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Historien des symboles, de leur importance dans chaque civilisation, Michel Pastoureau , dans un livre ultra savant et documenté s'applique au bleu.
Cette couleur n'a pas toujours été la préférée de l'Occident, elle a même été occultée pour des raisons matérielles : la difficulté de trouver des pigments dans la nature, et la conception puritaine de Saint Bernard, haïssant les couleurs tout autant que le fera Calvin. La couleur, puisqu'elle est matière, détourne du vrai et du bien.
Les Grecs et les Romains aimaient le noir, le blanc et le rouge, couleurs faciles à trouver dans la nature. : dans le ciel, la mer ou les fleurs, le bleu existe, mais les pigments bleus manquent( seuls les Egyptiens en fabriquent avec du lapis-lazuli. )
Jusqu'à la fin du Moyen-Age, le bleu n'existe pratiquement pas en Occident.
Au douzième siècle, les choses changent :
Pour Saint augustin la lumière est «la visibilité de l'ineffable », comme telle, émanation de Dieu, et la couleur, dont le bleu, plus lumière que matière. La couleur pour Suger exalte la spiritualité, les vitraux faisant entrer la lumière divine dans la cathédrale de Chartres en sont l'exemple type.

De là, le culte voué à la Vierge Marie s'imprime dans la peinture de son manteau, souvent rouge et bleu. le bleu entre par la grande porte avec les peintures mariales.
Au XII et XIII siècles, le bleu devient enfin une couleur de premier plan.
L'exploitation de la guède, ou pastel, cet « or bleu » fera la richesse des marchands, financera la caution à donner à Charles Quint pour libérer François 1· , et avait facilité la construction de la Cathédrale d'Amiens( et la richesse de Toulouse et autres villes )
L'indigo, importé des Indes, via Venise, se trouve d'abord interdite puisque concurrence illégale envers les guédiers .
L'indigo gagne cependant du terrain au détriment de la guède : Colbert autorise l'indigo dans les manufactures drapières d'Abraham van Robais à Abbeville.
(Remarquons un fait essentiel : toujours la Picardie ).
Puis apparaît une couleur artificielle obtenue par méprise : le bleu de Prusse, profond et stable.
Enfin, avec l'influence de Goethe, non seulement l'habit bleu de Werther mais son traité des couleurs – pour lui, le bleu (du ciel)est une des couleurs avec le jaune( du soleil) les plus répandues dans la nature, qui combinées produisent le vert (des arbres).
Goethe répand le symbolisme du bleu comme couleur romantique, du rêve et de la mélancolie.
Le bleu a d'autres tours dans son sac, il fait partie à partir de 1830, pour évincer le drapeau blanc de la monarchie et le drapeau rouge insurrectionnel, du drapeau français.
Tranquille, le bleu.
Politique, le bleu.
Et gagnant, le bleu.
Car il se porte sur les jeans, il se danse avec le blues, il figure dans les drapeaux de l'ONU , de l'Unesco, et de l'Union européenne.

Un livre culte, rempli de dates et de considérations sociales, économiques, littéraires, artistiques, politiques, symboliques concernant la couleur maintenant préférée des français.

LC thématique août : Lire en couleur
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J'avais commencé par regarder, il y a déjà quelques temps, les conférences en ligne de Michel Pastoureau sur les couleurs à l'auditorium du Louvre. Et c'est parce qu'elles m'ont captivées que j'ai entrepris de lire les ouvrages de celui-ci sur le même thème, à commencer par « Bleu ».

Je noterai tout d'abord deux choses. D'une part, le livre en question est lui-même très intéressant et accessible, mais cependant moins grand public que les conférences ; bien qu'assez court, il réclame une attention assez soutenue. D'autre part, il est beaucoup moins axé sur l'histoire de l'art. Ce qui est bien normal, étant donné qu'il s'agit avant tout d'un travail d'historien.

Michel Pastoureau nous livre donc un état de ses travaux sur l'histoire de la couleur bleue dans les sociétés occidentales. Il nous expose comment elle est perçue depuis l'Antiquité, comment elle a envahi le devant de la scène, comment on a plus ou moins maîtrisé son emploi en teinturerie ou en peinture, mais aussi comment son histoire est liée à la religion, à l'économie, à la politique. Mais au-delà du bleu proprement dit, c'est toute l'histoire du rapport de nos sociétés aux différentes couleurs qui est abordée, puisqu'on ne peut, comme le rappelle l'auteur, étudier l'une sans se pencher sur les autres (et même si les autres couleurs font ou feront l'objet d'études spécifiques).

C'est aussi en partie une histoire de la France en creux : l'histoire du drapeau national et donc de la Révolution française y sont largement abordées ; notamment l'hypothèse qui avance que, si le drapeau du Royaume-Uni n'avait pas été bleu, blanc, rouge, le nôtre ne le serait pas non plus (je vous laisse découvrir comment Michel Pastoureau en arrive à cette conclusion). Mais le livre traite de bien d'autres sujets. Il est question de religion et de chromophobie, d'héraldique, d'optique et d'économie. On y parle de blues et de blue jean... Et, d'ailleurs, une bonne part du livre est consacrée à la teinturerie et à l'histoire du vêtement, ce qui est d'autant plus intéressant que le sujet est encore peu étudié, et peu présenté au grand public.

Quelques bémols cependant. Il m'a semblé que les raisons pour lesquelles le bleu était devenu la couleur de la Vierge et du roi au Moyen-âge étaient un peu trop survolées, et, sur ces sujets, je reste sur ma faim. Je regrette ensuite les quelques répétitions, qui sont pratiquement des copier-coller d'un chapitre à l'autre (voire dans le même chapitre), notamment sur la guède et l'indigo. Je ne risque pas d'oublier que les Romains croyaient que l'indigo était d'origine minérale parce que celui-ci arrivait d'Orient sous forme de blocs compacts (c'est dit au moins quatre ou cinq fois) !

J'ajoute pour terminer qu'il existe deux éditions de cet ouvrage, l'un avec illustrations, l'autre en format poche et sans illustrations. La seconde version se lit très bien. Chacun pourra ensuite aller à la pêche aux images si le besoin d'aller plus loin se fait ressentir.

Lien : http://musardises-en-depit-d..
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Après avoir lu ce livre, vous ne verrez plus la couleur "bleu" de la même façon. L'histoire du "bleu" nous est contée, depuis sa mauvaise renommée pendant l'Antiquité et le haut Moyen-âge en occident, jusqu'à sa promotion au rang de la couleur préférée du monde occidental de nos jours.

Promotion théologique avec la vierge Marie, héraldique avec l'art des blasons, royale et aristocratique.
Le bleu va aussi évoluer avec les progrès des teintures, de la culture de la guède à celle de l'indigo asiatique ou d'Amérique.
De couleur sombre et barbare, le bleu passe à une couleur neutre, pacifique, calme, qui ne fait pas de vagues.
Il évoque le rêve, le romantisme, la poésie, la sagesse. Il sécurise, il rassemble.

Ce livre est étonnant, car on ne croirait pas qu'une couleur pourrait nous dire tant de choses sur notre histoire, sur l'évolution de notre perception au fil du temps, notre imagination, nos sentiments.

" Froid comme nos sociétés occidentales contemporaines dont le bleu est à la fois l'emblème, le symbole et la couleur préférée."
Le bleu à une belle histoire à vous raconter...Laissez-vous glisser sur la vague du bleu...
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Un essai intéressant de Michel Pastoureau qui propose de raconter l'histoire d'une couleur, ici le bleu. Il est passionnant de voir son vécu, les modes qui l'ont propulsé en avant et qui en ont fait une couleur vestimentaire répandue, une couleur très appréciée chez les gens mais aussi les symboles et représentations qui s'y attachent. Puisque le bleu fait sérieux, neutre, au contraire de couleurs ou mélange de couleurs rayées plus voyantes qui à une autre époque « sont jugés indignes d'un bon chrétien ».

Le bleu fait une entrée tapageuse là où le code des couleurs était clairement établi entre noir blanc et rouge, il devient « de plus en plus fréquemment associé par les textes littéraires à l'idée de joie, d'amour, de loyauté, de paix et de réconfort, le bleu devient à la fin du Moyen Âge, pour certains auteurs, la plus belle et la plus noble des couleurs ».

L'auteur nous explique même la fabrication de cette couleur à partir de la guède où les régions la produisant font fortune (Toulouse ou Erfurt) grâce à elle jusqu'à l'autorisation de l'utilisation du bleu indigo.

Revisiter l'histoire d'une couleur permet d'en apprendre sur l'histoire de régions, de pays ou villes plus en détails et de s'attarder sur certaines anecdotes, des routines ou coutumes d'époque. J'ai beaucoup apprécié cette lecture.
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Ce livre est bien plus qu'une étude sur une couleur, le bleu. Elle est également l'analyse des comportements humains et des symboles qu'ils accordent aux couleurs depuis l'Antiquité à nos jours.

Notre perception des couleurs et le sens que nous leur attribuons sont avant tout le reflet d'une époque et de notre perception du monde. Aussi, jusqu'au XIIe siècle, le bleu a largement été ignoré, laissant la place à trois couleurs principales qui se faisaient la représentation du monde selon les hommes de ce temps. Ces trois couleurs sont le rouge, le blanc et le noir. Ce n'est qu'au cours du haut Moyen-Age, et plus particulièrement à partir du XIIIe siècle que le bleu se fit une place dans la société. Si elle a souvent été considérée comme une couleur noble, elle est cependant passée par différentes étapes mais n'a jamais été reléguée à la dernière place et n'a non plus jamais été considérée comme une couleur vulgaire ou agressive, bien au contraire. D'abord représentative de la Vierge puis ensuite de la noblesse, elle a toujours été considérée comme une couleur humble ou, si tel n'était pas le cas, comme une couleur douce dont la prononciation même revêt un air chantant.

L'auteur nous fait part, dans cet ouvrage, de la réalisation de toutes les teintures et plus spécialement celle des vêtements de couleurs bleu qui, même si au départ, ils étaient réservés à une certaine élite, se sont largement, se sont ensuite vulgarisés dans les classes ouvrières, dans celles de l'armée et de toutes les classes en charge de l'administration propre au bon fonctionnement du pays (gendarmes , facteurs...) pour enfin devenir, en ce XXIe siècle, et, d'après les sondages réalisés, la couleur préférée des français ? Pourquoi est-ce que je précise des français ? Tout simplement parce que, comme l'explique clairement l'auteur, chaque couleur reflète une vision particulière du monde et celle-ci varie en fonction des cultures et des religions.

Ouvrage très intéressant puisque l'auteur s'attarde non seulement sur le symbolisme des couleurs mais aussi sur leur histoire et sur l'Histoire de la France en général.
Si j'ai cependant un reproche à faire à l'auteur (ce qui justifie que je n' ai pas octroyé la note maximum à cette étude), c'est que l'ai trouvé que, par moments, Michel Pastoureau se répétait et revenait un peu trop souvent en arrière. Même s'il respecte un certain ordre chronologique ici, il revient souvent ce qui a déjà été traité dans les chapitres précédents pour égayer ses nouvelles théories.

Une lecture agréable et très enrichissante en raison du sujet traité qui se révèle en réalité bien plus complexe que ce que l'on voudrait croire.

De plus, je me suis tout de même retrouvée dans les enquêtes sur lesquelles il s'appuie car même si, en ce qui me concerne, ma couleur préférée est le rose, je ne peux pas dure que je déteste le bleu...bien au contraire ! Un Jean 's bleu avec un pull rose, c'est sympa, non ?
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Mon avis : Michel Pastoureau intervient souvent dans les émissions de France Culture. Ce livre traînait dans ma pile à lire depuis un moment, il était temps !
C'est un livre intéressant, il y a tant à dire simplement sur une couleur, c'est incroyable. Michel Pastoureau fait le tour de la question sur le bleu, son usage selon les époques et sa symbolique. C'est un livre accessible car écrit très simplement, on a presque l'impression de lire un roman. On apprend une foule de choses, mille détails sur cette couleur.
Le livre est suivi d'une bibliographie et de notes (pour expliquer certaines références dans le livre)
En bref, un livre d'histoire bien construit, intéressant, qui donnera envie de s'intéresser à une autre couleur.

À lire allongé sur une serviette bleue, sous un ciel bleu, en sirotant une menthe (bleue) à l'eau ou un petit verre de curaçao (bleu) ; pour les amateurs, quelques schtroumpfs bleus (bonbons).

Instagram : @la_cath_a_strophes
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Ma première découverte de Michel Pastoureau et de ses études historiques sur la couleur remonte à l'époque où j'étais encore étudiante. Je n'avais fait alors qu'esquisser ses ouvrages en lisant quelques extraits. Ce mois-ci, c'est à l'occasion de ma sélection pour La route de l'or bleu de Daniel Bernard, lors d'une Masse critique de Babélio, que je suis revenue sur Bleu, Histoire d'une couleur afin de faire quelques comparaisons entre les deux ouvrages.

J'avais déjà déblayé le terrain avec l'essai de vulgarisation du même auteur : le petit livre des couleurs, très intéressant et facile d'accès dont le premier chapitre était consacré à cette même couleur.
Quant à Bleu, histoire d'une couleur, il s'agit d'une véritable étude historique. Les non-initiés auront peut-être un petit temps d'adaptation mais l'ouvrage se lit très bien, est complet, précis au niveau des connaissances et d'une grande rigueur scientifique. Certes, il existe quelques redites (j'ai vu que ce point avait été à de nombreuses reprises, souligné) : mais, rappelons qu'il s'agit avant tout d'une étude historique qui a pour vocation de délivrer des connaissances sur quelques points précis et non d'être lu de A à Z comme un roman de fiction.

Michel Pastoureau employe un plan chronologique pour aborder le sujet, ce qui est somme toute logique. Néanmoins, lorsque cela est nécessaire, il s'accorde le droit de retours en arrière pour clarifier quelques points (je citerai par exemple, l'histoire de l'indigo dans la troisième partie en repartant de son exploitation depuis l'Antiquité) et ne se cantonne pas uniquement à la couleur bleue mais fait quelques digressions vers d'autres, notamment le rouge, le blanc ou le noir.

- Une couleur discrète des origines au XIIème siècle. le bleu est une couleur peu présente dans la Préhistoire au contraire du rouge, du marron ou de l'ocre. Il en est de même dans l'Antiquité car non seulement elle est difficile à produire (utilisation de végétaux comme la guède ou le pastel) mais également à se procurer ce qui la rend chère (l'indigo ou la pierre semi-précieuse du lapis lazuli). Ainsi, les Romains restent fidèles à trois couleurs dominantes que sont le rouge, le noir et le blanc. Pour eux, le bleu est l'apanage des Germains dont ils s'enduisaient le corps afin d'effrayer leurs ennemis. Jusqu'au Moyen Âge, cette couleur restera relativement ignorée et cela transparaît dans le vocabulaire puisque les mots "bleu" vient du "blau" germanique et "l'azur" de "l'azraq" arabe.

- Une couleur nouvelle (XIème-XIVème siècle). À partir du Moyen Âge, le bleu prend son essor grâce à l'Eglise qui en fait le symbole de la lumière divine et surtout celui de la Vierge. le style gothique lui fera d'ailleurs la part belle dans l'architecture, grâce aux vitraux et l'emploi du fameux "Bleu de Saint Denis" ou le "bleu de Chartres". Parallèlement à la religion, les Rois de France de la fin du XIIème siècle, notamment Philippe Auguste, se réclamant de la Vierge, Protectrice de leur Royaume, décident d'adopter un écu à fond bleu parsemé de fleurs de lys. À partir de ce moment, les cultures de guède et de pastel vont exploser partout en Europe, faisant la richesse de certaines régions (Picardie, Normandie, Languedoc pour la France, comtés de Glastonbury et Lincoln en Angleterre, Sud de l'Espagne, la Thuringe en Allemagne). le bleu devient alors la couleur concurrente du rouge.

- Une couleur morale (XVème-XVIIème siècle). Avec le développement de nouveaux courants réformateurs et rigoristes religieux en Europe, notamment le Protestantisme, le bleu avec le noir prennent une nouvelle dimension symbolique. Ils deviennent les couleurs de l'autorité, de la modestie, de la simplicité et de l'ordre moral. Tandis que le rouge, pour les Réformateurs, devient la couleur du péché, de la luxure et de la Papauté.

- La couleur préférée (XVIIIème-XXème siècle). le bleu s'impose complètement pendant cette période jusqu'à devenir la couleur préférée des Européens. En teinture, le développement de l'indigo dans les nouvelles terres d'Amérique et son exportation en Europe, supplante désormais la guède et le pastel grâce à son faible coût d'acquisition et à ses vertus colorantes (l'indigo tient mieux à la teinture et sa couleur est plus vive). Les ports de Nantes, Bordeaux et Marseille prospèrent tandis que Toulouse péréclite. Et en peinture, c'est désormais le bleu de Prusse qui triomphe du lapis lazuli et de l'azurite, bien moins cher à fabriquer. Cette couleur devient aussi le symbole de la Révolution américaine puis française. Aujourd'hui, le bleu se retrouve dans les grandes institutions européennes, à l'ONU (les fameux casques bleus), l'UNESCO, car il se veut la couleur du consensus et de la neutralité. Et que dire de l'explosion du "blue jeans" depuis sa commercialisation en masse dans les années 20, aux Etats-Unis, qui fait que le bleu est la couleur désormais la plus portée, en Occident?

En conclusion, l'ouvrage de Michel Pastoureau sur la couleur bleue est passionnant et instructif à plus d'un titre. Relativement abordable, il pourra être autant utilisé par le néophyte pour enrichir sa culture que l'étudiant ou le spécialiste pour compléter ses connaissances historiques.
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Pour une fois, le sous-titre de l'ouvrage est faible car Michel Pastoureau, historien aussi érudit qu'agréable à lire, brosse une histoire de toutes les couleurs de l'Antiquité à nos jours, à travers la couleur préférée de la majorité des adultes : le bleu.

Un destin inattendu puisque dans les temps reculés – Rome, la Grèce, le haut Moyen-Âge - le bleu est une couleur ignorée et mal vue. le système chromatique se limite alors à la trilogie blanc-rouge-noir. Bien plus, les hommes d'Eglise se disputent entre tenants de la couleur en tant que matière (détestable, donc) ou en tant que lumière (émanant de Dieu). Bernard de Clairvaux bannit des édifices cisterciens toute image et toute couleur quand Suger veut de la couleur partout (Basilique Saint Denis en 1140, Sainte Chapelle en 1250).

Le bleu devient donc à la mode au cours du XIIIème siècle : Saint Louis sera le premier homme public à porter systématiquement du bleu. Objets d'art, émaux, vêtements, armoiries … le bleu envahit la sphère sociale avec le progrès des plantes tinctoriales qui permettent d'obtenir un bleu lumineux. le pastel recèle dans ses feuilles l'indigotine, plus facile à manier que la poudre de lapis-lazuli ou l'azurite. Il fera la fortune des régions de Toulouse, du Lauragais et d'Erfurt en Allemagne. Mais à une époque où tout est réglementé, on limite l'utilisation du bleu, qui vient en concurrence avec le rouge fourni par la garance. Il s'agit aussi d'un temps où l'on éprouve une aversion biblique pour les mélanges : mêler, amalgamer, fusionner sont des opérations infernales puisqu'elles enfreignent l'ordre et la nature des choses. Par exemple, on n'obtient pas du vert en mélangeant du jaune et du bleu. Ce serait impossible puisque les teinturiers autorisés à travailler du bleu sont distincts physiquement de ceux qui peuvent teindre en rouge !

On en restera donc longtemps à la trilogie blanc-noir-rouge : le petit chaperon rouge – un conte qui remonte à l'an mil – apporte un pot de beurre blanc à sa grand-mère et/ou au loup noir, une sorcière noire apporte une pomme rouge à une jeune fille au teint blanc, un corbeau noir laisse tomber un fromage à un animal rouge … mais ce système à trois pôles explose au XIIIème siècle en faveur d'un système à cinq couleurs : blanc, rouge, noir ou bleu, vert et jaune. C'est le noir qui devient à la mode, favorisé par les lois somptuaires destinées à limiter l'utilisation de produits trop luxueux et le plus souvent importés.

La couleur devient alors question de morale. Avec la Réforme et le Jansénisme, les personnes sérieuses se vêtent de couleurs sombres. C'est le bleu qui en profite, d'autant plus que les restrictions réglementaires à son utilisation disparaissent au XVIIIème siècle. C'est le triomphe de l'indigo, cultivé de façon industrielle aux Indes et en Amérique et qui met hors-jeu le pastel européen, d'autant plus qu'il ne nécessite pas l'apport de mordant.

Au XIXème siècle, les chimistes allemands comme les Romantiques font du bleu la couleur « tendance ». le bleu va alors devenir une couleur politique. Bleu est la couleur des uniformes de la Garde nationale, la première couleur du drapeau national, le symbole des idées avancées contre le blanc de la royauté de droit divin …. Pour évoluer vers la couleur des modérés, des centristes, aujourd'hui de la Droite républicaine et de l'Union Européenne comme des soldats de l'ONU.

Au XXème siècle et de nos jours, le bleu, à travers l'aventure du blue jean est sans conteste la couleur la plus répandue dans le monde, et lorsqu'on interroge les adultes pour dire spontanément leur couleur préférée, celle qui est le plus souvent citée (car les enfants préfèrent le rouge !).

Un petit livre passionnant, même sans illustrations, étonnant, indispensable : un plaisir comme sait nous les donner à chaque instant Michel Pastoureau.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Aujourd'hui, le bleu est une des couleurs les plus appréciées dans le monde, et plus particulièrement des Occidentaux (avec le vert). Elle représente à la fois le ciel, l'eau, le beau temps, les rois… Qui aurait cru que pendant des siècles, ce fut une teinte ingrate et méprisée ?
Pourtant, pour les Grecs et les Romains, le bleu n'était rien du tout. Au point qu'il n'était jamais représenté nulle part, qu'avoir les yeux de cette couleur était une tare (un signe de dépravation pour les femmes et de féminité pour les hommes), et qu'il n'existait même pas de mot pour le définir dans leur langue. Ce déni dura jusqu'au Moyen Âge (au 12e siècle, plus précisément). Un changement inouï qui se fait très rapidement (en seulement quelques décennies) et dont l'essor est en grande partie dû à la Vierge – dont on commence à représenter les vêtements en bleu – et aux armoiries royales.

Mais pourquoi le bleu fut-il autant dénigré dans l'Antiquité ?
Tout simplement parce que c'était la couleur des Allemands, peuple barbare qui avait l'habitude de se teindre les vêtements et le corps avant le combat, et que les Romains étaient incapables de le produire. Les rares couleurs qu'ils pouvaient recréer étaient le rouge, le blanc et le noir, ainsi que (plus difficilement et de manière plus récente) le vert et le jaune.

Par conséquent, ils ont développé une analyse de la couleur qui est différente de la nôtre. L'inverse du blanc est non seulement le noir, mais aussi le rouge ; et le rouge est tout autant à l'opposé du blanc que du noir, car il représente la densité, l'intensité, le tissu coloré. le blanc et le noir sont vides, creux, l'un étant symbole de pureté et l'autre de souillure. C'est une vision tridimensionnelle de la couleur.

Au final, ce livre nous apprend une chose : la perception est toujours subjective et culturelle. C'est ainsi que certaines peuplades ne font pas la différence entre le vert et le bleu, car ils utilisent le même mot pour les deux. Les Romains, eux, associaient souvent le vert au rouge, qui étaient des teintes voisines pour leur regard (si, si). Quant au Moyen Âge, il dissociait terriblement le jaune et le bleu, dont le vert n'était pas considéré comme un pallier commun. C'est curieux de se rendre compte que tout ce qu'on perçoit est question de point de vue. Que tout peut être changé par la culture qu'on a reçue.
Un livre très intéressant, donc, mais dommage que des lourdeurs ponctuent la narration. Je regrette également que les notes de bas de pages soient référencées à la fin du livre, ça nous oblige à faire de nombreux aller-retours, parfois pour rien.
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Je me suis mise à lire cet ouvrage suite à ma découverte du roman Pastel d'olivier Bleys et je ne le regrette pas du tout. D'où provient cette couleur longtemps méconnue et incomprise ? Quelle était son utilité ? Comment était-elle perçue au sein des différentes sociétés et civilisations ? ce petit livre se lit rapidement et permet de mieux comprendre les enjeux de cette couleur et ses nuances ainsi que son impact et son évolution au sein du microcosme de la société.
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