Parfois, les choses paraissent si évidentes que, tel le nez au milieu de la figure (sauf le mien), on ne les remarque plus. J'aime les photos, j'aime les peintures, j'aime me documenter en Histoire de l'art, j'adore les
couleurs vives mais j'apprécie tout autant le noir et blanc. En tant que linguiste, j'ai toujours adoré remonter aux origines d'expressions tel que « voir rouge », « vert de peur » (alors que vous noterez qu'on a une « peur bleue »), etc.
Et pourtant.
Jamais je ne m'étais intéressée aux
couleurs en elles-mêmes. Je mériterais de laisser des enfants de 3 ans me barbouiller le visage de peinture, tiens.
C'est un tort qui est à présent partiellement réparé grâce à ma découverte de
Michel Pastoureau. Qui est-il, ce monsieur ? Un historien des
couleurs, des images et des symboles, injustement (d'après moi) dénigré par bon nombre de ses confrères qui jugent sa spécialité « pauvre ». Rendons à Pastoureau ce qui appartient à César : je trouve son sujet passionnant.
Les
couleurs sont partout, mais impossible de les comptabiliser. Ce n'est pas l'oeil qui les distingue, mais notre esprit, notre culture, notre langue (je ne parle pas de celle où poussent parfois des aphtes). Impossible de les catégoriser. Une couleur décriée au Moyen-âge peut d'un coup gagner ses galons au XIXème siècle. le vert que l'on associe si aisément de nos jours à la nature (exemple glamour : les poubelles vertes de recyclage pour préserver l'environnement) n'en était aucunement la
couleur symbolique il y a plusieurs siècles en arrière. Et que dire de leur ambivalence ? le rouge qui fait autant penser aux flammes de l'enfer qu'à la passion amoureuse, le noir, symbole du deuil mais également du raffinement vestimentaire. Et d'ailleurs, ce noir, couleur ou pas couleur ? Il est presque inconcevable aujourd'hui de se représenter les gens du Moyen-âge appréhender les nuances non pas en termes de différences de
couleurs mais plutôt en termes de brillant et mat (ce qui a fait bien du tort à notre jaune souvent qualifié de fade, que la couleur or a longtemps supplanté)
Ce petit livre de 120 pages que j'ai choisi pour une première approche ouvre sur un abîme de questionnements auquel, heureusement, l'auteur répond. du fait du poste de professeur dans le Supérieur de M. Pastoureau, je m'attendais à un texte plutôt académique mais il n'en est rien. Il s'agit ici d'un entretien, mené par l'auteur
Dominique Simmonet, qui permet un aperçu de l'évolution et des symboliques rattachées à chaque couleur de l'arc en ciel (mais pas que). On en apprend sur chaque couleur, et on est ébahi de constater que certains codes remontant au Moyen-âge sont toujours inconsciemment appliqués de nos jours et que d'autres n'ont disparu que très récemment (ah, le linge de lit de couleur qui aurait tant choqué nos arrière-grands-parents). Les comparaisons avec les autres cultures sont également très intéressantes et, pour la plupart, je n'en avais pas la moindre idée. Preuve encore une fois que tout est bien d'ordre culturel.
Je suis ravie de cette découverte et je compte bien me procurer les ouvrages plus conséquents de
Michel Pastoureau dédiés à chaque couleur (et je suis très curieuse de voir le livre pour enfants sur le noir qu'il a écrit :
Pierre n'a plus peur du noir).
Lien :
https://tsllangues.wordpress..