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Un triple voyage, magnifique, dans l'histoire de l'Iran, dans l'histoire de ce musée d'Art Moderne quasi mort né et du gardien de ses oeuvres, dans l'émotion générée par la contemplation de certaines oeuvres d'art.

Une découverte magnifique que ce premier roman sur un thème original.

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1979, Téhéran. Poussés par le vent révolutionnaire gonflé de toutes les peurs, de toutes les frustrations, de tous les mécontentements d'un peuple usé par trop d'injustices, deux avions se croisent dans le ciel iranien. L'un mène vers l'exil la famille honnie du Chah, l'autre ramène du sien celui qui porte tous les espoirs de ces hommes et de ces femmes en colère : l'ayatollah Rhomeini. Mais, loin d'alléger la chape de plomb et d'angoisse qui pesait sur leurs épaules, c'est un épais voile noir qui s'abat sur les Iraniens, tressé des interdits et des impératifs d'un islam à la rigueur dépourvue de lumière. Quelle place reste-t-il à la culture et à la curiosité de l'autre dans cet Iran qui s'étrique sous des règles sans humanité ni nuances ? Cyrus, jeune homme sensible et discret se fait le témoin de ce monde qui change, passant d'une violence à une autre. D'abord simple convoyeur d'oeuvres d'art découvrant par hasard un univers de beauté et de connaissances, il devient le gardien dévoué d'un trésor dont il devine puis mesure l'ampleur et l'impérieuse nécessité qu'il y a à la protéger de l'obscurantisme afin de pouvoir, un jour peut-être, l'offrir à nouveau aux yeux du monde.
En ces jours troubles où l'Iran reprend une place prépondérante dans l'actualité, j'ai trouvé très intéressante l'idée de Stéphanie Pérez de nous replonger dans l'un des moments de bascule de ce pays, source de tant de fantasmes. A la lecture de ce texte, m'est revenu le souvenir d'un autre récit, passionnant, touchant, Les passeurs de livres de Daraya, de Delphine Minoui, mémoire d'un autre régime imposé dans la violence, d'une autre culture sacrifiée sur l'autel du fanatisme. Peut-être est-ce le souvenir de la très forte émotion soulevée alors qui a rendu plus fade celle de cette nouvelle lecture ? Peut-être l'impression que ce récit hésite trop à prendre parti entre roman et documentaire ? Si la lecture du Gardien de Téhéran m'a été agréable et très instructive, la plume de Stéphanie Pérez restituant avec assurance le déroulement de ces heures historiques, elle a cependant peiné à susciter, malgré le personnage de Cyrus auquel on la sent attachée à rendre hommage, autre chose qu'un intérêt purement intellectuel, ce qui, avouons-le, est déjà formidable !

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❝Personne n'a jamais réussi à tuer l'art en Iran.❞
Abnousse Shalmani, La Grande Librairie, 6 mars 2024

❝Par l'un de ces soubresauts dont seule la grande Histoire a le secret, le voici [Cyrus] investi d'une mission qui le dépasse et le terrorise. de lui dépend l'avenir du musée d'Art moderne de Téhéran, le préféré de l'impératrice, le plus mystérieux aussi. de lui dépend le sort de 300 tableaux de maîtres occidentaux, inestimables, témoins de leur époque et menacés par l'obscurantisme. Une collection unique au monde, en danger depuis qu'un religieux au turban noir a mis la main sur l'Iran.❞

D'après une histoire vraie. le Gardien de Téhéran retrace la vie de Cyrus Farzadi (le nom a été changé), un homme ordinaire au destin extraordinaire dans un pays à l'histoire récente tumultueuse. Un pays passé en à peine deux ans du faste du règne des Pahlavi à l'obscurantisme de la République islamique des mollahs, de la fuite de la famille impériale le 16 janvier 1979 au retour triomphal quinze jours plus tard de l'ayatollah Rouhollah Khomeyni fomenté depuis Neauphle-le-Château dans les Yvelines, son dernier lieu d'exil.

Le premier roman de Stéphanie Perez paru chez Plon il y a un an couvre cinq décennies, du couronnement du Shah à l'automne 1967 à nos jours en 2016. Il suit plus ou moins la forme d'un journal tenu par un narrateur omniscient qui égrène les dates clefs de l'Iran de cette période-là.
Au début des années 1970, Mohammad Reza Pahlavi et Farah Diba son épouse célèbrent avec un faste ostentatoire les 2 500 ans de l'Empire perse à Persépolis devant un parterre de célébrités. Sous le règne du Shah, l'Iran s'est ouvert à l'influence de l'Occident et modernisé, creusant entre les classes nanties à l'abri de maisons luxueuses se reflétant dans des piscines turquoise et le reste de la population cantonnée dans les quartiers ouest un fossé profond où se terre une colère sourde. C'est dans ces quartiers vétustes que vivent Cyrus, Farideh sa mère qui confectionne les robes copiées des modèles de la haute couture française pour la haute société iranienne, et la famille de son amie Azadeh.

Tous connaissent le goût prononcé de l'impératrice pour les arts et pour les artistes européens et américains tout particulièrement. Ouvrir un musée d'Art contemporain pour donner à voir leurs oeuvres est un projet qu'elle a à coeur depuis longtemps. le bâtiment, mélange harmonieux inspiré d'architectures traditionnelle iranienne (tours de vent), européenne (fondation Joan Miró de Barcelone) et américaine (fondation Solomon R. Guggenheim de New York), s'élève dans le parc Farah (aujourd'hui parc Laleh). L'architecte Kamran Diba n'est autre que le cousin de l'impératrice qui lui a en outre confié la mission d'acquérir des oeuvres de premier plan, une mission dont il va brillamment s'acquitter avec l'aide de Donna Stein historienne de l'art américaine venue à Téhéran à cette occasion. C'est cette femme, convaincue qu'il est ❝la personne qu'il […] fallait❞ qui recrute Cyrus, jeune homme dans sa vingtaine, discret et peu cultivé, pour convoyer de l'aéroport jusqu'au musée les oeuvres venues d'Amérique et d'Europe. Et quelles oeuvres ! Chagall, Monet, Bacon, Picasso, Courbet, Degas, Warhol, Rothko, Pollock… des chefs d'oeuvre à portée de la colossale fortune des Pahlavi.
Quand le musée est inauguré en 1977 lors d'une réception somptueuse à laquelle se pressent personnages en vue, critiques, galeristes et collectionneurs d'art, l'unité de l'Iran se fissure déjà. La SAVAK, la police secrète du Shah, fait arrêter et torture les opposants. Azadeh est l'une de ceux à disparaître dans ses geôles avant d'être relâchée plusieurs mois plus tard, méconnaissable et plus déterminée que jamais. Toute une partie de la société iranienne vit chichement, souffre et réprouve autant l'étalage des richesses que la liberté outrancière des nouvelles moeurs. Pour entrer en résistance contre cette modernité tapageuse, les femmes qui s'habillaient il y a peu à l'européenne portant shorts et robes colorés revêtent le voile noir et les hommes tel l'oncle Ali se laissent pousser la barbe, bannissent l'alcool et tiennent réunion à la mosquée. Et Cyrus malgré lui de se retrouver pris en étau entre une modernité qu'il avait appris à apprécier et un pays attaché à ses traditions et jaloux de sa pudeur,

❝[…] l'Iran danse sur un volcan. La terre gronde, de plus en plus fort, la secousse menace, l'éruption n'est qu'une question de jours, les flots de colère vont se répandre inexorablement, un magma révolutionnaire et fumant qui menace de recouvrir le pays.❞

Jusqu'à ce ❝froid matin de 1979, [quand] Téhéran se recouvre peu à peu de noir❞, avec le retour de l'Ayatollah Khomeyni qui parade dans les rues de la capitale dans un break américain, ce qui ne manque pas de sel ! Deux ans à peine après son inauguration, le musée doit fermer ses portes pour de longues années. Tout ce qui rappelle les cultures occidentale et américaine est voué à disparaître et les oeuvres de ses collections hautement polémiques (des nus, des poses lascives, des créations d'artistes homosexuels) sont menacées par la censure des Gardiens de la Révolution.

Fort à propos le roman de Stéphanie Perez rappelle qu'en cas de conflits l'art se retrouve souvent en première ligne face aux dangers divers — pillage, spoliation, vandalisme, commerce illicite, etc. On se souvient des Monuments Men de la Seconde Guerre mondiale partis en territoire ennemi sauver les oeuvres d'art volées par les nazis pour les restituer à leurs propriétaires. On se souvient aussi de la destruction des bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, celle de la cité de Palmyre. La liste est longue. Cyrus, lui, craint que les réserves du musée d'Art contemporain ne soient mises à sac par les nouveaux hommes forts d'un régime qui prône le nettoyage culturel. Parce que la peinture a provoqué son premier choc esthétique, qu'elle a jeté un pont vers d'autres cultures que la sienne, qu'elle a été un refuge sûr dans les bons comme les mauvais moments, Cyrus va tout mettre en oeuvre pour sauver les centaines de tableaux descendus des cimaises à la hâte et qu'abrite désormais la réserve, rassemblant son courage pour tromper les hommes du nouveau régime d'une bêtise phénoménale et d'une absence de culture artistique crasse.
Le roman rappelle aussi que les leçons de l'histoire sont parfois difficiles à retenir pour un peuple iranien qui espérait beaucoup de la République islamique venue avec son lot de répressions, d'interdits, de tortures, d'exécutions sommaires, un régime prospérant sur la suspicion, la délation et la répression, qui déstabilise ses plus fervents partisans, comme l'oncle Ali pourtant parmi les proches de Khomeyni.

Le Gardien de Téhéran est un roman fort bien documenté qui tisse l'histoire singulière d'un homme et d'un musée à celle, plus large, d'un pays dont Stéphanie Perez restitue toute la complexité grâce à une écriture sans apprêt et une connaissance sûre. L'autrice est journaliste et cela se sent. le personnage de Cyrus est inspiré du vrai gardien du musée d'Art contemporain qu'elle a eu la chance de rencontrer ; un homme modeste ayant décidé de lutter avec courage et abnégation contre l'obscurantisme en sauvant une collection exceptionnelle qui, d'une certaine manière, l'avait sauvé en retour.

❝Tout autour de lui, il les sent vibrer, sur les dizaines de rails, ces multiples héros abandonnés, ces tableaux esseulés qui, dans l'adversité, se rencontrent, s'apprivoisent, s'entrechoquent. Des siècles et des styles de peinture qui s'entremêlent, des univers et des songes qui se confrontent. Il s'envole pour un long voyage immobile, une contemplation muette, se perd dans ces natures mortes qui s'éveillent au contact d'hommes étendus dans toute leur nudité. Il s'oublie auprès de ces femmes coquines au sexe offert, qui dialoguent avec des figures plus abstraites que géométriques. Des tableaux punis pour ce qu'ils représentent, ce monde honni des religieux obsédés par tout ce qui peut être impie. Des personnages partis pour un long sommeil, des Belles au bois dormant alanguies, sans que personne sache qui viendra un jour les réveiller, ni quand. Des oeuvres comme des points de suspension dans une phrase inachevée. Et lui, dans cette pièce habitée de spectres colorés, prend conscience qu'il ne sait rien, ou presque, de cette assemblée muette, alors que les tableaux sont en train de prendre une place primordiale dans son existence bouleversée. Il se sent investi d'une responsabilité. Tout le monde les a abandonnés, sauf lui. le puissant Empire perse les destinait à des jours de gloire et de lumière, les voici condamnés à l'anonymat et à l'outre-monde d'une chambre forte dont lui seul possède les clés. Tout un pan de l'art occidental englouti. Ingratitude de l'histoire. En ces jours où l'Iran se recouvre de noir, ils ont pourtant toutes leurs couleurs éclatantes à opposer.❞

Le Gardien de Téhéran est un beau premier roman que l'on lit bien sûr avec à l'esprit l'actualité troublée de l'Iran ; les récentes élections parlementaires ont vu le Conseil des Gardiens de la Constitution pratiquer une purge visant à disqualifier les réformateurs, ce qui ne va hélas pas dans le bon sens.

Nota : En fin d'ouvrage se trouve une liste partielle des oeuvres occidentales du musée d'Art contemporain de Téhéran. La collection de 3 500 oeuvres (photographies, peintures, sculptures) est valorisée aujourd'hui à quelque 3 milliards de $. Mural on Indian Red Ground (1950) de Jackson Pollock vaudrait à lui seul 250 millions de $. Depuis 1981 et la réouverture chaotique du musée, certaines oeuvres reviennent à la lumière après un séjour de plus de 30 ans dans les réserves.

Premier roman de la sélection 2024 des #68premieresfois


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Iran. Téhéran.
1977. Un jeune homme a la condition sociale modeste devient le gardien du nouveau musée d'art contemporain créé et voulu par l'impératrice, femme du chah, Farah Pahlavi.
Il n'y connaît rien pourtant les oeuvres de Gauguin, Monet, Pollock,Warhol... l'interpellent, l'appellent. L'émotion, l'apaisement sont au rendez-vous au contact de ces oeuvres, symbole du visage de l'Iran tourné vers l'occident.

Une ouverture occidentale que le peuple iranien ne comprend pas. le chah a des idées et des actions beaucoup trop fastueuses tandis que le peuple croule sous la pauvreté. Les oppositions à cette monarchie sont réprimées.

Le peuple grogne, finit par se soulever au nom d'un idéal de liberté dont se sert l'islamiste Khomeyni.
Le jeune gardien est inquiet mais reste hermétique à cette opposition. Seul compte les oeuvres, dont il apprend l'histoire au gré des rencontres, au gré de ses émotions.

Alors quand le peuple finira par faire exiler le chah et sa femme, et que le régime deviendra islamique, le gardien n'a qu'un seul but : sauver les oeuvres.
Y arrivera t-il ?

C'est une histoire vraie et méconnue du grand public qui s'ouvre à nous dans cette lecture.
Une plongée dans la belle Iran qui plongera, malgré elle, dans l'obscurantisme.
J'aime les petites histoires dans la Grande. J'aime ces gens qui ont, inconsciemment, jouer un rôle et qui parti de rien, ont un destin extraordinaire.
Le gardien est de ceux-là.

Malgré tout, j'attendais peut-être un peu trop de fiction dans ce récit dont l'écriture journalistique (l'autrice est grand reporter) et souvent, très factuelle, m'a lassée.
Un livre dont j'aurais, sans aucun doute, beaucoup plus apprécié la lecture s'il n'y avait pas ce contexte où dès que t'allume la télé, t'as envie de te pendre 😂.
Je conseille toutefois ce premier roman pour tous ceux qui veulent découvrir et comprendre l'histoire de l'Iran.

Lu dans le cadre des @68premieresfois.
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1977. Cyrus est un jeune iranien des quartiers pauvres. Un jour, on lui propose un travail de chauffeur pour le futur musée d'art de l'impératrice. Il doit aller récupérer de manière discrète les oeuvres que le palais vient d'acquérir.

En plein krak pétrolier, seul l'Iran peut investir dans l'art et l'impératrice va mettre la main sur des oeuvres d'exception. Mais l'eau commence à bouillir dans le pays. Les dépenses pharaoniques du Palais laisse le peuple dans la pauvreté et la souffrance. La révolte se prépare.

Mais l'ouverture du musée se fait en grande pompe et le monde entier est présent. Quelle collection !
Peu de temps après, le pays éclate, l'empereur et sa femme fuient, les grandes familles aussi et la guerre civile commence. La culture occidentale et américaine doit disparaître. On brûle, on casse, on tue. L'Iran moderne s'effondre pour laisser place à une démocratie islamique des mollahs.

En ce temps, enfouient dans les sous sols du musées les oeuvres les plus amblematiques de l'art modernes vont rester cachées et protégées par Cyrus, pendant des décennies.

J'ai été touchée par ce pays qui s'effondre, la volonté d'un peuple de vivre, et l'enferme ment qu'il subit par la suite. La souffrance de la jeunesse.

Ce pays semble magnifique et pourtant, tout le restreint.

J'aurais aimé plus de rythme, plus d'air et dénouement. C'est une période terrible pour ce pays et on reste en superficie. Certes le sujet est l'art et la sauvegarde de tableaux emblématiques, mais indirectement, des hommes et des femmes meurent dehors. Il y a un coté un peu propre, un peu bourgeois dans l'écriture de ce roman.
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2ème lecture 2024 pour les 68premieresfois

Un roman hyper intéressant et éclairant sur les événements qui se sont déroulés en Iran de 1979 à 2016.
Une histoire vraie. Celle d'un homme parti de rien, qui sans le vouloir va devenir envers et contre tout, le gardien des tableaux et peintures achetés par l'impératrice Farah pendant le règne de son époux, le Shah d'Iran.
Des oeuvres d'art peintes par les plus grand artistes du monde entier.
Un gardien d'un courage exemplaire !
J'ai beaucoup aimé découvrir l'écriture de l'autrice.
Une excellente lecture.


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Livre particulièrement intéressant à l'écriture simple sur les délires de la Reine Farah Pahlavi.
Elle partait d'une excellente intention : amener l'Orient en Iran, faire évoluer les mentalités. Pourtant, je pense qu'elle le faisait sans doute plus pour elle que son pays, quand on voit la pauvreté dans lequel il se trouvait en 1977, au moment où le Musée voit le jour à Téhéran.
Ce livre intéressera peut-être plus les personnes aimant l'art et notamment la peinture. D'ailleurs je ne connaissais pas certains tableaux décrits dans le roman. Sans doute parce que ces tableaux n'ont jamais quitté Téhéran.
Mêlant la grande histoire (les années tyranniques du Chah, on avènement en tant qu'empereur, son exil et l'arrivée des islamiques au pouvoir) à celle d'un jeune garçon ne connaissant rien à l'art et qui deviendra au fil des révolutions le gardien de ces trésors, le livre se révèle vraiment agréable et j'y ai appris nombre de choses.
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Deux ans avant la chute du Shah d'Iran et à l'instigation de l'impératrice Farah Pahlavi soucieuse de promouvoir les relations culturelles de son pays avec l'étranger, est inauguré à Téhéran un musée abritant la plus vaste collection d'art moderne et contemporain jamais rassemblée en dehors de l'Occident. Monet, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Derain, Picasso, Dali, Rothko, Pollock, Vasarely, Warhol... : la fortune inouïe des Pahlavi a permis de réunir un trésor artistique inestimable, qu'en 1979, la Révolution iranienne et l'arrivée au pouvoir de l'ayatollah Khomeiny menacent directement. Alors que la rigueur islamiste s'abat sur le pays, que vont devenir ces oeuvres, jugées choquantes et décadentes par le nouveau régime qui vomit l'Occident ?


Seul à n'avoir pas fui, un jeune et modeste employé du musée, qui, avant d'en devenir le factotum, n'avait jamais eu le moindre contact avec l'art, endosse la lourde et dangereuse responsabilité de leur sauvegarde. A force de ruses, il parvient à détourner l'attention des religieux fanatiques et à maintenir les tableaux dans l'oubli des sous-sols de l'institution, qui, désormais aux mains d'un comité révolutionnaire, n'expose plus que des oeuvres de propagande glorifiant les martyrs du soulèvement. Il faut attendre 2017 et l'approche d'élections présidentielles en Iran, pour qu'une partie de la collection – intacte, grâce à son ange-gardien improvisé, si ce n'est le portrait, irrémédiablement lacéré, de l'impératrice par Andy Wharol – commence à retrouver le grand jour et les cimaises du musée.


Grand reporter à l'international et spécialiste des conflits du Moyen-Orient, Stéphanie Perez connaît bien l'Iran. Les difficultés posées par la réalisation d'un reportage sur cette histoire vraie l'ont poussée à la travestir en roman et à faire apparaître le véritable gardien du musée iranien sous les traits d'un personnage de reconstitution. Marqué par une patte néanmoins très journalistique dont on pourra regretter l'écriture et la trame narrative malgré tout assez plates, le récit suit scrupuleusement le déroulé historique des faits pour en dresser un tableau d'une parfaite clarté.


De la montée de la rage populaire – quand, entre misère et terreur redoutablement entretenue par la police politique, les Iraniens observent le luxe tapageur dans lequel baigne le pouvoir et se scandalisent de réformes déconcertantes menant brusquement le pays vers une modernité à l'occidentale – à l'espoir de changement porté par les représentants d'une certaine tradition religieuse, puis aux désillusions d'une nouvelle dictature encore plus violente que la précédente, l'on vit avec les personnages la fatalité d'une privation de libertés qui trouve ici son acmé symbolique dans le sort incertain d'un patrimoine artistique d'une valeur inestimable pour l'humanité tout entière, mais aussi dans la résistance humblement héroïque d'un homme ordinaire jeté au coeur de la mêlée, frappant écho à l'actualité insurrectionnelle iranienne.


Récit de l'incroyable destin d'un héros ordinaire, ce premier roman retrace quarante ans d'une histoire iranienne dont s'écrit peut-être, aujourd'hui, un nouveau chapitre décisif. Au coeur des enjeux de pouvoir et des combats pour la liberté, deux symboles cristallisent toujours les tensions autour de l'obscurantisme : les oeuvres d'art et les femmes. Si les trésors du musée de Téhéran ont commencé à retrouver la lumière, les Iraniennes tentent toujours de se débarrasser du voile que leurs grands-mères avaient d'abord revêtus en signe de dissidence et de défiance au régime de leur époque.

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« Le gardien de Téhéran » de Stéphanie Perez (grand reporter à France Télévisions) est un livre marquant, je m'en souviendrai longtemps.
C'est l'histoire du gardien du musée d'Art Moderne de Téhéran qui se donne la mission de protéger des oeuvres inestimables, jugées anti-islamiques par les religieux au pouvoir en Iran.

Ce roman, tiré de faits réels, est passionnant et tellement d'actualité.
Je vous le recommande chaudement.
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C'est une histoire vraie incroyable, celle d'un gamin du peuple Iranien qui de chauffeur du musée d'Art Contemporain de Téhéran en 1977 en deviendra le gardien lors de la révolution Islamique en 79et sauvera de nombreuses Toiles inestimables de peintres occidentaux ( Voir la liste non exhaustive en fin de livre) .
Le roman démarre par un avertissement annonçant que ce destin est inspiré d'une vraie histoire et que les éléments historiques sont avérés , seuls quelques noms, détails et scènes ont été inventés et se termine par le fait que cette histoire épouse celle de I'Iran d'aujourd'hui .
C'est passionnant, la première partie du roman nous plonge au sein du musée et de ses protagonistes à travers les yeux du jeune Cyrus: son directeur Kamran Diba et Reza son bras droit inquiétant, Donna Stein l'acheteuse américaine et Lauren l'étudiante anglaise restauratrice et traductrice des oeuvres .
On est ébloui par ce milieu de l'Art , la description des Tableaux est émotionnelle et passionnelle, l'argent coule à flots et l'inauguration est une sublime fête luxueuse.
Ensuite, écrit comme un thriller ( on fibre avec Cyrus lorsque les oeuvres sont en danger) c'est la révolution islamique et dans les rues de Téhéran c'est le chaos . L'ignorance et la morale religieuse prennent le dessus , la peur s'installe.Cyrus comprend vite qu'il lui faut protéger les oeuvres du musée en les dissimulant aux yeux des mollahs.Il va devenir le gardien de ce trésor caché.
En nous racontant ce destin incroyable , S.Pérez écrit une ode à la culture, à l'art et à la liberté lumineuse.
L'esprit de ce gamin du peuple s'est ouvert grâce à sa rencontre avec le monde de l'Art, ses émotions face à la beauté des toiles l'ont changé .
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