Ambigüités/Elliott
Perlman
Simon, nous dit le narrateur psychiatre, (on ne découvre l'identité du narrateur qu'au fil des pages et cela se répétera à toutes les parties), est un être romantique, d'une intelligence au-dessus de la moyenne rodée par des années de lectures vastes et réfléchies, un homme au physique plaisant, obnubilé par un passé idéalisé. Aujourd'hui chômeur esthète, il a dû quitter l'enseignement suite à des problèmes psychologiques pour appartenir à la classe des angoissés bien portant.
Si la poésie présente pour Simon un attrait dès son plus jeune âge, pour son père William, elle alimente seulement tout ce qui déborde les limites de l'ordinaire et du quotidien et n'est rien de plus qu'inutile.
D'un naturel mélancolique vaguement malheureux, mais en somme comme tout le monde, Simon ne peut oublier la liaison qu'il a eu il y a une dizaine d'année avec Anna à qui s'adresse le narrateur.
Anna et son mari Joe forment un couple qui ne vogue pas au beau fixe. Ils ont un fils, Sam.
Joe, d'un charisme musclé, d'un charme accommodant et ayant la parole facile, est un être énergique, indomptable et déterminé, obsédé par la réussite. Il fréquente les prostituées et notamment Angélique que fréquente aussi Simon. Il est courtier en bourse et voue un culte immodéré à l'argent comme tous les personnages du roman hormis Simon, le poète rêveur et amoureux inconsolable d'Anna.
Mais l'enlèvement subit de Sam par Simon, pourrait bien achever de détruire le couple.
Voilà le tableau des personnages mis en place au cours de la première partie du livre qui est quand même assez difficile à suivre si l'on n'est pas très attentif et que l'on ne mémorise pas. L'histoire se déroule à Melbourne.
Angélique la belle putain raconte à Simon les anecdotes croustillantes de sa vie qui lui a fait rencontrer Joe le mari d'Anna.
Simon évoque auprès d'Angélique le mal des couples qui se brisent :
« Un foyer brisé, c'est quoi ça Ange ? Un cliché. Un terme qui désigne traditionnellement des gens mal assortis qui restent ensemble sous prétexte que la seule chose dont leurs enfants ont besoin pour être heureux, c'est de macérer dans la misère de leurs parents jusqu'à ce qu'ils aient l'âge de s'enfuir. »
« de quoi a besoin un enfant : d'amour et d'identification. Si tu as vraiment envie d'aider un enfant à se débrouiller dans la vie, il faut lui donner davantage que de l'amour. Il faut s'identifier aux enfants. Il faut essayer de comprendre leurs angoisses, leurs terreurs, leur solitude, il faut te mettre dans cette position. »
Réflexion de Simon sur la poésie : « le poème autorise des réactions alternatives qui vont au-delà d'une seule interprétation. » D'où l'ambigüité de la poésie qui représente l'usage le plus sophistiqué possible de la langue.
Le grand art du dialogue de Elliot
Perlman apparaît tout au long de ce roman complexe, riche et vaste.
Le dénouement intervient dans la septième partie. Rachael Klima, la fille d'Alex le psychiatre, étudiante en droit tout comme Sam, s'adresse à Simon douze années plus tard.
On remarquera tout au long de ce roman l'extrême souci du détail dont fait preuve
Perlman en se livrant à de nombreuses digressions (et même hélas à quelques longueurs), qui étoffent le suspense en peaufinant notamment l'analyse des caractères des personnages au fur et à mesure que l'action prend de l'ampleur.
Ce roman à plusieurs voix est un grand roman qui demande de prendre son temps. Il faut en effet à chaque partie se mettre dans la peau du nouveau personnage, chacun contant l'histoire comme il l'a vécue ou observée sans que jamais elle ne se répète à l'identique de telle sorte que l'on se demande constamment où est la vérité.