Pourquoi aime-t-on un film?
Voila une question à laquelle on répondra par "chacun ses goûts", ce qui clôt le débat.
Ou alors on se lancera dans un savant discours sur le 7è art des origines à nos jours, une analyse de chaque plan, du scénario, de la bande-son, des dialogues.....dans un jargon de spécialiste, truffé de références et de termes techniques.
Mais faut-il avoir fait l'IDHEC (devenue la Femis) pour savoir si on aime tel ou tel film? Faut-il être un lecteur assidu des
Cahiers du Cinéma et de Positif pour discuter autour d'un film en buvant un verre?
Une troisième voie existe, qui consiste à interroger le sens et les intentions que le réalisateur à mises dans son film.
Partir du principe que tout le contenu du film est un acte de communication, dont nous sommes les destinataires. Non pas en spectateurs passifs, mais en véritables déchiffreurs de sens.
Notre travail de spectateurs se fait la plupart du temps inconsciemment, et nous percevons les images, les sons et les phrases selon des processus mentaux qui sont proches de ceux dont nous nous servons pour suivre une conversation. Nous construisons du sens à partir des indices semés tout au long du film. Nous les relions à ce que nous avons "appris" en regardant d'autres films, et surtout en les rapportant aux intentions supposées du réalisateur.
Si je regarde un James Bond, je sais d'avance qu'il y aura de l'action ainsi que certaines choses connues de lui: un séducteur, un homme invulnérable, courageux, loyal, qui a de l'humour, qui boit des martinis, qui connait tous les sports de combat, qui reste fidèle à Sa Majesté, etc....Pour continuer à faire aimer ces films, chaque nouveau réalisateur de James Bond va respecter ces codes implicites, en modernisant le scénario et l'acteur principal, sans introduire ses idées personnelles sur les services secrets.
le spectateur serait complètement désorienté si James se mariait, prenait des kilos, devenait homo ou buvait des Vittel-fraise en pantoufles devant la télé. Ses attentes seraient déçues en fonction de ce qu'il suppose être les intentions du réalisateur: faire un film tous publics qui amuse, donne des frissons, à effets spéciaux spectaculaires, où les bons gagnent contre les méchants.
Regardons maintenant le film "Rien que pour vos cheveux", qui est une parodie de film d'espionnage.
L'intention du réalisateur est totalement différente, et le plaisir (ou l'indignation) que j'éprouve en le regardant viendront du décalage entre les aventures du héros Zohan, agent secret du Mossad qui veut devenir coiffeur, et le prototype à la James Bond. le réalisateur nous donne son point de vue personnel en mode loufoque et comique, sur beaucoup de sujets qui ne relèvent pas de l'espionnage: l'amour, la réussite sociale, le sort des Palestiniens, les stéréotypes sur les Juifs, sur les dames âgées, sur les super héros qui sauvent le monde...
Voila toute la différence entre un film "conventionnel" et un film "intentionnel".
A vous de décider si on peut aimer les deux, ou si les meilleurs films sont plutôt de la deuxième catégorie.
Un reproche toutefois sur ce livre passionnant: les photos qui servent d'exemple sont d'un format ridiculement petit, et ne servent pas à grand chose. Dommage, ça aiderait à suivre les raisonnements.