Quarante-neuf soldats sont morts cette nuit-là, et leurs cadavres répandent tripes, boyaux et sang un peu partout dans la pièce. C'est d'autant plus étonnant que ce carnage a eu lieu au coeur du fort de Wishneight, puissamment gardé. À priori, ce livre qui mélange polar et fantasy ne m'intéressait pas trop. Mais connaissant l'auteur, ayant été subjuguée par Martyrs, et étant furieusement intéressée par ses bandes-dessinées (heureusement pour mon porte-monnaie, j'ai résolu de ne pas en acheter à cause du ratio prix/temps de lecture), je me suis quand même lancée.
Je ne me remercierai jamais assez d'avoir franchi le pas. le scénario (presque digne d'un film catastrophe tellement les personnages en bavent) qu'a monté
Olivier Peru est complexe et surprenant. On sent qu'il a creusé son histoire, qu'il a cherché à aller au fond des choses. C'est exactement ce que j'aime : des mystères, des rebondissements, des révélations… et surtout des fausses pistes.
Toutefois, je n'ai pas autant apprécié ce roman que l'indétrônable Martyrs. Plusieurs raisons :
- Il y avait plus de longueurs ;
- Même si l'histoire est complexe, elle le reste moins que la trilogie ;
- Les personnages sont moins nombreux et moins approfondis.
Obrigan et ses apprentis sont intéressants, mais je m'y suis beaucoup moins attachée qu'à Helbrand et Irmine. Jarekson, l'héritier de la « couronne de glace », a quelques traits en commun avec Carvall, mais je lui ai préféré ce dernier. le roi du Sonrygar n'a rien à voir avec celui du Reycorax, mais j'ai été plus proche de ce dernier parce qu'il est tout en ambiguïtés, en forces, en faiblesses – en humanités. Yllias n'est pas aussi étoffé. C'est un roi guerrier au physique grandiose, la caricature du héros de guerre qui mène ses hommes au combat, et il est dévoré par la vengeance.
Mais il faut dire que l'ambition de
Druide est moindre que celle de son petit frère.
Olivier Peru a-t-il voulu se faire la main avant de se lancer dans une saga ?
En fait je prends ce livre comme une préquelle plutôt que comme un vrai roman. D'autant plus que l'auteur a fait quelque chose que j'ai adoré : il a préparé le terrain à son livre suivant.
Car l'origine de l'existence des tueurs de l'ombre nous vient du Reycorax – d'un dragon qui a volé si loin qu'il a traversé les océans, poursuivi par des chasseurs. Son sang a corrompu les hommes, allongeant indéfiniment leur durée de vie, transformant leur apparence et démultipliant leurs capacités physiques. Et quand on y réfléchit, il évoque également son premier roman dans sa trilogie.
Je trouve ça admirable de penser son écriture suffisamment sur le long terme pour être capable de faire de l'intertextualité. Peu d'auteurs font ça, et c'est bien dommage car cela enrichit l'univers dans lequel l'action prend place.
Pour finir, j'ai beaucoup apprécié le suspense et les nombreuses questions qu'
Olivier Peru soulevait. Obrigan a pour mission de lever le voile sur le mystère du meurtre, mais plus le temps passe, plus il réalise que ce ne peut être l'oeuvre d'êtres humains. Alors quoi ? Des animaux ? Des hommes dotés d'une technologie inconnue ? Est-ce que les légendaires fils du Rôdeur seraient revenus ? Si oui, d'où viendraient-ils ? Que cache le mur derrière la forêt ? Pourquoi le pacte a-t-il été instauré voilà plus d'un millénaire ?
Comme dans Martyrs, l'auteur a pris soin de monter un scénario à tiroirs. D'ailleurs j'ai trouvé que la plume est restée la même d'un livre à l'autre. J'ai retrouvé la même qualité d'écriture, la même façon de planter le décor, de dépeindre l'action.
Ça me donne envie de relire Martyrs, encore…
OK, c'est bon. Je m'abonne à cet auteur. Je promets de lire toutes ses BD (en bibliothèque) et de suivre chacune de ses prochaines parutions.