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André Gide (Traducteur)Gustave Aucouturier (Traducteur)Jacques Schiffrin (Traducteur)
EAN : 9782070365425
288 pages
Gallimard (12/04/1974)
3.88/5   751 notes
Résumé :
La dame de pique est-elle cette femme ensorcelante qui, dans le Paris de Richelieu, regagne de façon mystérieuse une fortune perdue au jeu ? Est-elle cette figure maléfique, incarnation d'un destin contraire, qui précipite Hermann, un jeune officier, dans la passion du jeu ? Est-elle, au soir de sa mort, cette dame blanche, funeste apparition, livrant à Hermann le secret des cartes pour mieux lui faire payer son crime ? Autant d'énigmes qui en font un personnage de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (63) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsque j'étais petite, j'avais une arrière-grand-mère enragée des jeux de cartes. Dans mon souvenir, elle avait passé les quatre-vingt-cinq ans et patientait péniblement lors des repas de famille, où elle ne mangeait presque rien, se maintenant l'oeil aux aguets, n'espérant que l'instant où elle pourrait débaucher des partenaires et taper le carton de sa main tremblante et de son oeil confondant les coeurs et les carreaux toujours à son avantage, jusqu'à l'épuisement des trois autres...
Encore très faiblement lectrice, je me rappelle avoir été fascinée par les beaux dessins des figures sur les cartes et je tâchais de déchiffrer tant bien que mal les petits noms de ces rois et reines accompagnés de leurs serviteurs.
Sur la dame de pique, on pouvais lire " Pallas ", et c'est vrai qu'elle n'était jamais lasse mon arrière-grand-mère. Je crois même que si elle n'était pas morte depuis le temps, elle continuerait à tenir dans ses doigts tors défigurés par l'arthrose l'effigie du roi de trèfle, celui qu'on nomme Alexandre.
Alexandre, le grand Alexandre, le seul, l'unique Alexandre qui compte, Alexandre Pouchkine, le magicien des mots, l'âme de la Russie.
Oui, Pouchkine, avec le meilleur de la verve russe du XIXème siècle, nous concocte une petite nouvelle parfaite, avec tous les ingrédients qui deviendront propres tant au genre qu'est la nouvelle, qu'à la veine russe dont il est le premier éminent représentant.
Ces diables de Russes arrivent toujours à relever admirablement leurs recettes d'une minuscule pointe de surnaturel qui vient juste rehausser la saveur de l'ensemble sans jamais en gâcher les arômes de base.

Au cours d'une soirée entre officiers, tous joueurs acharnés et buveurs de noble constitution, Tomsky raconte une anecdote sur sa grand-mère et l'étrange pacte qu'elle fit en France dans sa jeunesse avec le comte de Saint Germain. Celui-ci, pour sauver la grand-mère de Tomsky qui venait de perdre une fortune aux cartes, lui enseigna une mystérieuse et infaillible technique pour gagner. Cependant, il lui fit promettre de ne point utiliser cette formule à mauvais escient, sitôt la dette remboursée. de sa vie, la grand-mère à toujours tenu parole et est restée muette comme une tombe, même à l'égard de ses enfants ou petits-enfants. Une seule fois, au cours de sa longue vie, elle a dévoilé à un officier ruiné, dont la situation devenait très compromise, les trois cartes salvatrices qui lui permettraient de recouvrer sa fortune et son honneur perdu sur une table de jeu.
Essayez d'imaginer à quoi peut bien être prêt un officier froid et calculateur pour faire parler une vieille grand-mère de quatre-vingt-sept ans détentrice d'un tel pouvoir ? Je ne vous en dis pas plus quant au scénario, mais sachez que je place sans complexe La Dame de Pique au niveau de la meilleure nouvelle de Gogol selon moi, le Manteau.
En ce qui concerne le style, c'est tonique, c'est rythmé, c'est lyrique, c'est légèrement roublard, c'est le format idéal pour une nouvelle, c'est un vrai délice, mais tout ceci, n'est bien sûr que l'inconséquent avis d'une non-joueuse de cartes, c'est-à-dire pas beaucoup plus qu'un 2 de carreau...

P. S. : l'histoire de mon arrière-grand-mère est véridique.
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Hermann, un officier d'origine allemande, bien que passionné par le jeu, a toujours refusé d'y perdre de l'argent. Il ne joue donc jamais et se contente de regarder ses amis se livrer à leur passion des cartes. Mais pendant une longue nuit d'hiver en leur compagnie, après qu'ils ont joué et dîné fort tard, l'un d'eux, Tomski, en rapportant une anecdote sur sa grand-mère, Anna Fedotovna, change la perspective du jeune officier.

En effet le petit-fils raconte que la comtesse, grande joueuse devant l'éternel, ne joue plus, quoique détenant un moyen infaillible de gagner. Elle connait une martingale qui lui a permis de se refaire, alors qu'elle était en France et avait perdu beaucoup d'argent. Une combinaison gagnante qu'elle a obtenue du comte de Saint Germain, un vieil original, quand son mari refusait obstinément de couvrir ses dettes de jeu. Seulement, elle ne veut la communiquer à personne, pas même à ses descendants, tenant une promesse faite au comte.

Pour Hermann, c'est une révélation. Il ne lui en faut pas plus pour réfléchir et mettre en oeuvre les moyens de soutirer à la vieille dame son secret. Mais la comtesse est coriace et sa vengeance, au-delà de la mort, va conduire le vénal ambitieux sur le chemin de la folie, à moins que ce soit sa conscience.

Quelques lignes suffisent pour être plongé dans cette nouvelle qui, entre rêve et réalité, vaut un long roman par sa puissance évocatrice, la densité de ses personnages et l'analyse poussée et ironique des faiblesses humaines. Pouchkine nous y tend un miroir pour nous faire nous interroger sur nous-mêmes, nos ambitions et nos passions, c'est là son immense talent et son vrai génie.
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C'est difficile de parler de cette oeuvre, très courte mais dense, qui peut s'interpréter à plusieurs niveaux.

Pouchkine raconte très bien l'univers du jeu, la décharge d'adrénaline qui accompagne la prise de risque. Son héros, Hermann, assiste de façon assidue au jeu sans jamais toucher une carte, pour éviter la tentation. On peut gagner certes, mais aussi se retrouver ruiné. « le jeu m'intéresse, dit Hermann, mais je ne suis pas d'humeur à risquer le nécessaire pour gagner le superflu. »

Apprendre qu'il peut exister une combinaison parfaite, une martingale magique, va modifier la donne et devenir une pensée obsessionnelle : tout mettre en oeuvre pour se la procurer à tout prix. Hermann est décrit comme un homme froid, calculateur qui met en place une stratégie de façon méthodique, manipulant Lisabeta sans l'ombre d'un scrupule.

Dans la mesure où il y a une chance de gagner, la manière de penser change, l'obsession monte en puissance, prend toute la place et la prudence du départ, par rapport au jeu, s'efface tant l'esprit est obnubilé par la possibilité du gain. Doit-on vendre son âme au diable pour gagner ?

Pouchkine ne nous le rend jamais sympathique, ce n'est pas le but recherché ; il aborde, via le thème du jeu, différents personnages qui ont leurs forces et leurs faiblesses, ils sont bien construits, en particulier Lisabeta et la comtesse:« La comtesse n'avait plus la moindre prétention à la beauté ; mais elle conservait les habitudes de sa jeunesse, s'habillait à la mode d'il y a cinquante ans, et mettait à sa toilette tout le temps et toute la pompe d'une petite maîtresse du siècle passé. Sa demoiselle de compagnie travaillait à un métier dans l'embrasure de la fenêtre. »

Mais, qui est « la Dame de Pique » en fait ? Un mythe ou une histoire vraie ? Une femme ? le jeu qui rend fou? La mort ?

La tension monte, comme les joueurs qui retiennent leur souffle autour de la table de jeu. le rythme de l'écriture est tellement rapide qu'il nous entraîne dans l'aventure, comme la tornade tourne sur elle-même en s'intensifiant. On reconnaît la petite musique du poète dans ce petit chef-d'oeuvre (petit par le nombre de pages bien-sûr), l'auteur n'hésitant pas à jouer avec le fantastique, le surnaturel, lors de sa narration.

J'ai lu quelques poèmes de Pouchkine mais je n'avais jamais lu une nouvelle ou un recueil en entier. J'ai appris, en cours de russe, la lettre de Tatiana dans « Eugène Onéguine », il me reste encore quelques uns des quatre-vingt vers en tête. J'ai commencé il y a longtemps « La fille du capitaine », en édition bilingue (une édition ancienne dont on doit découper les pages !) mais je me suis arrêtée en route… donc, j'ai bien envie de continuer l'aventure.

Note : 9,2/10 challenge 19e siècle
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Pouchkine n'est pas l'écrivain chéri des Russes pour rien !

Son style concis et pourtant puissamment évocateur transporte le lecteur dans le temps et l'espace en seulement quelques pages et l'entraîne à travers les aristocratiques palais de Saint-Petersbourg pour assister aux manigances d'Hermann, un ambitieux faussement sobre et probe que ni le crime moral ni le crime physique ne freineront dans sa quête de fortune.

J'aime la façon dont Pouchkine présente ses personnages pour, au premier rebondissement, les faire paraître tout autre, surprenant ainsi le lecteur et encourageant son imagination à prendre l'initiative du récit.

Il s'exerce en quelque sorte une belle alchimie avec "La dame de pique" : du sentiment, de l'exaltation, du suspens, du fantastique, du hasard et de la morale, ingrédients somme toute assez répandus en littérature, s'extrait une nouvelle en or, brillante et précieuse.


Challenge 19ème siècle 2016
Challenge Petits Plaisirs 2016
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Une combinaison gagnante aux jeux de cartes existe. Trois chiffres ont la toute puissance ! Mais qui donc la détient ? Tomski raconte que sa grand-mère, Anna Fedotovna, la possède mais inutile de l'interroger, elle s'est promis de ne jamais la dévoiler ! Le comte Saint Germain la lui a révélée en l'adjurant de la garder secrète après avoir épongé ses dettes de jeu !
Qu'à cela ne tienne, l'Officier Hermann devra déployer les plus vils arrangements pour y parvenir, du jeu de séduction aux plus inavouables traîtrises ! La Vieille Dame saura-t-elle jouer de sa carte maîtresse pour remporter la partie ?
En tout cas, Pouchkine sort sa carte « Atout » et abat son jeu au moment crucial ! Joli coup de bluff !!
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
La comtesse ne disait mot. Hermann se jeta à genoux.
- Si jamais votre cœur a connu l'amour, s'il vous reste le moindre souvenir de ses extases, si vous avez souri en entendant les pleurs d'un fils nouveau-né, si quelque chose d'humain a brûlé dans votre poitrine, je vous supplie, madame, je vous conjure par l'amour d'une épouse, d'une amante, d'une mère, de tout ce qu'il y a de plus sacré, de ne pas rejeter ma prière, de me révéler votre secret ! Que vous sert-il ?... Peut-être est-il lié à quelque affreux péché, à une damnation éternelle, à un pacte diabolique... Songez, madame, vous êtes vieille, il ne vous reste plus longtemps à vivre - je suis prêt à prendre votre péché sur mon âme ! Livrez-moi votre secret !... Dites-vous bien que la félicité d'un homme est entre vos mains, que moi-même, mes enfants, mes petits-enfants, nous bénirons tous votre mémoire et vous vénérerons à l'égal d'une sainte...
La veille se taisait toujours. Hermann se releva.
- Vieille sorcière ! proféra-t-il en grinçant des dents. Va, je saurai bien te faire parler !
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« L’as gagne, dit Hermann, et il découvrit sa carte.
– Votre dame a perdu », dit Tchekalinski d’un ton de voix mielleux.
Hermann tressaillit. Au lieu d’un as, il avait devant lui une dame de pique. Il n’en pouvait croire ses yeux, et ne comprenait pas comment il avait pu se méprendre de la sorte.
Les yeux attachés sur cette carte funeste, il lui sembla que la dame de pique clignait de l’œil et lui souriait d’un air railleur. Il reconnut avec horreur une ressemblance étrange entre cette dame de pique et la défunte comtesse...
« Maudite vieille ! » s’écria-t-il épouvanté.
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La comtesse commença à se déshabiller devant la glace. On détacha sa coiffure, ornée de roses ; on ôta sa perruque poudrée de ses cheveux, qu'elle avait blancs et coupés ras. Les épingles pleuvaient dru autour d'elle. Sa robe jaune, lamée d'argent, tomba à ses pieds enflés. Hermann dut assister à tout le hideux mystère de sa toilette. Finalement, la comtesse demeura en peignoir et bonnet de nuit. Dans cet accoutrement, mieux approprié à son âge, elle semblait moins effroyable et repoussante.
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La vieille comtesse était dans sa chambre de toilette, assise devant un miroir. Trois suivantes l'entouraient. L'une tenait un pot de rouge, l'autre une boîte d'épingles à cheveux, la troisième un haut bonnet orné de rubans couleur feu.
La comtesse n'avait plus la moindre prétention à la beauté, la sienne était flétrie depuis longtemps; mais elle conservait toutes les habitudes de la jeunesse.
Одна держала банку румян, другая коробку со шлилъками, третъя высокий черец с лентами огненного цвета.
Графиня хе имела ни малейшего притязания на красоту давно увядшую, но сохраняла все привычки своей молодости.
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En effet, Lisaveta Ivanovna était une bien malheureuse créature ! Le pain de l’étranger est amer, dit le Dante, et les marches de l’escalier d’autrui sont pénibles à monter. Et qui pouvait mieux savoir l’amertume de la servitude, que la pauvre élève de la noble comtesse *** ? Certes, la comtesse n’avait pas l’ame méchante, mais elle était entière comme une femme gâtée par le monde, avare et absorbée par le plus froid égoïsme, comme toutes les vieilles gens qui au temps passé ont aimé et beaucoup, et qui sont étrangers au temps présent qu’ils ne comprennent plus. Elle prenait part à toutes les futilités du grand monde, se traînait à tous les bals et figurait là, toujours assise dans un coin, couverte d’une couche de rouge et habillée à l’antique. — C’était un monstrueux et indispensable ornement de toute salle de danse. — Chacun, en arrivant, par un reste d’usage, s’approchait d’elle et lui faisait un profond salut ; puis c’était fini pour la soirée, personne ne s’en occupait plus. Chez elle, elle recevait toute la ville, et cela avec la plus stricte étiquette ; mais c’était merveille, si elle reconnaissait quelqu’un et si elle n’embrouillait pas et les titres et les noms.

Son nombreux domestique engraissait, vieillissait, grisonnait dans ses antichambres, et ses femmes de chambre, ne faisant que leur volonté, la volaient à tour de rôle, et à qui mieux mieux. Il n’y avait que Lisaveta Ivanovna qui était le martyr né de la maison. Elle faisait le thé, et recevait force réprimandes et gronderies, parce que le sucre allait trop vite. Elle lisait à haute voix les romans, et se trouvait accusée et coupable de toutes les fautes de l’auteur. Elle accompagnait la comtesse dans ses promenades et était responsable de la rigueur du temps et de la dureté des pavés. Il lui était fixé des honoraires qu’on ne payait jamais en entier, et on exigeait d’elle qu’elle fût habillée de la façon la plus simple, c’est-à-dire la plus élégante. Dans le monde, elle jouait le plus triste rôle. Tous la connaissaient et personne ne daignait la remarquer. Au bal, elle ne dansait que s’il manquait un vis-à-vis, et les femmes ne lui parlaient et ne la prenaient amicalement sous le bras que s’il leur fallait aller dans la chambre de toilette pour arranger quelque chose à leur robe ou à leur coiffure. Certes, elle sentait bien sa triste position, la pauvre Lisaveta Ivanovna, et son amour-propre blessé attendait avec impatience un sauveur qui lui ferait prendre sa revanche ; mais les jeunes gens, calculateurs avant tout, avaient trop de froide vanité pour l’honorer de leur attention, et ils lui préféraient d’impertinentes et raides promise, mille fois moins jolies qu’elle. Aussi, que de chagrins, que de tortures ! et que de fois il lui arrivait de se glisser furtivement hors de l’ennuyeux et magnifique salon, et de s’en aller pleurer toutes ses larmes dans sa pauvre petite chambre, dont tout le mobilier ne consistait qu’en un misérable paravent de papier, une commode, un lit en bois peint, un petit miroir et une mauvaise chandelle qui brûlait d’une lumière triste et sombre dans un chandelier de cuivre.
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