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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
SOMMES NOUS VRAIMENT CE QUE NOUS SOMMES ?

Entamer un roman de Leo Perutz, c'est à coup sûr se retrouver dans une autre part de soi, de nous. C'est aller au-delà du vraisemblant tout en s'escrimant à y rester inconfortablement accroché. La Neige de saint Pierre ne déroge pas à cette règle, qui nous emmène aux confins de la réalité et du rêve, entre certitudes et questionnements, entre manipulation et expérimentation, entre conviction et doute.

Et la confrontation violente de tous ces antagonismes, le jeune médecin Georg Friedrich Amberg va l'éprouver dès les premières pages de ce roman confession, tandis qu'il reprend ses esprits dans un hôpital où il est convaincu s'être retrouvé suite à une véritable scène de pugilat et de révolte - au cours de laquelle il est persuadé avec récolté une balle qui ne lui était pas destinée - scène d'émeute qui aurait eu lieu moins d'une semaine auparavant, en cette fin janvier neigeuse, tandis que les praticiens qui l'entourent, en particulier un ancien collègue de recherche, ne cessent de lui affirmer qu'il est là depuis un peu plus de cinq semaines suite à un malheureux accident de la circulation au cours duquel il a bien failli perdre la vie !

Bien évidemment, Amberg est persuadé détenir la vérité, SA vérité. Alors, dans le silence de sa chambre d'hôpital, tout juste troublé par les soins qu'il doit subir, ainsi que par les regards en biais d'un homme qu'il est certain de reconnaître comme étant l'un des principaux protagoniste de cette étrange affaire - un prince russe en exil et réduit à la misère comme nombre de ses semblables depuis la révolution bolchevique, nommé Praxatine -, Georg Friedrich tâche de se remémorer les événements des supposés jours derniers.

Il se souvient de son existence et de ses études berlinoises, la médecine, entamée sans vocation sur les injonctions de la tante qui l'a recueilli après le décès prématuré de son père, un historien connu mais vivant chichement. de sa rencontre, dans un centre de recherche, d'avec une belle et fascinante jeune femme d'origine grecque, Kallisto Tsanaris, surnommée Bibiche. de son départ plus ou moins précipité de Berlin où il ne trouve pas de clientèle, étant parfaitement désargenté, pour une offre d'emploi obtenue sans grand engouement au coeur d'un petit village perdu de la triste campagne de Westphalie, non loin d'Osnabrück.

Là l'y attendent le baron von Malchin, une ancienne et étrange connaissance de son père, le fameux Prince russe devenu son régisseur, cette Bibiche tant chérie - de manière parfaitement platonique et secrète - par le jeune médecin et requise dans cette aventure pour ses connaissances en biologie, un vieux curé débonnaire mais sans force, un instituteur complotiste, une populace pauvre, sans grand rêve ni désir, la fille du baron, malade de la scarlatine et d'une constitution fragile (que l'on verra fort peu), et de son fils adoptif, Frederico, supposé être l'ultime descendant direct de l'empereur Frédéric II.

Permettez une petite digression historique : mort en 1250, Frédéric II fut un régnant hors du commun au point qu'il fut surnommé, entre autre, la « Stupeur du monde ». Aucun de ses fils ne parvenant à reprendre sa succession, il sera le dernier empereur Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique. Après son décès se profila ce qu'on appellera le "Grand interrègne", laissant place à une lutte sans merci entre les guelfe et les gibelins - à laquelle se mêlèrent activement les papes d'alors, contre les Hohenstaufen - et à la fin duquel ce fut la famille des Habsbourg qui se retrouva sur le trône impérial. Même si ce n'est qu'en filigrane dans le roman de Leo Perutz, et méconnu des français, cette idée de rétablir un grand Reich originel et supposé pur et parfait, sur une base totalement fantasmatique, abracadabrante, était assurément d'une parfaite limpidité aux yeux du lecteur germanophone et, bien entendu, des autorités nazis en Allemagne. Un exemple de plus de cet humour fin mais très grinçant qu'affectionnait tant le pragois...

Si ce Frederico, descendant supposé bien que terriblement lointain de son homonyme germanique a été adopté par ce baron un peu dérangé c'est que ce dernier espère lui redonner son trône ! Pour se faire, il veut manipuler les foules afin qu'elles retrouvent le niveau de foi religieuse qu'elle connaissait en ces temps immémoriaux et médiévaux. Mais si le baron est pris d'une idée fixe, il n'est pas totalement fou : il sait bien que son époque est top légère, trop frivole pour retrouver la foi "pure" des ancêtres. Aussi espère-t-il produire cet intangible renouveau spirituel par le biais d'une substance chimique, La Neige de saint Pierre, encore appelée ailleurs "le moine mendiant", la "moisissure de saint Jean" ou encore "le feu de la Sainte Vierge"...!
Cette moisissure, ce champignon microscopique, s'amalgamant à la farine du blé dont elle était issue, aurait provoqué de véritable crises mystiques à grande échelle et c'est donc ce que le baron, malgré la désapprobation définitive de son ami le curé du village - qui craint plutôt l'émergence de Moloch, la foi ne pouvant être pour lui que le fruit d'une longue recherche intime - souhaite faire renaître afin de recréer de toute pièce, et par la volonté d'une populace sous dopant, l'antique Saint Empire...

Au passage, il est fort probable que Leo Perutz se soit inspiré des ravages longtemps causés par un autre champignon parasite, l'ergot du seigle, qui rendait "fou" ceux qui en avaient ingurgité. le surnom donné à ce mal était "mal des ardents" ou "feu de saint Antoine", bien entendu attribué à de la sorcellerie ou à des pouvoirs démoniaques. Faisant à nouveau jouer son sens de l'humour indémontable, l'auteur du roman "Le Maître du Jugement dernier" inverse ainsi les valeurs, transformant donc une moisissure qui fit jadis des centaines de milliers de morts en bénédiction pour la foi, se moquant finalement de tout cela avec un rire que l'on imagine aussi discret qu'immensément sarcastique. Cet homme-là est -
généreusement - diabolique ! Notons au passage que la substance présente dans cet ergot est un des composant du... LSD !

Sans en donner les détails, au risque de trop en divulguer, est-il utile de préciser que le résultat des recherches du baron ne sera non seulement pas à la hauteur de ses espérances absurdes mais qu'elles provoqueront même, en quelque sorte, son exact contraire...

Et Amberg de se retrouver une fois encore confronté à ses médecins qui lui affirment sans trêve, les yeux dans les yeux, que tout ce qu'il pense avoir vécu n'a pu arriver puisqu'il est là depuis plus de cinq semaines, qu'il n'est jamais allé plus loin que le parvis de la gare d'Osnabrück, qu'une telle émeute aurait fait grand bruit, etc.

Comme chaque fois avec Leo Perutz, souvent comparé à Kafka pour certains aspects de leurs oeuvres (dont il partage aussi une même ville d'origine : Prague, et même un premier emploi dans la même compagnie d'assurance !), il n'y a jamais qu'un tout petit fil tendu entre la réalité et, plutôt que ce que l'on pourrait qualifier de rêve, une sorte de réalité alternative et concomitante.
Car si ce roman intrigant, décalé, au rythme sans doute moins époustouflant, moins échevelé que son texte probablement le plus connu en France, Le Cavalier suédois, retient autant l'attention du lecteur, c'est que, par son tempo d'abord faussement alangui mais nous dirigeant imperceptiblement vers une forme de climax irrépressible - n'a-t-on pas affaire aux souvenirs d'abord hésitants d'un convalescent ? -, par la forme narrative employée, digne des meilleurs polars, par cette sensation d'inconfort permanent, mais jubilatoire, dans lequel il fait mariner le lecteur, il nous plonge au beau milieu d'une double manipulation : Celle voulue par un seul sur l'ensemble d'une population, celle d'un petit groupe de gens de l'art sur l'esprit d'un seul. Ainsi surgit cette question transcendantale, métempirique : Ce que je vis, ou crois vivre, ou encore me souvenir est-elle la "Vraie" vie, la seule possible puisque je l'ai personnellement ressentie, intériorisée, expérimentée, ou bien celles perçues par l'entourage, parfois totalement antagoniste avec ma propre perception sont-elles plus vraies, plus exactes ? Ne sommes-nous pas simplement les rêves d'un autre ? Ou bien, a contrario, les êtres qui m'entourent ne prennent-ils vie que par ma propre volonté...? Ces questions, bien plus cruciales qu'elles ne peuvent le sembler dans un monde pourtant pas encore "virtuel" alors, fait de connexions instantanées mais physiquement invérifiables, comme celui que nous connaissons aujourd'hui, préfigurent bien les interrogations que se poseront plus tard un Philip K. Dick, dans le domaine de la Science Fiction, par exemple, mais aussi, dans une certaine mesure, rejoint ce qu'Albert Einstein affirmait, que la réalité n'est qu'une illusion, ou encore certains travaux d'Edgar Morin en philosophie.

Il serait injuste de ne pas aussi rappeler que cet ouvrage, paru en 1933, fut aussitôt interdit en Allemagne nouvellement nazie. A la lumière de ce que nous venons de voir - manipulation à grande échelle par un petit nombre, esprits faibles subjugués, références moqueuses au premier Reich dont le IIIème se réclamait évidemment, etc. Sans oublier les origines juives de son auteur, même si les grandes lois antisémites ne sont pas encore toutes en place - il ne pouvait en aller autrement.

Un autre aspect du roman mérite qu'on s'y arrête un instant : celui, tourné en un certain ridicule, de la foi, des croyances, de la religion pour lesquelles il suffirait donc d'un genre de LSD pour lui (re)donner toute l'énergie voulue. Mais aussi, la foi comme ultime ressource quand on a plus rien. Et puis, ultime clin d'oeil de Leo Perutz, difficile à évoquer en détail ici sans risquer de "divulgâcher" - comme on dit, parait-il, au Québec -, la foi, n'importe quelle, comme éternel opium du peuple. Un opium fonctionnant sous dope...? L'humour sarcastique et à tiroirs multiples de cet immense écrivain de la Mittel Europa de l'entre deux guerres (il ne publiera quasiment plus rien après son installation en Palestine en 1938, jusqu'à son décès en 1954) est lui aussi une arme de destruction massive de nos certitudes, de nos faiblesses, de nos fausses idoles et de nos aberrations : Lire Perutz, c'est tout simplement Jubilatoire !
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Dans un hôpital, notre narrateur, jeune médecin, se réveille et s'entend expliquer que renversé par une voiture, il a passé cinq semaines dans le coma. Seulement voilà, lui est persuadé d'avoir évité la voiture, pris le train qui l'attendait,et passé cinq semaines employé par le baron von Malchin, cinq semaines terminée par un drame à cause de la mystérieuse Neige de Saint Pierre, dont je ne vais pas vous dire ce que c'est pour vous laisser le plaisir de la découverte, comme je l'ai eu.
Où est la réalité? On lui ment, mais pourquoi? Ou est ce qu'il commence à se tromper, est-ce qu'il a des séquelles? Notre narrateur est-il fiable?
Le talent de l'auteur transparaît dans cette oeuvre qui sans cesse nous fait nous interroger, nous offrant une intrigue, quelle soit réelle ou imaginaire, plutôt passionnante et originale.
Un très bon cru d'un auteur vraiment pas assez connu, tant de talents mériterait plus de rééditions et plus de devantures de librairies !
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Jamais Leo ne m'a déçu. Il est dans mes tout premiers compagnons de lecture, en compagnie de ma fidèle colectrice Valentyne, cette fois pour La neige de saint Pierre, neuvième livre de cet auteur juif autrichien en ce qui me concerne. Valentyne a-t-elle été convaincue, elle qui, je crois, n'avait pas lu cet écrivain? Je considère Perutz (1882-1957, né à Prague, ayant vécu à Vienne, exilé à Tel-Aviv, une vie bien remplie) comme un des conteurs les plus importants de ma chère Mitteleuropa qui m'a déjà donné tant de bonheurs littéraires. Sous ce titre énigmatique (mais Perutz a souvent des titres curieux, Où roules-tu, petite pomme? ou le Cosaque et le Rossignol ou le miracle du manguier, découvrez-les, ça vaut le coup), se cache une découverte biologique explosive dont je vous laisse la surprise. Sachez cependant que le livre fut interdit par le pouvoir nazi dès sa parution en 1933.

Allemagne années 30. Dans le modeste village de Morwede, au fin fond de la Westphalie, quelques personnages, Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, une séduisante collaboratrice, d'origine grecque, Kallisto dite Bibiche, oui, un aristo russe ruiné par le bolchevisme, un curé de bonne volonté, tout ce petit monde, dans le sillage du baron, joue en fait à l'apprenti sorcier. Et que va-t-il sortir de cette sorte de chimie? Une drogue surpuissante qui permettrait la manipulation de tout un peuple? Vous comprenez maintenant le pilori national-socialiste pour ce roman un peu brûlot et d'ailleurs pour tant d'autres.

du laboratoire du baron une sorte de virus des céréales, champignon, parasite, je ne sais exactement, pourrait bien changer le monde. La neige de saint Pierre (l'un des nombreux noms de cette lèpre) est évidemment une fable annonciatrice et le baron Malchin poursuivant des buts douteux et un délire mégalomaniaque rappelle quelqu'un. Souvent drôle, parfois hallucinant, ce livre s'apparente aussi au roman d'investigation, voire d'anticipation, où Jules Verne aurait croisé Jorge Luis Borges. Je suis un inconditionnel de Leo Perutz, cela ne vous aura pas échappé. Notamment pour sa façon de prendre à bras le corps toute l'histoire tourmentée de cette Europe Centrale dont le baron voudrait restaurer la grandeur quitte à lorgner vers une tyrannie qui ne hante pas seulement les fictions littéraires. Pour l'imagination faites confiance à Leo.

" Cette maladie des céréales s'appelait en Espagne le lichen de Madeleine, en Alsace la rosée des pécheurs, à Crémone le blé de la miséricorde, à Saint Gall le moine mendiant, dans les Alpes la neige De Saint Pierre, en Bohème la moisissure de Saint Jean,, chez nous en Westphalie le feu de la Sainte Vierge."




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Je crois n'avoir jamais lu cet auteur et j'ai été subjuguée par son écriture.
L'histoire, quant à elle, me paraît un peu fantastique, car comment faire vraiment la part des choses ?
Qui a raison, le narrateur ou les médecins ?
Et je me suis posée la question : peux-t-on fabriquer des souvenirs quand on est dans le coma ?
Ou est-il manipulé ?
Que de questions ce livre a soulevé en moi outre le plaisir de la lecture !
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L. Perutz, un écrivain germanophone d'origine juive, a publié ce livre en 1933, l'année de l'accession au pouvoir de Hitler. Les nazis ont évidemment interdit son roman. L'auteur est un maître dans l'art de l'illusion: dans ses récits il laisse planer un doute sur le vrai et le faux et il est impossible de distinguer ce qui appartient au domaine du réel et ce qui relève de l'hallucination. Mais le lecteur n'est pas gêné par cette incertitude, nulle perplexité ne l'empêche de goûter à ce récit qui relève du thriller.
Voici l'histoire. Georg F. Amberg reprend conscience dans un hôpital avec des souvenirs terribles. Il se souvient d'événements extraordinaires survenus dans les semaines précédant son coma. Amberg est un médecin venu soigner les paysans d'un village, sur la demande d'un noble, le baron von Malchin. Quand il évoque ces souvenirs, tout le monde considère qu'il délire. Ce qu'il raconte de ce passé récent a-t-il eu lieu dans la réalité ? Sans doute oui, car des indices vont dans ce sens. le lecteur prend un grand plaisir à suivre le narrateur dans l'histoire incroyable qui semble avoir été vécue par Amberg. Je ne déflorerai surtout pas l'intrigue de ce livre, ce serait gâcher le plaisir de la lecture.
Un bon roman qu'on doit à un écrivain maintenant un peu oublié.
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Nous ressortons tout étourdi de la lecture de ce livre qui se fait d'une seule traite tant l'intrigue est captivante.
Et encore une fois Pérutz nous promène à son gré tout au long de son histoire: ou est la vérité? sa vérité ? la frontière entre la réalité et la fiction est bien tenue pour notre plus grand bonheur de lecteur

Si vous ne connaissez pas Léo Pérutz vous avez une chance inouïe : une grande oeuvre à savourer
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Je me dois ici de faire une confession : longtemps j'ai dit que je n'aimais pas Leo Perutz, car je n'avais pas réussi à lire le cavalier suédois. Eh bien me voilà bien puni -et quelle agréable punition- parce que La neige de saint Pierre est un roman captivant que je n'ai pas pu lâcher avant sa toute fin. Écrit en 1933, il distille une ambiance toute particulière qui joue sur le suspense, l'angoisse, la peur et l'opposition réalité/rêve, car on ne sait jamais trop si le héros est dans la réalité ou dans un rêve. Lui-même ne le sait pas.

Le récit est vif et possède le charme de l'écriture du début du vingtième siècle qui donne une sorte d'intemporalité. On ne retrouve que très peu dans l'écriture contemporaine ce style particulier et ce type de roman pourtant si agréable à lire. Beaucoup de références aux romanciers fantastiques du siècle précédant Leo Perutz : Jules Verne, Edgar Allan Poe entre autres (bon, je dis entre autres, parce que je n'en connais pas beaucoup, mais j'ai eu tout au long de ma lecture cette sensation de lire un roman des deux auteurs précités. Peut-être me trompé-je, mais je m'en fiche, c'est moi et moi seul qui ai eu cette sensation et moi et moi seul qui écrit sur ce blog, donc, je dis ce que je veux. Non mais...).

Bon, revenons à cet excellent roman de Leo Perutz, qui fut interdit en Allemagne, en pleine montée du nazisme. le rater serait vraiment dommage, et Zulma a la bienheureuse idée de le rééditer en poche. J'avais envie de dire pas mal de trucs en plus sur la théorie développée à l'intérieur, mais je vais m'abstenir pour laisser à chacun d'entre vous le plaisir de la découverte (à ce propos, faites-moi confiance et ne lisez pas la quatrième de couverture).

Leo Perutz, en 1938, après l'annexion de l'Autriche s'exila à Tel-Aviv et cessera d'écrire jusqu'en 1953. Il meurt en 1957.

Promis, je ne dirai plus je n'aime pas Leo Perutz !
Lien : http://www.lyvres.fr
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Georg Friedrich Amberg se réveille à l'hôpital d'un coma qu'il estime d'une durée de cinq jours en dépit des affirmations du personnel soignant, qui le fixe à cinq semaines. Il en conteste de même les causes, prétendant avoir été blessé par un pistolet lors d'une révolte, et non avoir été victime, en tant que piéton, d'un accident de voiture...

Il revient en narrateur sur les événements à l'origine de son hospitalisation.

Farouchement poussé à faire des études par la tante sévère et laconique qui s'est occupé de lui après le décès de ses parents, Georg obtient un diplôme de médecine, et trouve son premier poste à Morwede, bourgade de Westphalie isolée et grisâtre, administrée par le baron von Malchin, une vieille connaissance de son père défunt.

Sur place, il fait la connaissance de Praxine, arrogant prince russe et assistant du baron, de la fille de ce dernier, Elsie, alitée car malade et mystérieusement éloignée de la demeure paternelle, et de son fils adoptif Federico, fougueux et ombrageux adolescent qui semble éprouver une brûlante passion pour sa soeur. Et surtout il y retrouve la belle Kallisto, dite "Bibiche", inaccessible étudiante grecque avec qui il a étudié à la faculté, et sur laquelle il n'a jamais cessé de fantasmer. Il apprend bientôt que la jeune femme a été recrutée un an auparavant par von Malchin, afin de l'aider à élaborer une substance ayant le pouvoir de faire revenir la foi parmi les hommes. Ses travaux sont d'ailleurs sur le point d'aboutir, grâce aux propriétés d'une plante baptisée "Neige de Saint-Pierre", dont les propriétés prosélytiques auraient déjà été démontrées dans le passé.

Ajoutez à ce contexte une obscure histoire de descendant direct et unique de l'empereur Frédéric II que le baron rêve de placer sur le trône restauré d'Allemagne, et nous avons là des ingrédients embrumant l'intrigue d'une part d'étrangeté quelque peu inquiétante, d'autant plus que dès le départ, Georg évoque des événements et des impressions accentuant cette atmosphère singulière, énigmatique.

Il est pris de vagues pressentiments, de sensations bizarres et floues, d'une sorte de paranoïa qui lui fait déceler d'occultes symboles sur des objets banals et opérer d'improbables rapprochements entre des individus ou des situations a priori sans lien les uns avec les autres. Il plane en permanence une odeur de chloroforme dans sa chambre, les personnes qu'il côtoie disparaissent parfois de son champ de vision sans qu'il comprenne comment, mais lui-même évoque tous ces signes avec une étonnante indifférence.

Le roman de Leo Perutz, récit du combat d'un homme face à une réalité qui lui échappe, à laquelle il tente de se raccrocher coûte que coûte, nous offre un suspense digne d'un roman policier, tout en nous imprégnant d'une ambiance prégnante, à la fois onirique et angoissante, et en s'interrogeant, non sans humour, sur l'aveuglement des masses et les mécanismes dogmatiques...

A lire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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C'est un récit à la première personne. Un jeune homme se réveille dans une chambre d'hopital, sortant d'un coma qui a duré cinq semaines après avoir été victime d'un accident de voiture.
Du moins c'est ce que lui explique le médecin qui est à son chevet. Georg Friedrich Amberg, le narrateur, prétend qu'il s'agit d'une erreur : jeune médecin engagé par le baron von Malchin, il a quitté Berlin cinq semaines plus tôt pour remplacer le médecin de Morwede, village en Westphalie. Il y a travaillé pendant plusieurs semaines, retrouvant Kallisto, une jeune femme dont il était amoureux du temps de ses études.Ses souvenirs entrent en collision constante avec la réalité que lui renvoient les soignants : tout lui a paru si tangible, et cependant il en vient à douter de la véracité de ce qu'il pense avoir vécu.
Ce roman est le récit de ces "souvenirs", entrecoupés de retours vers sa chambre d'hopital. le baron est un ancien ami de son père, et l'a surtout fait venir pour qu'il s'occupe de sa fille Elsie, qui est souffrante. Il va révéler au narrateur qu'il se livre en secret à des recherches scientifiques qu'il poursuit depuis des années, et qui sont proches de réussir : il veut mettre au point la "neige de saint Pierre", une drogue tirée d'un parasite du blé capable d'aider les hommes à retrouver la foi en Dieu. Kallisto l'aide dans ses travaux.
Le lecteur est amené à douter, autant de la véracité des souvenirs de Georg que des propos du médecin. Nous trouvons des indices d'une conspiration contre le narrateur autant que des traces de la constitution d'une éventuelle fantasmagorie provoquée par le coma.
J'ai beaucoup aimé ce roman , les indices se démentent, les pistes se creusent sans se rejoindre, jusqu'à la dernière page .
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Étendu sur un lit d'hôpital, Georg Friedrich Amberg, jeune docteur au service du Comte Malchin, se réveille de plusieurs semaines de coma. Selon ce qu'on lui rapporte, il aurait été percuté par une voiture, alors qu'il se rendait dans le village de Morwede, où il était attendu pour soigner les villageois. Pourtant, le docteur se souvient bien s'y être rendu et avoir rencontré les habitants. Il croit aussi reconnaître le personnel de la clinique, qui aurait quelque chose à voir avec le drame. La puissante drogue inventée par le Comte pour restaurer la ferveur religieuse des villageois aurait-elle un rapport avec les événements ? Entre cauchemar et hallucinations, la vérité semble se dérober...

Né en 1882 à Prague, Léo Perutz livre un thriller captivant, à la frontière de la raison et de la folie, où se mêlent manipulation et conquête du pouvoir. Paru en pleine ascension du nazisme, La Neige de Saint-Pierre, oeuvre d'un écrivain juif, fut interdit par le régime en 1933. Léo Perutz dut fuir l'Autriche en 1938 et émigra à Tel Aviv. Ses ouvrages n'ont de cesse d'explorer la frontière poreuse entre le réel et l'imaginaire. L'écrivain argentin Jorge Luis Borges participera à la redécouverte de cet auteur majeur, qu'il considérait comme un “Kafka aventureux”.
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