Or, que font-ils, quand le rendez-vous est en retard ? J'avais haussé les épaules. "Ils farfouillent dans leur téléphone ou s'allument une cigarette ! [...] Une idiotie. Le portable, ça fait étriqué du cerveau, incapable de profiter de la vraie vie. Quant à l'autre option... j'ai essayé : haleine déplorable et bronches enduites de goudron. Sans parler du bonus teint crayeux. Alors qu'il y a les livres ! Quoi de plus sexy qu'un bouquin ? Tu poireautes au resto est l'heureux élu est en retard ? Pas de téléphone, un livre. Tu attends la sortie du métro ? Un livre. Mystérieuse, lointaine, cultivée... Avec une touche de rouge à lèvres, rien de plus sensuel. [...] Depuis, je ne sors jamais sans un livre dans ma poche.
Éloïse sourit comme dans une pub de dentifrice et court rejoindre l'homme au cerveau-chouquette : mou et plein d'air.
« Je danse, danse, et danse encore. Les tourbillons me happent et m’aident à oublier. Je me dissous dans les corps qui se balancent et convulsent, dans la lumière tamisée qui brouille les visages. Le désastre familial, mon père qui ne vivra plus jamais sous notre toit, Victor tout près dans les bras d’une autre. Parfois, un oppression m’écrase les poumons et je lutte contre les larmes. Mais je suis balèze à ce petit jeu et je danse plus vite, plus fort. »
Elle rit. Un rire mou, mais un rire quand même.
Elle m’embrasse sur le front.
Je tente de me regarder une dernière fois dans le miroir de l’entrée. Il a disparu. Les post-it le recouvrent de haut en bas.
– Amuse-toi bien ! Je t’aime, Déborah, tu es mon soleil ! lance ma mère depuis la salle de bain où elle se maquille.
Tandis que je sautille dans l’escalier, je réfléchis.
Jamais ma mère ne m’a dit un truc pareil.
Mon père se mouche bruyamment. Dans un mouchoir EN TISSU*. Cet homme s'est perdu dans une machine à remonter le temps, une famille l'attend quelque part, au XIXe siècle.
*en italique dans le texte.
Il ne me reste plus qu'à ramasser mon égo tombé en poussière par terre et en faire un saucisson en macramé.
La consigne officielle est "cinq fruits et légumes par jour". On devrait donner la même pour les amis. Nourrissez-vous uniquement de poireaux, et c'est la carence assurée. Côtoyez toujours les mêmes gens et vous finirez le moral en charpie.
Le Big Bang n'a duré qu'un millième de seconde mais il a créé l'Univers.
Le jour, j'oublie. La nuit, je replonge.
Je tâte mes fesses et constate que ma plastique irréprochable s'est fait la malle, elle aussi. À la place, il y a le royaume de dame Cellulite, implantée sur le territoire depuis des générations, décidée à ne pas lâcher un centimètre. Ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère y ont eu droit. À bien regarder les albums de famille, la cellulite coule dans nos veines.