L’esprit est à soi-même sa propre demeure, il peut faire en soi un ciel de l’enfer, un enfer du ciel.
Citation de Milton
Le meurtre était fondamentalement humain. Une personne était assassinée, une personne assassinait.
Ce n'était ni le hasard ni un événement qui déclenchait le geste fatal.
C'était une émotion. Une émotion autrefois saine et humaine était devenue répugnante, boursouflée, puis avait été enterrée. Mais pas définitivement. Elle restait tapie, souvent depuis des décennies, se maintenant en vie et grossissant, sinistre, tourmentée, pleine de rancune.
Jusqu'au jour où elle se libérait enfin de la contrainte humaine. Aucun sens moral, aucune peur, aucune convention sociale ne pouvait alors la retenir. C’était le chaos. Et un homme devenait alors un meurtrier
- Vous m'avez demandé ce que je comptais chaque soir et chaque matin. Les mêmes choses que je comptais tous les jours en prison tandis que de meilleurs hommes dépérissaient et mouraient. Savez-vous ce que je compte?...
- Je fais le compte de tous les bienfaits dont j'ai joui dans la vie.
La tempête s'éloigna, pour aller terroriser d'autres créatures plus loin dans la forêt. Les Gamache regagnèrent leur chambre et ouvrirent la fenêtre pour faire entrer la brise fraîche laissée par la tempête en guise d'excuses.
Une dame ne cherche jamais à en mettre plein la vue. Elle s'arrange pour mettre les autres à l'aise.
-Savez-vous quelle est la seule chose que l'argent achète ?
Gamache attendit.
-De l'espace.
-De l'espace ?
-Une plus grande maison, une plus grosse voiture, une chambre d'hôtel plus spacieuse. Des billets d'avion de première classe. Mais il n'achète pas le confort. Personne ne se plaint plus que les riches et les privilégiés. Le confort, la sécurité, le bien-être : l'argent ne nous les procure pas.
Gamache savait une chose au sujet de la haine : elle vous liait pour toujours à la personne détestée. Un meurtre n’était pas le fruit de la haine, il représentait plutôt un effroyable acte de libération. On le perpétrait pour être enfin débarrassés du poids qui vous accablait.
Pour son équipe, l’inspecteur-chef Gamache choisissait des personnes qui avaient peut-être peur, mais qui trouvaient le courage de s’élever au-dessus de leur frayeur.
Je fais le compte de tous les bienfaits dont j’ai joui dans la vie. [...] Nous sommes tous à la fois choyés et malmenés par la vie. Mais il s’agit de savoir ce que nous comptons.
Elle lui avait enseigné que de l’ordre naissait la liberté. L’ordre libérait l’esprit pour autre chose.