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Lorsque j'étais petite, j'avais une arrière-grand-mère enragée des jeux de cartes. Dans mon souvenir, elle avait passé les quatre-vingt-cinq ans et patientait péniblement lors des repas de famille, où elle ne mangeait presque rien, se maintenant l'oeil aux aguets, n'espérant que l'instant où elle pourrait débaucher des partenaires et taper le carton de sa main tremblante et de son oeil confondant les coeurs et les carreaux toujours à son avantage, jusqu'à l'épuisement des trois autres...
Encore très faiblement lectrice, je me rappelle avoir été fascinée par les beaux dessins des figures sur les cartes et je tâchais de déchiffrer tant bien que mal les petits noms de ces rois et reines accompagnés de leurs serviteurs.
Sur la dame de pique, on pouvais lire " Pallas ", et c'est vrai qu'elle n'était jamais lasse mon arrière-grand-mère. Je crois même que si elle n'était pas morte depuis le temps, elle continuerait à tenir dans ses doigts tors défigurés par l'arthrose l'effigie du roi de trèfle, celui qu'on nomme Alexandre.
Alexandre, le grand Alexandre, le seul, l'unique Alexandre qui compte, Alexandre Pouchkine, le magicien des mots, l'âme de la Russie.
Oui, Pouchkine, avec le meilleur de la verve russe du XIXème siècle, nous concocte une petite nouvelle parfaite, avec tous les ingrédients qui deviendront propres tant au genre qu'est la nouvelle, qu'à la veine russe dont il est le premier éminent représentant.
Ces diables de Russes arrivent toujours à relever admirablement leurs recettes d'une minuscule pointe de surnaturel qui vient juste rehausser la saveur de l'ensemble sans jamais en gâcher les arômes de base.

Au cours d'une soirée entre officiers, tous joueurs acharnés et buveurs de noble constitution, Tomsky raconte une anecdote sur sa grand-mère et l'étrange pacte qu'elle fit en France dans sa jeunesse avec le comte de Saint Germain. Celui-ci, pour sauver la grand-mère de Tomsky qui venait de perdre une fortune aux cartes, lui enseigna une mystérieuse et infaillible technique pour gagner. Cependant, il lui fit promettre de ne point utiliser cette formule à mauvais escient, sitôt la dette remboursée. de sa vie, la grand-mère à toujours tenu parole et est restée muette comme une tombe, même à l'égard de ses enfants ou petits-enfants. Une seule fois, au cours de sa longue vie, elle a dévoilé à un officier ruiné, dont la situation devenait très compromise, les trois cartes salvatrices qui lui permettraient de recouvrer sa fortune et son honneur perdu sur une table de jeu.
Essayez d'imaginer à quoi peut bien être prêt un officier froid et calculateur pour faire parler une vieille grand-mère de quatre-vingt-sept ans détentrice d'un tel pouvoir ? Je ne vous en dis pas plus quant au scénario, mais sachez que je place sans complexe La Dame de Pique au niveau de la meilleure nouvelle de Gogol selon moi, le Manteau.
En ce qui concerne le style, c'est tonique, c'est rythmé, c'est lyrique, c'est légèrement roublard, c'est le format idéal pour une nouvelle, c'est un vrai délice, mais tout ceci, n'est bien sûr que l'inconséquent avis d'une non-joueuse de cartes, c'est-à-dire pas beaucoup plus qu'un 2 de carreau...

P. S. : l'histoire de mon arrière-grand-mère est véridique.
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Hermann, un officier d'origine allemande, bien que passionné par le jeu, a toujours refusé d'y perdre de l'argent. Il ne joue donc jamais et se contente de regarder ses amis se livrer à leur passion des cartes. Mais pendant une longue nuit d'hiver en leur compagnie, après qu'ils ont joué et dîné fort tard, l'un d'eux, Tomski, en rapportant une anecdote sur sa grand-mère, Anna Fedotovna, change la perspective du jeune officier.

En effet le petit-fils raconte que la comtesse, grande joueuse devant l'éternel, ne joue plus, quoique détenant un moyen infaillible de gagner. Elle connait une martingale qui lui a permis de se refaire, alors qu'elle était en France et avait perdu beaucoup d'argent. Une combinaison gagnante qu'elle a obtenue du comte de Saint Germain, un vieil original, quand son mari refusait obstinément de couvrir ses dettes de jeu. Seulement, elle ne veut la communiquer à personne, pas même à ses descendants, tenant une promesse faite au comte.

Pour Hermann, c'est une révélation. Il ne lui en faut pas plus pour réfléchir et mettre en oeuvre les moyens de soutirer à la vieille dame son secret. Mais la comtesse est coriace et sa vengeance, au-delà de la mort, va conduire le vénal ambitieux sur le chemin de la folie, à moins que ce soit sa conscience.

Quelques lignes suffisent pour être plongé dans cette nouvelle qui, entre rêve et réalité, vaut un long roman par sa puissance évocatrice, la densité de ses personnages et l'analyse poussée et ironique des faiblesses humaines. Pouchkine nous y tend un miroir pour nous faire nous interroger sur nous-mêmes, nos ambitions et nos passions, c'est là son immense talent et son vrai génie.
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C'est difficile de parler de cette oeuvre, très courte mais dense, qui peut s'interpréter à plusieurs niveaux.

Pouchkine raconte très bien l'univers du jeu, la décharge d'adrénaline qui accompagne la prise de risque. Son héros, Hermann, assiste de façon assidue au jeu sans jamais toucher une carte, pour éviter la tentation. On peut gagner certes, mais aussi se retrouver ruiné. « le jeu m'intéresse, dit Hermann, mais je ne suis pas d'humeur à risquer le nécessaire pour gagner le superflu. »

Apprendre qu'il peut exister une combinaison parfaite, une martingale magique, va modifier la donne et devenir une pensée obsessionnelle : tout mettre en oeuvre pour se la procurer à tout prix. Hermann est décrit comme un homme froid, calculateur qui met en place une stratégie de façon méthodique, manipulant Lisabeta sans l'ombre d'un scrupule.

Dans la mesure où il y a une chance de gagner, la manière de penser change, l'obsession monte en puissance, prend toute la place et la prudence du départ, par rapport au jeu, s'efface tant l'esprit est obnubilé par la possibilité du gain. Doit-on vendre son âme au diable pour gagner ?

Pouchkine ne nous le rend jamais sympathique, ce n'est pas le but recherché ; il aborde, via le thème du jeu, différents personnages qui ont leurs forces et leurs faiblesses, ils sont bien construits, en particulier Lisabeta et la comtesse:« La comtesse n'avait plus la moindre prétention à la beauté ; mais elle conservait les habitudes de sa jeunesse, s'habillait à la mode d'il y a cinquante ans, et mettait à sa toilette tout le temps et toute la pompe d'une petite maîtresse du siècle passé. Sa demoiselle de compagnie travaillait à un métier dans l'embrasure de la fenêtre. »

Mais, qui est « la Dame de Pique » en fait ? Un mythe ou une histoire vraie ? Une femme ? le jeu qui rend fou? La mort ?

La tension monte, comme les joueurs qui retiennent leur souffle autour de la table de jeu. le rythme de l'écriture est tellement rapide qu'il nous entraîne dans l'aventure, comme la tornade tourne sur elle-même en s'intensifiant. On reconnaît la petite musique du poète dans ce petit chef-d'oeuvre (petit par le nombre de pages bien-sûr), l'auteur n'hésitant pas à jouer avec le fantastique, le surnaturel, lors de sa narration.

J'ai lu quelques poèmes de Pouchkine mais je n'avais jamais lu une nouvelle ou un recueil en entier. J'ai appris, en cours de russe, la lettre de Tatiana dans « Eugène Onéguine », il me reste encore quelques uns des quatre-vingt vers en tête. J'ai commencé il y a longtemps « La fille du capitaine », en édition bilingue (une édition ancienne dont on doit découper les pages !) mais je me suis arrêtée en route… donc, j'ai bien envie de continuer l'aventure.

Note : 9,2/10 challenge 19e siècle
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Pouchkine n'est pas l'écrivain chéri des Russes pour rien !

Son style concis et pourtant puissamment évocateur transporte le lecteur dans le temps et l'espace en seulement quelques pages et l'entraîne à travers les aristocratiques palais de Saint-Petersbourg pour assister aux manigances d'Hermann, un ambitieux faussement sobre et probe que ni le crime moral ni le crime physique ne freineront dans sa quête de fortune.

J'aime la façon dont Pouchkine présente ses personnages pour, au premier rebondissement, les faire paraître tout autre, surprenant ainsi le lecteur et encourageant son imagination à prendre l'initiative du récit.

Il s'exerce en quelque sorte une belle alchimie avec "La dame de pique" : du sentiment, de l'exaltation, du suspens, du fantastique, du hasard et de la morale, ingrédients somme toute assez répandus en littérature, s'extrait une nouvelle en or, brillante et précieuse.


Challenge 19ème siècle 2016
Challenge Petits Plaisirs 2016
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Une combinaison gagnante aux jeux de cartes existe. Trois chiffres ont la toute puissance ! Mais qui donc la détient ? Tomski raconte que sa grand-mère, Anna Fedotovna, la possède mais inutile de l'interroger, elle s'est promis de ne jamais la dévoiler ! Le comte Saint Germain la lui a révélée en l'adjurant de la garder secrète après avoir épongé ses dettes de jeu !
Qu'à cela ne tienne, l'Officier Hermann devra déployer les plus vils arrangements pour y parvenir, du jeu de séduction aux plus inavouables traîtrises ! La Vieille Dame saura-t-elle jouer de sa carte maîtresse pour remporter la partie ?
En tout cas, Pouchkine sort sa carte « Atout » et abat son jeu au moment crucial ! Joli coup de bluff !!
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C'est lors d'un repas entre messieurs s'adonnant au jeu qu'un protagoniste raconte un jour l'histoire de sa grand-mère, joueuse invétérée. Très endettée, elle reçoit un jour d'un ami une méthode infaillible pour gagner aux cartes pour la tirer d'affaire, sur la promesse de ne plus jamais jouer. C'est ce qu'elle fit. Récit qui fait bien tourner la tête d'un jeune officier, pourtant froid de coeur et d'esprit. Comment arrivera-t-il à soutirer cette combinaison magique, voilà tout le sel de l'histoire.

Première immersion dans la littérature russe, avec cette courte nouvelle de la dame de pique de Pouchkine, et je suis irrémédiablement séduite par la narration, l'intrigue, les personnages, et la plume. Quelques touches de romance, de fantastique, de cynisme, une écriture qu'on prend plaisir à lire, c'est une belle découverte.
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J'ai passé un très bon moment de lecture avec cette nouvelle qui pour moi s'apparente à une étude philosophique. On sent comment l'auteur a bien étudié la matière avant de nous la livrer sous cette forme. Et même dans la distribution des personnages dont les intérêts sont très controversés.

La dame de pique, la comtesse de pique, celle qui détient le secret de gagner aux jeux, le secret qu'elle refuse de partager même sous la menace d'une arme, d'ailleurs la mort l'attend où deviendra pour l'éternité peut-être l'as de pique, gare aux enchanteurs...

Le livre nous surprend à chaque avancée. On part de la mort à la résurrection, de l'amour au crime, du secret à la prophétie,..
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Nouvelle. Paris, vers 1760. Une vieille comtesse russe capricieuse, autoritaire et extravagante a un souffre-douleur : Lizaveta Ivanovna. Celle-ci remarque un bel homme souvent en attente devant la maison de la comtesse. Un jour, lors d'une sortie, l'homme, Hermann, lui glisse un billet…
En fait, il n'est pas du tout intéressé par la jeune Liza, mais par la comtesse qui détient une martingale aux cartes. Il est obsédé par le dieu-argent, et l'Esprit de la vieille comtesse lui donnera une bonne leçon !
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Pouchkine ( 1799-1837 ) écrit diverses oeuvres. Ses poèmes peuvent être très durs envers le régime du tzar, notamment lorsqu'ils critiquent l'autocratie, le servage et la cruauté des propriétaires fonciers. Contrôlé par le tzar Nicolas, il continue sa vie dissolue qui l'amène à un duel.
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Fantastique ou spiritisme ?
La nouvelle, La Dame de pique est considérée par Dostoïevski comme un chef d'oeuvre d'art fantastique.
Personnellement, je vois, dans l'apparition de la Dame Blanche ( la comtesse décédée ) une visite de son âme à Hermann pour le prévenir, par le message, que l'obsession de l'argent est un vice…. Mais Pouchkine n'était peut être pas spirite, et en ce cas, il est frappant de voir la similitude du fantastique et des phénomènes spirituels : )
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Relecture : même note, car j'ai toujours du mal avec les nouvelles, une impression de « pas assez », bien que, dans les re-lectures, je m'investisse plus qu'à mes lectures d'il y a 5 ou 10 ans : )
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Dans cette nouvelle publiée en 1834, c'est le jeu, le hasard, et trois cartes, trois-sept- as, qui mènent la danse d'un récit condensé, rapide et très vivant. Trois cartes, finalement maléfiques, qui font sombrer Herman dans la folie.
Danc ce récit, à la fois fantastique et dramatique, souvent réhaussé par une pointe d'ironie, Pouchkine allie et dose à merveille ces trois facettes, serait-il aussi moraliste ? Mais curieusement, ici l'amour devient accessoire, il est cruel même car il n'est là que pour servir la cause du joueur et créer une tension. le jeu, Pouchkine l'a pratiqué surtout dans les tripots de Saint Pétersbourg, aussi, quand Herman dit : " le jeu me passionne" il sait de quoi il parle ! Pour en parler, Pouchkine a une plume très alerte, sobre, il utilise des mots incisifs, très suggestifs et finalement d'une grande force, le tout fonctionne parfaitement on est captivé et ravi par cette courte nouvelle.
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Il se trouve que je vais dans quelques jours écouter l'opéra de Tchaikovsky, La Dame de Pique.
C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité lire l'ouvrage, dont le musicien s'était inspiré pour écrire son opéra.
Et j'ai découvert cette nouvelle, à la fois énigmatique et très agréable.
J'ai hâte maintenant de d'aller écouter cet opéra, dont la mise en scène a d'ailleurs été réalisée par un artiste russe, exilé en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.

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