"Juste un vol autour du monde" : voici un livre presque parfait sur les imperfections du monde des humains vu par divers personnages : animaux, végétaux ou objets d'utilité presque publique. le quatrième de couverture annonce "quatorze fables–contes douces-amères en paroles et en images nouvelles pour les enfants et les autres". En effet, les sens s'éveillent aux délices de la vie grâce aux histoires d'
Adina Popescu et aux illustrations parfois presque charmantes de Stelia Lie. Je note tout d'abord le maniement de la langue, qui se veut agréable mais surtout variée comme si le précepte véhiculé par les agences de santé publique à destination des grands et des petits était devenu : cinq synonymes par jour pour des neurones moins gourds.
L'habileté à mentir d'un jouet initie peluches et autres poupées à l'hypocrisie humaine, difficile à distinguer des accommodements diplomatiques avec la vérité. Une araignée attachante, grimpeuse invétérée, apprend que se surpasser peut parfois isoler. J'attire aussitôt l'attention sur le fait qu'il n'est pas question ici de versification. Une miette entreprend en téméraire voyageuse un déménagement de la cuisine vers le débarras. Trouvera-t-elle les bons alliés ? La satire n'est jamais trop loin et on soupçonne l'écrivaine de penser parfois à transmettre des messages plus ou moins subliminaux aux parents qui accompagnent nécessairement la lecture des chères petites têtes blondes. Ainsi la petite poissonne rêve d'être… un cygne blanc, prétexte à une scène de ménage tout en mirage ! La cinquième histoire donne son titre à ce bref recueil en évoquant l'amitié de deux albatros qui font des choix de vie différents. Une famille de vers de terre a élu domicile dans un pommier et les caprices et états d'âme d'un de ses membres soulèvent la question toute simple de la place de chacun quand la promiscuité menace. D'amitié et de route différente il est aussi question dans "La Boîte à papillons". Il est agréable de constater que, dans cette histoire, des enfants, des vrais, mettent le nez dehors pour des quêtes non informatisées. C'est aussi un galopin qui met un terme au scandale qui éclate dans l'armoire à vaisselle. L'uniformité, ou plutôt l'homogénéité comme absence de dissensions au sein de l'équipe familiale est une question réglée de manière… enfantine. de liberté rêvent aussi les animaux, comme nous en fait la preuve cet écureuil satisfait de sa condition presque humaine. Dans une des histoires de Nastratin Hogea, le protagoniste préfère chercher ses clés perdues dans la zone éclairée par un lampadaire : tant pis pour l'endroit véritable où celles-ci ont pu être égarées. La chance du lampadaire d'
Adina Popescu est de devenir un témoin de l'Histoire, au point d'être élu par un garçonnet artiste. "Pouxiapocalytique" pourrait être le titre détourné de la onzième histoire, dont la moralité est presque politique : la sagesse d'un roi détermine le bien-être de tout un peuple, à condition que la fatalité ne s'en mêle pas. Inutile de rappeler qu'on ne plaisante pas avec les légumes, même lorsqu'on est une tomate promise au coulis ou bien une gousse d'ail qui aspire plutôt à la gloire qu'à devenir de l'aïoli. Et si la petite fleur veut s'émanciper, pourquoi l'en empêcherait-on ? le dernier texte est assez surprenant, pour ne pas dire utopique, puisque l'enfant, le vrai, doit affronter les personnages même du livre. Qui va l'emporter ?