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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Au lecteur qui s'interroge encore sur la valeur ajoutée d'un libraire dans le choix d'un livre versus les achats via les plateformes d'e-commerce, je raconte cette petite histoire : à la librairie, rayon littérature étrangère, je mets enfin la main sur "Par le fer et par le feu" de Henryk Sienkiewicz. Au moment où je m'en empare, j'entends une mâle voix dans mon dos, très légèrement teintée d'accent étranger. "Vous aimez la littérature polonaise, mademoiselle ?". Déjà, qui que soit mon perspicace interlocuteur mystère, le simple fait qu'il me donne du "mademoiselle" le catapulte très haut dans mon estime. Je me retourne et fais face à un jeune homme très distingué qui, sans attendre ma réponse, enchaîne : "Parce que si c'est le cas, je n'ai rien à dire à votre choix, sauf que vous devriez commencer par ça." Et de me mettre entre les mains un pavé de 900 pages d'auteur et de titre inconnus de moi, "Manuscrit trouvé à Saragosse, Jan Potocki". Je vous la fais brève : mon bienveillant guide n'était rien de moins qu'un libraire polonais en stage à Auxerre. Vous ne saviez pas que ça existait ? Moi non plus. Et pourtant, c'est bien grâce à l'attention et aux recommandations de ce libraire franco-polonais que j'ai fait connaissance avec le présent roman dont, à ma plus vive honte, la réputation d'oeuvre majeure de la littérature interplanétaire m'avait complètement échappée.

Ce colossal roman classique, bourré d'aventures jusqu'à la gueule, est d'abord, pour un lecteur français, une longue flatterie à l'oreille tant la langue est belle. Oui, parce qu'il faut préciser que Jan Potocki a consacré plus de vingt ans à l'écrire... en français, et franchement, pendant toute la lecture, vous vous pincez pour le croire. Ô temps béni où le beau français était la langue des intellectuels et des souverains d'Europe, du Finistère à l'Oural et de Luleå à Syracuse !

Revenons au manuscrit de Saragosse, si vous le voulez bien.

Vous avez tous joué, enfant, à empiler des cubes les uns dans les autres à la manière des poupées russes ? Et bien, Jan Potocki fait ici exactement la même chose avec les très nombreux personnages de son roman. Les mises en abyme se succèdent sans répit, tout au long des six décamérons qui structurent le récit. Donc, pour être franche, inutile de me demander de vous raconter l'histoire, j'en suis tout bonnement incapable, ayant oublié les personnages et les situations au fur et à mesure qu'ils étaient remplacés par de nouveaux.

Toutefois, n'allez pas croire que cette densité rend le roman impénétrable, ennuyeux ou obscur. C'est là que réside la magie de l'auteur - magie qui a agi par la suite sur plusieurs générations d'écrivains - car, allié à la beauté chantante de la langue, le récit des nombreuses aventures tantôt picaresques, tantôt fantastiques, tantôt joyeuses, tantôt effrayantes, transplante le lecteur dans l'Espagne des 17ème et 18ème siècles avec un réalisme ahurissant. Pour un peu, vous vous sentiriez dans les basques de Sancho Panza ! Mon seul conseil : rendez-vous très disponible et réservez à ce roman l'exclusivité de votre lecture, au risque de décrocher très rapidement.

Une belle découverte qui cumule la satisfaction d'avoir comblé une énorme lacune de ma culture littéraire et celle d'avoir effectué un incroyable voyage dans le temps et l'espace.

PS : Je n'ai pas encore lu mon Sienkiewicz mais ça ne saurait tarder.


Challenge MULTI-DEFIS 2016
Challenge PAVES 2015 - 2016
Challenge 19ème siècle 2016
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Certains livres sont des calvaires à chroniquer. « Manuscrit trouvé à Saragosse » en fait partie : polymorphe, il réunit tant de styles, tant de genres que l'on ne sait pas par où commencer, par quel bout le prendre. Est-ce un roman initiatique ? Un récit d'aventure ? Un roman d'amour ? Un recueil de contes fantastiques ? En romancier malin et imaginatif, Jean Potocki brasse tous ces genres sans en choisir aucun : son roman n'est pas un récit rectiligne, c'est un labyrinthe, une tour de Babel aux milles recoins et aux milles habitants où l'imagination du lecteur se promène, s'égare, se retrouve… L'un de ces livres qu'il vaut mieux ne pas lâcher en route – ce que j'ai eu le malheur de faire, je le confesse – si on ne veut pas se retrouver quelques jours plus tard, le livre ouvert dans les mains et les sourcils furieusement froncés, à se demander « Mais bon sang où en étais-je ? »

Parlons un peu de l'histoire, ou plutôt des histoires ! Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle et le jeune Alphonse van Worden se rend à Madrid pour devenir capitaine dans l'armée de sa Majesté le roi d'Espagne. Mais la route est longue des Pyrénées à la capitale et le jeune militaire visitera bien des lieux étranges durant son voyage : auberges hantées, grottes dissimulées et manoirs mystérieux. Il croisera aussi de nombreux voyageurs : un vieux chef bohémien très bavard, deux superbes mahométanes, un cabaliste juif et sa splendide soeur, un géomètre distrait, un ermite étrange, des brigands aux grands coeurs… Et tous ces braves gens ne semblent avoir qu'une envie : raconter leurs vies, celles de leurs amis et celles des amis de leurs amis au jeune Alphonse.

L'ensemble donne une mosaïque de récits entrecroisés et imbriqués – un homme raconte l'histoire d'un homme qui raconte l'histoire d'un homme qui… – tout à fait passionnante et d'une richesse surprenante. le procédé n'est pas sans rappeler celui des « Mille et une nuits », mais des « Mille et une nuits » qui se dérouleraient dans l'Espagne andalouse du XVIIIe siècle, cette Espagne mythique où se mêlent les civilisations maure, chrétienne et juive dans un fascinant bouillon de culture. La diversité même des récits fait que l'intérêt du lecteur est plus ou moins accroché, selon les narrateurs et leurs histoires (personnellement, je dois avouer un faible pour les récits plein d'humour et de rebondissements rocambolesques du chef bohémien. En revanche, Les mésaventures du géomètre Vélasquez m'ont laissé froide), mais l'ensemble reste délicieusement divertissant à découvrir. A conseiller particulièrement aux nostalgiques de l'Al-Andalus et de ses mystères !
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Babelio s'emmêle dans les photos de couverture et les fiches de ce roman, qui ne dispose pas du soutien de trois cents lectrices pâmées, comme n'importe quelle BD en vogue. Il existe deux versions du "Manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki, celle de 1804 et celle de 1810, publiées par Garnier-Flammarion. Parallèlement, Folio, le Livre de Poche et José Corti ont leurs propres versions différemment établies et surtout, abrégées. Mais Garnier Flammarion a pris soin de donner les états du texte complet les plus fiables, résultant de recherches et de découvertes récemment faites en Pologne. L'histoire du texte reflète la vie mouvementée du comte polonais Potocki, grand seigneur au service de son roi, puis du tsar russe Alexandre I°. Il voyagea jusqu'en Chine par la Sibérie, entre autres itinéraires aventureux. Homme des Lumières, affecté de spleen, il se suicida en 1815, laissant ce grand roman inédit, pillé sous l'Empire par un éditeur parisien malhonnête. le texte, comme toutes les oeuvres de Potocki, a été rédigé directement en français et n'a donc aucun rapport avec la littérature polonaise.

Venant de terminer la lecture du roman dans sa version de 1810, la dernière, j'ai une impression partagée. C'est un grand bonheur de lire le récit du héros, jeune militaire venant prendre du service en Espagne, croisant sur sa route une foule disparate de personnages qui, chacun à son tour, raconte sa propre histoire dans le cadre de la sienne. L'enchâssement des récits est inspiré des Mille et Une Nuits, qui ont marqué toute la création romanesque du XVIII°s. le bonheur de lecture tient à ce que l'identité des personnages, c'est l'histoire qu'ils ont vécue et qu'ils racontent. Cela donne une netteté de trait au roman, qui le rapproche De Voltaire, de Diderot, De Stendhal, et rend impossibles les émotions vagues, la subjectivité bavarde et le sentimentalisme venus de Rousseau, qui s'exhalent en 1800 dans les romans ratés De Chateaubriand. On a donc la première personne sans la sensiblerie. L'ouvrage paraîtra "ancien" aux incultes, mais sa lecture est salubre aujourd'hui : notre temps, en littérature, est aux torrents de larmes, à la vertu et aux indignations généreuses, prolixes et sélectives.

Le défaut de cette qualité, la rançon de cette ironie narrative, est une certaine superficialité dans la présentation des personnages, dans les discours et pastiches de tous les genres romanesques en vogue à l'époque. Chacun parle la langue de sa caste ou de sa folie personnelle, on s'amuse énormément, mais ensuite ? Il ne reste rien. Comme Potocki a l'élégance de rester discret sur la propagande des Lumières, on finit par se demander à quoi sert son livre, question que l'on ne se pose jamais avec Voltaire (hélas) ni avec Diderot (qui cherche, enquête, et affirme peu). "Superficiel par profondeur", Potocki laisse le lecteur diverti, reconnaissant, et perplexe. Donc acceptons de nous amuser en toute inutilité.
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Livre extraordinairement déroutant qui raconte (je résume) L'Histoire d'un type qui trouve un manuscrit qui raconte L'Histoire d'un type qui rencontre un type qui lui raconte l'histoire d'un type etc.
Livre gigogne qui se mérite. Se dégager du temps (beaucoup) attacher sa ceinture et en route pour l'aventure!
PS; l'auteur s'est suicidé peu après ... et j'ai moi même un gros coup de mou aujourd'hui
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Ce livre très original est dû à l'écrivain polonais Jean Potocki, qui a écrit directement en français. Ce roman est ancien (la version que nous lisons actuellement date de 1810), mais il a été d'abord oublié, puis redécouvert seulement en 1958 ! La composition du récit est particulière: il comprend soixante-six "journées", chacune contenant plusieurs nouvelles qui s'emboîtent les unes dans les autres comme des poupées russes. Ainsi, ce livre donne une impression vertigineuse de foisonnement qui est due aux nombreux "embranchements" introduits par l'auteur.
Pendant la guerre napoléonienne contre l'Espagne (1809), le capitaine Alphonse van Worden découvre un livre et vit diverses aventures dans la Sierra Morena; il entend plusieurs personnes qui lui racontent leur vie. Certes, le lecteur se perd dans toutes les péripéties du roman qui se juxtaposent et s'emboitent l'une dans l'autre, en se bousculant; mais ce n'est absolument pas grave: il se trouve sous le charme du conteur hors pair qu'était J. Potocki. Cet écrivain écrit fort bien dans notre langue, d'ailleurs.
Le roman ne peut pas être raconté, il faut le découvrir par soi-même. Pour moi, c'est une curiosité remarquable: à déguster !
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Une belle histoire fantastique d'un chevalier, de revenants, de cabalistes, de gitans, de belles Maures, de pendus. Surtout, il y a un bel humour sur l'honneur d'un gentilhomme de l'Espagne baroque. le procédé narratif des histoires contées par des personnages successifs permet une fluidité du récit qui le transforme presque en recueil de nouvelles (Calvino etc. avant la lettre). Il est sympathique de penser que l'imagination débridée de l'auteur, dont la biographie est si imprégnée des Lumières voire d'une certaine admiration jacobine, le conduit à décrire un héros qui serait sans doute son parfait contraire...
Pour ma part, je suis désormais plutôt intéressé à une bonne biographie de Potocki qu'à poursuivre des lectures de lui.
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Ce livre a engendré toutes sortes d'hypothèses. Et c'est vrais, il commence par nous promettre de découvrir certains secrets. Chaque histoire en entraine une autre; véritables récit à tiroir mais ici ce n'est pas une commode mais une bibliothèque de tiroirs. Cependant toutes ces narrations nous font voyager à d'autre sé poques et dans des lieux si divers que l'on finit par perdre le fil du récit premier. Assez déroutant
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