Je ne crois moi à ces paroles que si j’y perçois l’arrière son d’une douleur . Car si l’on guérit parfois de la cancrerie, on ne cicatrise jamais tout à fait des blessures qu’elle nous infligea.
Si outre celui des maîtres célèbres, cette anthologie proposait le portrait de l'inoubliable professeur que nous avons presque tous rencontré au moins une fois dans notre scolarité, nous en tirerions peut-être quelques lumières sur les qualités nécessaires à la pratique de cet étrange métier.
Seulement, pour que la connaissance ait une chance de s'incarner dans le présent d'un cours, il faut cesser d'y brandir le passé comme une honte et l'avenir comme un châtiment.
Oui, j'ai toujours aimé les bons élèves.
Et je les plains, aussi. Car ils ont leurs propres tourments : ne jamais décevoir l'attente des adultes, s'agacer de n'être que deuxième quand ce crétin d'Untel monopolise la première place, deviner les limites du professeur à l'approximation de ses cours, et donc s'ennuyer un peu en classe, subir la moquerie ou l'envie des nuls, être accusés de pactiser avec l'autorité,...
Mais c’est cela enseigner : c’est recommencer jusqu’à notre nécessaire disparition de professeur.
On va penser pour moi. Ne le dites à personne, je vais consommer de la pensée aussi paresseusement que si je m'envoyais le premier feuilleton venu.
Or, dans la société où nous vivons, un adolescent installé dans la conviction de sa nullité -voilà au moins une chose que l’expérience vécue nous aura apprise- est une proie.
Vous ne vous rendez pas compte, monsieur, j'ai douze ans et demi, et je n'ai rien fait.
Il faudrait inventer un temps particulier pour l'apprentissage...
pour que la connaissance ait une chance de s'incarner dans le présent d'un cours, il faut cesser d'y brandir le passé comme une honte et l'avenir comme un châtiment.
Très tôt mon avenir lui parut si compromis qu'elle ne fut jamais tout à fait assurée de mon présent. N'étant pas destiné à devenir, je ne lui paraissait pas armé pour durer. J'étais son enfant précaire.