Volonté de retourner à
Pouchkine, au XIXe, au fantastique... Je m'empare de ma vieille édition acquise à Montolieu, qui contient La Dame de pique et quelques autres
nouvelles, loin d'être toutes fantastiques, mais toutes très agréables et intéressantes pour diverses raisons. Quel plaisir de retrouver l'auteur fabuleux d'
Eugène Onéguine et son talent de conteur amusé et si émouvant.
Alors que je referme ce petit livre, La Dame de pique ne m'apparaît pas forcément comme la nouvelle la plus intéressante ou le coup de coeur du recueil. C'est une nouvelle fantastique typique de celles qu'on fait découvrir aux élèves de 4e en cours de français, avec
La Venus d'Ille de
Mérimée, La Cafetière de Gautier... Il est question ici d'une mystérieuse vieille comtesse qui possèderait des pouvoirs surnaturels pour deviner les cartes d'un certain jeu et gagner à coup sûr. Son petit-fils raconte son histoire à plusieurs amis, sans se douter évidemment des conséquences... Parmi eux, Hermann, voudra s'emparer de son secret coûte que coûte, avec une trajectoire ressemblant beaucoup à celle du Raskolnikov de
Dostoïevski plus tard. le personnage de Lise est assez touchant, mais l'analogie avec Raskolnikov, pour le coup, est le point le plus intéressant dans la nouvelle.
On a ensuite droit aux Récits d'Ivan Pétrovitc
h Belkine, un narrateur imaginaire inventé par
Pouchkine.
Le Coup de pistolet est une nouvelle tragique formidable qui reprend l'absurde du duel déjà mémorable dans
Eugène Onéguine, en l'incarnant dans un personnage terrifiant se prenant pour Dieu, victime d'hybris, persuadé qu'il possède entièrement droit de vie ou de mort (comme Raskolnikov, encore ?) pour son adversaire qu'il a un jour épargné. Les échos littéraires sont là aussi un régal pour le lecteur, avec un commentaire similaire de
Pouchkine vis-à-vis de la violence de cet affrontement en règle que l'on estime civilisé.
La Tempête de neige joue également avec le tragique, lorsque ce qui paraît être de jeunes amants maudits projettent de se marier en secret un soir et qu'une tempête de neige se met entre leurs destinées. le dénouement est pour le moins inattendu, et émouvant.
Le Marchand de cercueils est peut-être la plus anecdotique de l'ensemble. Un croque-mort, parce qu'il sera offensé lors d'une soirée mondaine, convoquera, dans sa colère alcoolisée, les défunts qu'il a enterrés, souhaitant leur compagnie plutôt que celle de ses voisins qu'il exècre. L'on devine la suite...
Le Maître de poste est une histoire où l'on verse à nouveau quelques larmes.
Pouchkine prend fait et cause, toujours avec son ton de conteur fait de remarques amusées mais attendries, pour la profession si méprisée des maîtres de poste, et relate l'histoire d'un pauvre ère dont la superbe fille fut un jour ravie par un visiteur, ce qui détruisit sa vie. La dernière scène sur la tombe est déchirante.
Enfin, la dernière nouvelle, et pas des moindres, nous fait retourner dans une romance rurale avec des descriptions mirifiques ramenant là encore vers la lecture d'
Eugène Onéguine et en plein romantisme.
La Demoiselle paysanne se trouve être, en plus d'une belle histoire d'amour, une sorte de pièce de
Shakespeare ou de
Marivaux, avec déguisements, impostures, jeux de rôles, de classes... Je me demande vraiment s'il n'y a pas d'inspiration directe des comédies du grand William ici.
En somme, un enchaînement de petites pépites, qui ne valent certes pas
Eugène Onéguine, mais qui ont leur intérêt et leur plaisir respectifs, où l'on se régale à retrouver l'auteur.