AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,56

sur 34 notes
5
1 avis
4
4 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cette troisième lecture d'un roman de José Luis Peixoto confirme mes impressions précédentes : l'on entre dans ceux-ci à tâtons, troublé par un sentiment d'étrangeté, autant spatiale que temporelle. Spatiale, parce que l'on ne sait pas forcément où l'on se trouve, si ce n'est dans un village portugais comme tant d'autres ; temporelle, parce que l'on sait quand l'histoire se passe, dans les grandes lignes – ici des années 1930 aux années 2000 -, mais qu'elle varie d'un paragraphe à l'autre sans crier gare, demandant un effort de réflexion quant à l'époque et aux protagonistes concernés.

Une fois que l'entrée, un peu fastidieuse, car demandant une véritable envie de percer le mystère de ce cadre au premier regard confus, s'est faite, c'est un régal que de suivre les pérégrinations de nos deux personnages principaux et de leurs familles : d'un côté, Ilidio, jeune garçon abandonné par sa mère – pour des raisons que nous découvrirons plus tard – et recueilli par le maçon du village, Josué ; de l'autre, Adelaide, à peine plus âgée qu'Ilidio, qui vit avec sa tante, vieille dame étrange qui vend timbres et cartes postales au village. Nous les voyons d'abord grandir séparément dans cette campagne portugaise, avec une forme d'insouciance propre à l'enfance et à l'adolescence, au milieu de leur entourage, familial comme amical, puis se rencontrer, et tomber amoureux… jusqu'à la séparation et l'émigration en France à quelques jours d'intervalle, émigration qui permet de prendre conscience de la dictature qui règne au Portugal, celle-ci ayant été, jusqu'à présent, euphémisée dans la narration, comme tous les secrets familiaux qui étouffent le village. Après un long chemin tortueux et semé d'embûches, nous découvrons en effet, une fois à Paris avec nos deux personnages, un autre type d'émigration portugaise, celle des exilés politiques ou culturels qui ont échappé de peu à l'emprisonnement ou à la mort, et qui ont préféré s'enfuir avant. Nous découvrons aussi les bidonvilles de Saint-Denis et de Champigny qui, dans les années 1950-1960, accueillaient l'émigration portugaise causée par la dictature, décrits dans leur quotidien le plus banal. S'en suivent d'autres évènements, d'autres rencontres… suite à cette arrivée à Paris, que je laisse le soin à chacun de découvrir.

Roman relatant l'histoire de plusieurs générations portugaises – celle qui est restée au pays ; celle qui est partie, et qui est parfois revenue, régulièrement ou définitivement ; celle qui a de ce fait connu deux pays et deux cultures -, Livro est tout d'abord un roman sur l'exil, vécu violemment par ceux qui partent, et ressenti tout aussi violemment par ceux qui restent. Mais c'est aussi un roman sur l'amour, sur toutes les sortes d'amour – passionnel, paternel, filial, amical… – qui peuvent faire soulever des montagnes pour leur permettre de s'accomplir totalement. C'est enfin un roman sur l'écriture, sur son pouvoir de transcender des évènements pour leur donner le sens et le rôle que l'on souhaite, au détriment du ressenti des autres qui ont vécu pourtant les mêmes évènements – ou comment l'écriture de soi est forcément écriture, et donc transformation de soi -. C'est un roman que j'ai trouvé, malgré la première étape d'adaptation demandant toujours une petite gymnastique intellectuelle, tout aussi magnifique que les précédents, d'une force d'évocation remarquable, lumineuse, touchante et belle, dans toute sa simplicité.
Lien : http://lartetletreblog.com/2..
Commenter  J’apprécie          140


Lecteurs (70) Voir plus




{* *}