien avec Adrien Parlange.
Et nous on aime déja.
Mais patientons.

Le choix du format?
Haut et mince.
Il ne sera pas qu'un détail, on finira par le deviner, c'est l'élément important d'un processus d'observation pour l'histoire qui va suivre: l'idée de la chute.
Avec humour, Parlange reprendra l'effet papillon, l'idée de la catastrophe à partir d'une goutte d'eau.
Encore quelque chose d'amusant.

L'histoire.
C'est un moment.
C'est assez drôle d'y avoir l'impression que le cours du temps est ralenti.
Il y a des personnages sous un cerisier et nous aurons l'impression qu'ils ne bougeront pas d'un iota et pourtant si.
Lentement.
Tout est ralenti par l'observation d'une goutte de pluie qui chute de l'arbre et ordonnera le rythme saccadé qui animera la scène lentement, très lentement.
Ce qui nous laissera le temps de revenir sur les pages précédentes pour comparer.
La petite famille sous le cerisier a t-elle bougé?
On peut l'affirmer.
Avez-vous repéré qui est en train de s'activer plus vite que les autres?
Et pendant ce temps, un oiseau filera à grande vitesse pour gagner son nid. Nous le saurons puisqu'il bougera plus vite que le personnage que vous devrez repérer.
Ce phénomène bien pensé offrira déja du ludique scientifique sans le réaliser, simple mais captivant.
Et notre véritable histoire, quelle est t-elle?
Elle se crée au fur et à mesure, avec le jeu prévu par l'auteur, entre ce que racontera le texte et ce que nous constaterons qui se sera ajouté entre temps.
Des animaux arriveront ci et là, tandis que la famille s'activera petit à petit et nous nous demanderons, hormis celle de la goutte d'eau, à quelle chute nous attendre pour cette histoire.
Va t-on nous montrer le tableau qui est en train de se peindre par un des personnages?
Verrons-nous les personnages manger les cerises cueillies par le personnage dans l'arbre?
Nous chercherons l'impact, celui qui fera de l'aventure une bonne histoire.
Et il y en aura une de taille qui nous fera rire.
Le titre nous avait bien averti d'une conséquence, ça oui.
On ne l'aura pas vu venir.
On a aimé.

Ou comment Parlange se réapproprie la théorie du chaos ou « l'effet papillon » dans un album jeunesse façon flipbook.
Sélection Pépites Catégorie Livre illustré 2021 du SLPJ.
Un soir d'été, assise sur une branche haute, une jeune fille cueille des fruits tandis qu'au-dessous trois spectateurs observent un garçon peindre le paysage qui s'offre devant eux. le temps de la narration est celui de la chute d'une goutte de pluie, de la cime jusqu'au sol, ou chaque élément qui compose le décor change imperceptiblement.
Ainsi, notre regard est inévitablement concentré sur cette fameuse goutte d'eau dont la couleur tranche avec le reste du décor crépusculaire. le lecteur est comme suspendu à cette goutte qu'il sait devoir tomber (cf. Titre), qu'il en oublie le reste du décor. Et pourtant, chaque élément qui le compose et qui se modifie à chaque page invite à de multiples relectures pour notre plus grand plaisir.
Le titre prend tout son sens dans le dernier tableau. En effet, alors que nous étions invités à une lecture verticale des tableaux, et ce dès le titre en 1ère de couverture (notons d'ailleurs que le titre proposé verticalement accompagne la chute de la goutte), notre regard « rebondit » dans la scène finale qui laisse place à un joyeux capharnaüm. Ainsi, la sérénité régnant dans les tableaux précédents contraste largement avec la scène de chaos final et renforce l'effet comique. Un Deus ex machina revisité à la sauce Parlange ? Cocasse et cruel à la fois.
Ainsi, minutie, suspense et humour se mêlent subtilement, brillamment et ingénieusement pour proposer un album d'une intelligence rare où absolument tout fait sens. Cet album tient du génie.
Magistral !

Scène de fin de journée. Ambiance calme et feutrée en ce moment où le jour se fait plus discret et la nuit commence à prendre le relais. Un peintre est installé. Un homme concentré, un papa et sa fille juchée sur ses épaules le regardent. Au-dessus d'eux, un arbre, sur lequel est perchée une fille qui cueille des cerises dans son panier. Un écureuil sortira de son abri, un oiseau regagnera son nid et un chien viendra tenir compagnie à l'artiste. Une petite goutte d'eau va rompre la quiétude de cet instant fugace, en se heurtant à un petit personnage de l'histoire auquel on n'avait peut-être pas prêté attention. Petites choses, grandes conséquences (Bénabar)
Je suis assez fan de ce que fait Adrien Parlange, tout puise toujours son essence dans les plus infimes détails et j'ai retrouvé ce qui m'avait fait aimé La chambre du lion (https://www.babelio.com/livres/Parlange-La-chambre-du-lion/663600 ) Un très bel album, vertical, où le texte est présent juste ce qu'il faut, distillé par petites touches, laconique.

Alors que le soleil se couche, un jeune peintre pose la touche finale sur sa toile. Un amateur d'art se trouve juste derrière lui, admirant l'oeuvre. L'amateur n'est pas le seul à regarder, il y a aussi un père et sa fille, juchée sur ses épaules. Et plus haut, il y a encore une autre jeune fille qui cueille des cerises dans l'arbre. Et encore plus haut, une goutte de pluie qui tombe inévitablement vers le sol…

Toute l'histoire est contenue dans le titre, et pourtant on ne quitte pas des yeux cette satanée goutte de pluie. On reste dans l'expectative jusqu'à la fin. Je me doutais bien de la manière dont tout ça allait se terminer mais je n'ai pas pu m'empêcher de rire en voyant la chute ! J'ai ri, avec une petite pointe de culpabilité tout de même ! C'est un objet-livre très particulier, si simple et pourtant si travaillé.

Adrien Parlange ne cesse de me surprendre, sans cesse il se renouvelle et nous offre des albums exceptionnels.

Quel plaisir de voir se préparer une catastrophe, détail par détail. Quel jeu d'imaginer les conséquences des mouvements de chaque personnage; de l'analyser lui, puis l'ensemble de ce tableau si paisible. Quel suspens dans la chute de cette petite goutte de pluie. Et surtout, surtout, quel rire à la toute dernière page, alors qu'on comprend qu'on ne pouvait définitivement pas anticiper cet improbable domino !