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336 pages
Eric LOSFELD Le Terrain Vague (01/06/1971)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Second tome des oeuvres complètes de Benjamin Peret publié par l'Association des amis de Benjamin Peret.

- De derrière les fagots
- Je sublime
- Trois cerises et une sardine
- Dernier malheur dernière chance
- Un point c'est tout
- A tâtons
- Air mexicain
- Toute une vie
- Des cris étouffés
- Autres poèmes
- Dernièrement
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L'oiseau vole, le poisson nage et l'homme invente car seul dans la nature il possède une imagination toujours aux aguets, toujours stimulée par une nécessité sans cesse renouvelée. Il sait que son sommeil fourmille de rêves qui lui conseillent de tuer son ennemi le lendemain même ou, interprétés selon les règles, lui tracent son avenir. Mais sont-ce des rêves, des manifestations de son «esprit» ou de celui d'un ancêtre qui lui veut du bien ou poursuit la vengeance d'une quelconque offense ? Pour le primitif il n'y a pas encore de rêves ; cette mystérieuse activité de l'esprit dans un corps inerte lui révèle que son «double» veille sur lui, qu'un ancêtre pèse sur sa destinée ou, plus tard, qu'un dieu Viracocha chez les Incas, Huitzilopochtli chez les Aztèques - veut le bonheur du peuple en échange d'un tribut d'adoration. Cet esprit qui est en lui et l'anime nuit et jour, il n'est pas assez présomptueux - connaissant trop bien l'exiguïté de ses moyens physiques - pour croire qu'il est seul dans l'univers à le posséder. Le soleil, la lune, les étoiles, le tonnerre, la pluie et la nature entière lui ressemblent et si, de matière à matière, son pouvoir est faible, il est compensé, d'esprit à esprit, par une puissance qu'il postule sans limites. Il lui suffit de trouver le moyen adéquat de toucher l'esprit qu'il s'agit de circonvenir. Si la nature paraît hostile ou tout au moins indifférente au sort des hommes, il n'en a pas toujours été ainsi. Les animaux, les plantes, les phénomènes météorologiques et les astres sont des ancêtres prêts à le secourir ou à le châtier. Ils ont été bons ou mauvais et se sont vu transformer en signe de récompense ou de condamnation, en quelque chose d'utile ou de nuisible à l'homme, à moins qu'un accident imaginaire ne détermine cette métamorphose pour expliquer un phénomène naturel mais surprenant. Le paysan breton, en disant devant une giboulée que le « diable bat sa femme », témoigne que cette conception du monde ne lui est pas tout à fait étrangère et qu'il sait encore voir la nature d'un oeil poétique. Encore ! car la société barbare qui fait vivre (vivre ?) l'immense majorité des hommes de boîtes de conserve et les conserve dans des boîtes, logements de la dimension d'un cercueil, tarifant le soleil et la mer, cherche à les ramener aussi intellectuellement à une époque immémoriale, antérieure à la reconnaissance de la poésie. Je pense à l'existence de damnés que cette société impose aux ouvriers, telle que nous l'a révélée, à peine soulignée par un humour étincelant, le film de Charlie Chaplin, « Temps Modernes ». Pour ces hommes la poésie perd fatalement toute signification. Il ne leur reste plus guère que le langage. Leurs maîtres ne le leur ont pas ôté, ils ont trop besoin qu'ils le conservent. Du moins l'ont-ils émasculé pour le priver de toute velléité d'évocation poétique, le réduisant au langage dégénéré du «doit» et de l'«avoir».
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Elle était belle comme un nénuphar sur un tas de charbon
de ce charbon
que son père enfournait dans les trains présidentiels
au lieu du président
belle comme une perle dans une huître qui ne sera jamais pêchée
belle comme un jeune sabot
qui frappe des fesses paternelles
belle comme une hirondelle
nichant sous la gouttière d’une prison en démolition
et si jeune qu’on aurait dit
un raz de marée nettoyant une ville de tous ses curés

Papa
Mon petit papa tu me fais mal
disait-elle
Mais le papa qui sentait le feu de sa locomotive
un peu en dessous de son nombril
violait
dans la tonnelle du jardin
au milieu des manches de pelle qui l’inspiraient
Violette
qui rentrait ensuite étudier
entre le mécanicien de malheur
et la mère méditant sa vengeance
ses leçons pour le lendemain
où l’on vantait la sainteté de la famille
la bonté du père et la douceur de la mère
La sienne son billet de mille francs cousu dans son sordide jupon
valait une concierge et son chien hargneux
une boîte de conserves bombée
plusieurs escouades de ces flics dont s’enorgueillit sa famille
Sur le père rien d’autre à dire
N’en parlons plus

Mais le fumier décoré d’une couronne comtale aura de l’avancement
à la brigade mondaine
avant d’épouser une riche héritière
la fille d’un quelconque M. Émile
tremblant dans son pantalon
Passons le nez bouché

Loin de là l’élève Violette Nozières
revient lentement du lycée Fénelon
dans l’espoir que son père sera rentré du jardin
Mais il a déjà préparé une serviette derrière le paravent

Plus tard ce sera sur les boulevards
à Montmartre rue de la Chaussée-d’Antin
que tu fuiras ce père
dans les chambres d’hôtels qui sont les grandes gares de l’amour

Au croupier au nègre à tous tu demanderas de te faire oublier
le papa le petit papa qui violait
Mais la martyre
la mère laissée pour compte
manie la vengeance
comme on tient la chandelle
singe les héroïnes antiques de bouse sèche
pour venger la serviette
maculée
oubliée derrière le paravent
qui devait avoir plus d’un trou

Et tous ceux qui font uriner leur plume sur le papier de journal
les noirs flaireurs de cadavres
les assassins professionnels à matraque blanche
tous les pères vêtus de rouge pour condamner
ou de noir pour faire croire qu’ils défendent
tous s’acharnent sur celle qui est comme le premier marronnier en fleurs
le premier signal du printemps qui balaiera leur boueux hiver
parce qu’ils sont les pères
ceux qui violent
à côté des mères
celles qui défendent leur mémoire

- Juliette Nozières
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Tout était dit sur l'amour depuis les onomatopées jusqu'au formules qui les condensent
depuis l'étincelle enflammant les lacs dorés de soleil
bouleversant l'insondable forêt des chevelures secouées par la tempête
magnétisant les corps de farine et les esprits de lémuriens se hissant sur es grands arbres
jusqu'à l'horizon drapé d’un crêpe dont dont chacun d'eux tient un coin
Tout était dit sauf les mots qui déchirent les voiles déteints par les larmes
et dégagent les étendues aux mille mirages que chaque pas rend plus certain de palper
Plus de conscience toujours plus de conscience de l'amour
De toi comme un buisson explose de tous ses oiseaux
fuse ce commandement qui extrait l’amour des cavernes obscures suintant la cervelle encrassée d’encens
et lui dit Toi le premier
Tant que l'homme sa compagne à la main n’aura pas exploré tes forêts que n'habite aucun monstre
remonté tes grands fleuves de soie ou de chaudière surchauffée
escaladée tes pics au delà des rêves en oiseaux des îles flottant sur leurs versants
pour d'en haut contempler d'un coup d’œil d'empereur le monde qui lui offre la possession de ses bras de feu et d'ombres mêlés
la liberté ne sera qu'un demain on rasera gratis
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Mais je t'aime comme le coquillage aime son sable
où quelqu'un le dénichera quand le soleil aura la forme d'un haricot
qui commencera à germer comme un caillou montrant son coeur sous l'averse
ou d'une boîte de sardines entr'ouverte
ou d'un bateau à voiles dont le foc est déchiré
Je voudrais être la projection pulvérisée du soleil sur la parure de lierre de tes bras
ce petit insecte qui t'a chatouillée quand je t'ai connue
Non
cet éphémère de sucre irisé ne me ressemble pas plus que le gui au chêne
qui n'a plus qu'une couronne de branches vertes où loge un couple de rouges-gorges
Je voudrais être
car sans toi je suis à peine l'interstice entre les pavés des prochaines barricades
J'ai tellement tes seins dans ma poitrine
que deux cratères fumants s'y dessinent comme un renne dans une caverne
pour te recevoir comme l'armure reçoit la femme nue nue
attendue du fond de sa rouille
en se liquéfiant comme les vitres d'une maison qui brûle
comme un château dans une grande cheminée
pareille à un navire en dérive
sans ancre ni gouvernail
vers une île plantée d'arbres bleus qui font songer à ton nombril
une île où je voudrais dormir avec toi
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Quand tombera la nuit des poêles qui ont trop brûlé
trop chauffé
comme une chevelure trop abondante
une voix plus légère que le dernier flocon de neige
qui dessine ton sein en se dissolvant
comme une petite fille timide
sous le regard intrépide du dernier accent circonflexe
enragé
qui bondit comme un tigre poursuivi
du vert au blanc
une voix si faible qu’on dirait une mouche sans ailes
murmurera de seconde en seconde
cri d’un robinet à jamais mal fermé
et qui retentira dans le lit de ton oreille
comme l’éclatement d’une pierre gelée
Je t’aime grotte de soufre
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Vidéo de Benjamin Péret
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : Benjamin Péret, _Le déshonneur des poètes,_ précédé de _La parole est à Péret,_ Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, 38 p., « Liberté n°23 ».
#BenjaminPéret #LittératureFrançaise #Surréalisme #AprèsGuerre
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