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3,89

sur 1385 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  


Bouleversant , étincelant , dense ... dense !

Après lecture , ne me viennent que des qualificatifs positifs pour parler de cette oeuvre impossible à résumer.
Elle gravite autour de son thème majeur , l'arbre et le vivant .
L'arbre et les siens . L'arbre et l'humain .

Symphonies poétiques et traités scientifiques s'entrecroisent pour servir la prise de conscience collective et ça donne une superbe mise en mots autour de huit nouvelles qui entrelacent leurs destins comme des racines .
Les arbres , comme des membres de la famille surgissent au coeur des récits .

L'utilisation constante d'un vocabulaire commun aux espèces humanise encore plus l'arbre : il vit , il est blessé , il communique , il meurt . On parle de sa chair , de sa peau etc...

" le comportement biochimique des arbres individuels ne prend sens que si on les envisage comme des membres d'une communauté ".
P.143

Derrière les textes ou les personnages , on perçoit l'ombre de Darwin , de Thoreau , de John Muir , de Abbey mais Powers creuse et creuse et argumente et prouve et matraque : le vivant sur cette planète est un tout , nous méprisons les intelligences végétales , nous avons rompu les liens puissants qu'avaient nos ancêtres avec la nature .
Et, je n'ai pas besoin de préciser que l'auteur va bien sûr s'étendre sur les conséquences des dégâts infligés à la biodiversité par ignorance , par cupidité , par indifférence.


Voilà bien une oeuvre salutaire , puissante : elle réveille les consciences , elle informe , elle conforte ou elle inquiète .
Mais , je dois dire que si cette lecture se grave dans la mémoire , elle requiert quand même un effort de concentration de tous les instants , avec , je le répète , des plages de plaisirs poétiques ou philosophiques : que dire du bonheur de rencontrer ici John Muir ...


Autre bienfait , j'ai regardé mes arbres chéris : les frênes qui font parfois trop d'ombre , les chênes qui ont transformé ma pelouse en tapis de mousse , le lilas mauve qui va chez le voisin , les sapins moches qui jaunissent ...
Vivez vos vies mes amours , je vous laisse aux oiseaux , Richard Powers vient de balayer un peu plus mes scrupules de mauvaise jardinière , vous avez juste à me tolérer parmi vous en me pardonnant le livre de papier que je lis sous vos branches.



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Qui sont-ils ?
Ils sont ceux que nous côtoyons pendant toute notre vie sans les voir vraiment… Ils ont été et sont encore nos meilleurs alliés, participant activement à notre évolution. Ils ont été l'outil principal qui a permis à l'humanité de découvrir le feu, puis l'écriture. Ils nous accompagnent toute notre vie en agrémentant notre confort mobilier. Depuis notre naissance jusqu'à notre mort où ils nous étreignent au fond de cette fosse pour une éternité, ils sont nos plus fidèles compagnons.
Ils nous nourrissent de leurs fruits, nous protègent de la chaleur de l'été, de la froideur de l'hiver, ils nous soignent.
Ils sont le poumon de notre planète. Ils vivent en sociétés, ils communiquent entre eux grâce à la merveilleuse chimie des phéromones, langage imperceptible que nous n'entendons plus.
Ils échappent à notre graduation du temps, un jour pour nous est une seconde pour eux.
Ils nous offrent le meilleur d'eux-mêmes et qu'en faisons-nous ? Parfois de belles choses qui les magnifient et qui nous grandissent, le plus souvent des copeaux, de la fumée, un génocide. Que pensent-ils de notre comportement, lorsqu'ils nous observent du haut de leurs siècles d'efforts pour entretenir une paix végétale, une harmonie biologique, nous activer à entretenir la fureur et le chaos ?
En réponse à cette nature belliqueuse et destructrice de l'homme, Richard Powers écrit : « Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous, les gars, c'est un jeu d'enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n'y aura plus personne pour vous emmerder. »
Evidemment, car ils étaient là avant nous et ils seront encore là après.
Qui sont-ils ? …Ce sont les arbres.
« L'arbre monde » est un panégyrique pour ce monde végétal ignoré. L'architecture de ce roman est bâti comme un arbre dont les racines sont les différentes vies de gens que rien ne prédisposait à faire se rencontrer mais dont les destinées vont s'entrecroiser pour finir par former un tronc commun, avec un philosophie environnementale et surtout la prise de conscience de la tragédie que l'homme est en train de provoquer.

Richard Powers écrit ce message d'espoir : « ce qui effraie le plus ces gens se muera un jour en miracle. Alors les gens feront ce que quatre milliards d'années les ont façonnés à faire : prendre le temps de voir ce qu'ils regardent au juste. »
Au milieu de cette cacophonie de vies fourmillantes qui s'entrecroisent il y a un sens caché qui dépasse, dont on devine le contour et va bien au-delà des intentions de l'auteur, une logique qui échappe à tout entendement humain. L'histoire se soustrait à son auteur, se dérobe, reprend sa liberté pour emmener le lecteur vers le constat de son déni de la tragédie qu'il porte en lui, sa propre disparition pour la survie du paradis duquel il a été chassé originellement. Nous sommes l'erreur dans la grande équation du Monde.
Au sortir de la lecture du roman de Richard Powers, il ne sera plus jamais possible de voir un arbre comme auparavant.
Rends-toi dans une forêt, choisis un arbre, pose tes mains sur son tronc et ralentis ta vie pour la caler sur la sienne afin d'entrer en osmose avec lui. Fait circuler tes pensées depuis les racines les plus profondes de cet auguste amphitryon jusqu'à ses feuilles les plus hautes perchées et prend conscience du monde dans lequel tu vis. Rends-lui hommage !
Traduction de Serge Chauvin.
Editions du Cherche Midi, 10/18, 738 pages.
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Un éco-roman sur la sauvegarde des arbres
*
Quand Léa, l'administratrice du Picabo Riverbookclub a proposé la lecture d'un roman américain dont le sujet principal est la forêt, j'étais toute excitée. Ayant lu récemment un essai sur la sylvothérapie ainsi que « les langages secrets de la Nature » du grand spécialiste des arbres, Jean-Marie Pelt, je ne pouvais qu'acquiescer pour une demande de lecture. Et quelques semaines plus tard, j'ai eu ce gros pavé « L'arbre-monde » dans mes mains. Une fébrilité toute religieuse.
*
Un plaidoyer pour tenter de rendre les hommes moins aveugles.
*
La trame du roman est originale puisque le premier chapitre débute par les Racines : 8 personnes, 8 vies déployées chacune à leur manière, ayant un lien plus ou moins fort avec un arbre. Des racines qui sortent du sol petit à petit, ces humains eux aussi à l'aube de leur vie. Une galerie de personnages émouvants, « exclus de la société », qui, pris isolément, sont indécis et perdus. Excepté peut-être Olivia, qui d'ailleurs fera le lien entre les deux chapitres.

Le Tronc, dont les Racines s'entrelacent pour s'unir en un destin commun. Et lequel est-il? Il est colossal, gigantesque, quelque chose qui dépasse l'Homme. Un combat essentiel de la cause environnementale : protéger ces grands arbres de la destruction de l'homme.

Alors, chacun de ces personnages va utiliser ses propres moyens pour s'engager dans un processus qui vise à changer nos mentalités. Certains passeront par l'activisme (l'écoterrorisme, le « squat » sur Mimas, le séquoia géant), l'élaboration d'un roman botanique, l'utilisation de la technologie informatique… Mais tous utilisent leur puissance et leur volonté, et là on voit bien la similitude avec le fonctionnement d'une communauté sylvestre.

Puis le troisième chapitre qui déploie tous ces humains vers la confrontation, la résilience, comme l'arbre qui se prolonge jusqu'à sa cime.
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Un roman didactique dont l'Arbre est au coeur d'un problème mondial: que l'espèce humaine massacre le règne végétal sans vergogne, sans aperçu sur le très long terme.
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Un texte dense, touffu rempli de citations et d'informations botaniques (je précise, au passage, que ces données sont entièrement exactes).

Pat la botaniste est celle qui nous apprend par exemple que « même des arbres d'espèces différentes forment des partenariats. Si on abat un bouleau, un sapin voisin peut en souffrir. » , « Rien n'est moins isolé, plus sociable qu'un arbre », « Un arbre mort, c'est un hôtel infini (pour les organismes vivants) ».

J'ai aimé son amour inconditionnel pour les arbres. Je me suis très vite identifiée à elle.

Les arbres ont également une voix au chapitre. Par leur présence silencieuse, leur quasi -immobilisme et leur assise ancestrale, ils sont les héros de cette tragédie.
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Parlons du constat final: la situation globale est catastrophique et terrifiante. Je pense que c'est un roman qui sert de plaidoyer, de lanceur d'alerte pour toutes les générations à venir. Un brin pessimiste et réaliste mais aussi optimiste si on sait où regarder d'une manière attentive, si on réapprend l'humilité , peut-être que tout ne sera pas perdu.
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L'auteur a réalisé un énorme travail documentaire, avec des touches de poésie ainsi qu'un souffle romanesque. Et avec beaucoup de conviction qui je l'espère, aboutira à « l'éveil des consciences ».

Je ne peux que vous le conseiller. C'est même « presque » une obligation de le lire 🙂
*
Ce matin, justement, j'ai fait un câlin à un épicéa. Et j'ai regardé le sol , là où grouillent tous ses compagnons/auxiliaires. Et j'ai remercié toute la forêt, car sans elle, nous n'existons plus.
*
« Vous et l'arbre de votre jardin êtes issus d'un ancêtre commun (et) aujourd'hui encore vous partagez avec cet arbre le quart de vos gènes. »
Lien : https://red2read.wordpress.c..
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Comment résumer ce roman arbre, ce roman forêt, ce roman monde, ce roman du vivant. Au début il y a neuf histoires, neuf racines mères puis des personnes humaines qui se dessinent.

Un artiste en marge, dernier descendant d'une famille qui planta le premier châtaignier dans l'Iowa occidental, un vétéran de guerre qui doit sa survie à un figuier banian, une étudiante en rupture qui entend des voix et semble communiquer avec le vivant, un petit génie de l'informatique rendu tétraplégique en chutant d'un arbre qui crée un jeux vidéo sur la biosphère et ses écosystèmes qui le rendra milliardaire, une garde forestière, docteur en sylviculture qui, par ses observations, prouve que les arbres communiquent entre eux…

Tous ces personnages et d'autres encore vont se rencontrer et devenir parfois contre leur gré des acteurs actifs dans la lutte pour sauver les forêts primaires d'Amérique.

Quatre chapitres : racines, tronc, cimes et graines : promenons-nous dans les bois tant que l'humain n'y est pas.

"Notre cerveau a évolué pour déchiffrer la forêt. Nous avons façonné et été façonné par les forêts depuis bien plus longtemps que nous ne sommes des Homo Sapiens. Les hommes et les arbres sont des cousins moins éloignés que vous ne croyez Nous sommes deux créatures écloses de la même graine, parties dans des directions opposées, et qui s'utilisent mutuellement dans un monde partagé. Et ce monde a besoin de toutes ses parties. Et pour notre part nous avons un rôle à jouer dans l'organisme qu'est la Terre"

Qualifier « L'arbre monde » de fable écologique ou de roman militant serait tellement réducteur. Richard Power embrasse des destins humains et les lient à jamais avec les destins des arbres.

Dans une prose romanesque et subtile il réussit à nous entrainer sous des frondaisons poétiques qui embaument la mousse, les lichens, l'humus, et dans la touffeur des sous-bois le lecteur s'abandonne à la littérature.

Un très grand roman visionnaire que marquera son temps.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Il y a tout d'abord le titre « l'arbre monde » qui nous ouvre tout un univers, ensuite la couverture du livre avec ces troncs gigantesques qui s'élancent vers la lumière à travers la canopée, et puis le thème si vaste de l'arbre, bien-sûr. Il n'en fallait pas plus pour me donner envie de m'enfoncer dans cette forêt littéraire.

Au-delà du thème de la protection de la nature, il y a le militantisme de Richard Powers qui s'exprime au travers ses neuf personnages. Tous vont partir vers la Californie pour sauver un immense sequoia qui doit être abattu comme ses congénères. Á travers cet arbre symbolique, c'est le destin des forêts primaires d'Amérique qui se joue. Tous ces personnages sont différents et complémentaires, on trouve parmi eux un artiste, un ancien vétéran, un informaticien, une étudiante un peu paumée et une garde forestière spécialiste en sylviculture. C'est l'amour des arbres, la prise de conscience écologique qui les a réunis et leurs histoires vont converger vers le sequoia où va se jouer leur destin
L'histoire suit le schéma de l'arbre puisqu'il y a quatre chapitres : racines, tronc, cimes et graines. C'est aussi le prétexte pour nous raconter la spécificité de chaque arbre, et leur histoire mêlée à celle de l'Amérique.
J'ai beaucoup aimé les descriptions poétiques des arbres, par exemple lorsque l'auteur dit du hêtre noir qu'il est « élégant, avec ses branches solides qui ressemblent tant à des bras et dont les pointes s'élèvent comme des mains en offrande »
Richard Powers nous explique la portée de l'arbre et du vivant dans notre vie d'adulte. Il se sert de la fiction à travers une fable écologique pour nous faire prendre conscience de l'importance des forêts et de l'enjeu qu'elles représentent. Il affirme même que l'arbre fait partie de notre famille : « Vous et l'arbre de votre jardin êtes issus d'un ancêtre commun et aujourd'hui encore vous partagez avec cet arbre le quart de vos gènes. »
On sort secoué de ce roman, et on ne regardera plus jamais les arbres de la même manière, ce qui n'est que justice au vu de tous les bienfaits qu'ils nous apportent. Alors, tous militants pour sauver les forêts ?
Hélas ! Un roman ne saurait suffire, mais c'est déjà une petite graine qui ne demande qu'à germer.


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Troisième lecture de Richard Powers, et encore une fois, je ne sais comment aborder ici le livre fabuleux, incroyable que je viens de lire. Je regarde la couverture, des cimes d'arbres prises en contre-plongée qui finissent par se rejoindre par les effets de la perspective. de la même manière, dans le roman, les arbres sous terre forment un immense réseau pour finir par ne faire plus qu'un tout. Eloignés en apparence, géographiquement et par l'espèce, ils communiquent entre eux par ce réseau gigantesque.
Si je prends un peu de recul sur les trois oeuvres que j'ai lu de Powers, j'en arrive à la même conclusion: dans son cerveau à lui, tout ce qui constitue le monde, la nature, la technologie, les arts, le temps, les cultures, tout est lié en un grand tout qu'il s'efforce, au fil de son oeuvre, d'écrire. Peut-être est-ce mon esprit embrumé de lendemain de fête qui me fait dire ça??
Dans ce roman aux multiples ramifications qui finissent, d'une manière ou d'une autre, par se rejoindre, Powers développe magistralement tout ce qui touche à l'arbre: on en ressort changé, avec l'envie irrépressible de télécharger une appli sur les arbres, d'acheter une maison avec un immense jardin sauvage, voire à carrément prendre quelques vivres et s'installer en forêt jusqu'à la fin de ses jours. D'autres auront peut-être envie de rejoindre les pacifistes / ou terroristes défenseurs de séquoïas en Oregon.
Bon… en fait c'est un livre immense, dense, hypnotisant, mystique, scientifique, humaniste, pessimiste qui m'a transformée, un petit peu, peut-être beaucoup, cela dépendra de ce qui germera de la graine qu'il a semé en moi. J'aime j'aime j'aime Richard Powers.
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Sur la couverture, des troncs vertigineux, ancrés à la terre, élancés jusqu'au ciel, m'invitent à entrer. Je feuillette. Ça gazouille, ça murmure, ça goutte sur une fréquence si basse que je ralentis le temps pour ne pas en perdre une graine.
Je grimpe, m'assieds sur une branche, suis une histoire, puis m'accroche à une autre, puis encore, jusqu'à la cime. Là-haut sur l'Arbre, j'entends la respiration du Monde, comme à l'aube des temps. J'écoute l'incroyable aventure de la vie. Et puis tout à coup le tronc du Monde est secoué, balafré à coups de haches. La forêt craque, mon livre se consume, s'essouffle. le ciel est nu, il ne bruisse plus, ne gazouille plus. Je tombe.

Ce livre si touffu, aussi dense qu'une forêt sauvage, qu'on a envie de s'y promener à nouveau une fois la dernière page tournée. Il me raconte une histoire. Celle où l'homme perdra à vouloir tout gagner. Celle où la nature l'ignorera pour renaître encore.

Une histoire qui finirait peut-être comme ça pour l'homme s'il continue à être avide d'éphémère :

Sous le ciel sale

— le voilà.
— Qui ça ?
— L'homme.
— Il a pas l'air frais.
— Meurt de froid.
— Hein ?
— Il meurt de froid ! T'es dur de la feuille ou quoi Doug !
— Chut !
— Oh tu sais il nous a déjà repérés.
— Faudrait qu'on se camoufle Hans, ça craint.
— Comment veux-tu, il neige plus avec ce froid d' canard.
— Y'a plus d' canards Hans.
— Je sais bien… Il les a mitraillés.
— Qui ça ?
— Ben l'homme tiens !
— Nan c'était pas lui, c'était son gamin. On le voit plus celui-là, tu crois pas que…
— Si.
— Tu me fous la trouille là Hans.
— C'était à prévoir. Tu sais Doug, la faim grignote le cerveau. Et puis son coeur à cet homme, comme la terre qui craque là, sous ses pas qu'avancent vers nous, eh ben il s'est comme qui dirait, fendu.
— Je crois que c'est mon tour Hans.
— T'inquiète pas, il va juste te prendre un morceau. D'abord t'as les bouts gelés, tu sentiras rien. Allez souffle un bon coup petit, ça va passer. Après il va se barrer ce couillon pour allumer son feu.


*****


— Hey Doug ! T'es pas mort, dis ?
— Nan tu vois bien, je remue. Enfin, ce qu'il me reste.
— Ça va cicatriser petit, faut juste que t'y penses pas trop…. Il se lève.
— Qui ça ?
— Mais le vent, tiens ! Tu l' sens pas ?
— Si, ça commence à mordre. Pourvu qu'on tienne le coup. T'as vu, y'a plus rien à l'horizon, que du ciel sale. Et nous on attend là sans pouvoir bouger, on attend que…
— Arrête Doug ! Tu t'fais du mal. Si ça s'trouve l'homme il va crever avant nous.
— Hmm…


*****


— Tu dors Hans ?
— Nan nan, j'regarde les étoiles.
— Moi, plus je les regarde et plus je me sens seul. Elles peuvent bien être des forêts à scintiller là-haut, y'en a pas une qui viendrait nous secourir. Hein Hans, t'en penses quoi ?
— Que t'es pas si con que t'en as l'air petit.
— T'as vu, la cabane ne fume plus... Dis Hans, tu crois que je vais mourir demain ?
— Demain ou un autre jour, faudra bien mourir Doug.
— Oui, mais pas comme ça.
— Regarde Doug, une étoile filante.
— Ben vas-y te gêne pas, fais un voeu !
— T'es con.


*****


— Hey Hans réveille-toi ! Tu sens cette odeur infecte ?
— Oui. Il empeste.
— Je crois que c'est ma fin.
— Sois courageux Doug. Dis-toi que toi au moins tu ne seras pas le dernier arbre sur terre. Tout seul à regarder les étoiles, avec pas une feuille pour trembler avec moi, et tout ça par la faute de ce couillon !
— Adieu Hans.
— Adieu mon frère.

CRRR…RAC !!
Le cri de Doug balafre le ciel soudé à la terre par une poussière sale. Il tombe dans un bruit de cercueil. Plus un oiseau pour s'envoler. Qui l'a entendu ?


*****


L'homme traîne Doug par le tronc. Il glisse à plusieurs reprises sur le sol dur comme pierre. Il tousse en laissant échapper des nuages dans l'air tranchant, crache des caillots de sang. Sa barbe de vieux avant l'âge mange son visage, ses yeux jaunes et chassieux errent dans la fièvre de son âme. Dans la cabane le thermomètre affiche – 15°. Demain l'homme, ce plus grand sereal killer de tous les temps, mourra. Et la terre s'en remettra.

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Ce que j'ai ressenti:

Écoute, il faut que tu entendes ça…C'est peut-être la seule chose qui devrait être écouté d'ailleurs à mon humble avis, les mots d'avant les mots et l'arbre qui nous parle dans ce langage-là. C'est peut être fou, c'est peut être follement romantique, c'est peut-être cruellement poétique, mais cela sonne avec de fatals accents de vérités. À n'importe quel arbre, tu peux te raccrocher parce que c'est de la vie à pleine puissance, de la vie dans un silence hyperactif, de la vie qui donne la vie, et même dans la mort elle est vie, alors tu comprends que les arbres sont notre plus beau trésor, un cadeau de la vie….Pendant des années, l'homme a ignoré le pouvoir de la forêt…Grâce à ce roman polyphonique, tu vas entendre plusieurs voix qui rendent hommage à un arbre, tu vas suivre plusieurs voies qui mènent vers ce cheminement de la conscience des arbres, et peut-être bien que tu feras quelque chose de beau après cette lecture…Peut-être même que ton écoute changera, que ton oeil ne sera plus aveugle aux plantes, quand tu seras au coeur de la Nature…Peut-être que tu auras conscience de la conscience de tout être vivant…

"Qu'est-ce qui est le plus dingue : des plantes qui parlent, ou des humains qui écoutent ?"

L'Arbre-Monde, c'est un manifeste ou juste une prouesse littéraire pour comprendre que sans les arbres plus de monde, et dans la force de sa générosité, l'arbre restera toujours le soutien inconditionnel du monde des hommes. C'est une lecture exigeante, qui mérite un certain investissement personnel, parce qu'elle est plurielle…Tantôt romanesque, quelque fois documentaire ou encore essai, ce courageux parti-pris de cette diversité de genre, est une ode aux arbres, et c'est sublime. L'auteur pousse notre réflexion vers chaque partie de l'arbre, des racines aux cimes, de la graine au tronc, de l'écorce à la fleur, il multiplie les points de conscience pour nous sensibiliser sur la communication effective des arbres et réveiller notre instinct de survie, (s'il n'est pas déjà trop tard) afin qu'on les protège…L'environnement est en souffrance, mais l'homme fait encore la sourde oreille, et tue chaque jour, des arbres par milliers: c'est une réalité choquante. Alors c'est pour cela que je t'invite à entendre les arbres, même s'ils n'ont pas la même façon de parler que toi, ils te donneront toujours plus que ce que tu peux imaginer, ils ont une capacité extraordinaire qui dépasse l'entendement, et c'est ce qui m'a profondément chamboulée…

"Savoir de façon certaine ça n'existe pas. Les seules choses fiables, c'est l'humilité et un regard attentif."

Pour ma part, il y aura un « avant » et un « après » cette lecture…C'est plus qu'un coup de coeur puisque c'est un éveil intérieur qui se passe carrément du moindre mot. J'ai le coeur maintenant en arborescence pour L'Arbre-Monde, la sève et le sang en symbiose à l'intérieur… Je souhaiterai le recommander au plus grand nombre, en fait, si vous ne deviez n'en choisir qu'un cette année à lire, alors prenez celui-là! Prenez conscience de l'urgence d'en parler, de le soutenir et vous mobiliser pour L'arbre-Monde mais surtout pour tous les arbres du monde…

"Il y a un proverbe chinois : quel est le meilleur moment pour planter un arbre ?
Vingt ans plus tôt. »
L'ingénieur chinois sourit. « Pas mal.
_ Et à défaut, quel est le meilleur moment ?…Aujourd'hui."

Bien sylvement,

Stelphique.


Ma note Plaisir de Lecture 10/10
Lien : https://fairystelphique.word..
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Richard Powers communie avec la nature dans son roman « L'Arbre-monde« , hymne panthéiste aux facettes multiples et proprement miraculeuses. On est bluffé par l'ambition folle de ce roman somme qui dresse un tableau très percutant et lucide sur les dégâts provoqués par la surexploitation des domaines forestiers aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Nous suivons les destins de neuf personnes qui vont converger vers la Californie, où un séquoia est menacé de destruction. La catastrophe est imminente et Richard Powers est ainsi sans concession avec les multinationales qui engrangent des bénéfices sur l'instant, sans envisager une seule seconde, la question de l'avenir des grandes forêts qui rétrécissent à vue d'oeil. Avec la disparition programmée des forêts, c'est tout un écosystème dont nous effleurons à peine toutes les potentialités formidables, qui se voit menacé d'extinction. L'heure est grave et l'auteur de sonner le tocsin en nous racontant le combat, la lutte acharnée de ces écologistes prêt à sacrifier leur vie pour mettre fin à cette destruction, qui met en péril l'avenir même de l'humanité. Avec fulgurance et dans un style admirable, flamboyant, Richard Powers tisse une histoire tentaculaire où chacun à sa façon, selon ses qualités, son parcours, ses failles, tente de tisser un lien avec la nature qui se distend. le parallèle entre l'arbre de la forêt qui forme un monde tentaculaire où chaque être, même le plus infime à son rôle et sa place, et l'espace infini du web et l'hyper connectivité d'un monde de plus en plus virtuel, détaché de ces racines, celles de la nature exubérante, protéiforme et luxuriante, est très juste. Notre monde voit des bouleversements colossaux se dresser et des défis écologiques majeurs à affronter dans les prochaines décennies. L'auteur questionne ainsi notre rapport au monde et à son poumon qu'est l'arbre constituant les cathédrales de verdures. Cette symphonie, cette célébration de l'arbre en tant qu'entité vivante en voie de disparition, menacé par la pression croissante d'un monde devenu fou, est passionnante. On apprend beaucoup d'éléments sur ces écosystèmes. Érudit sans être redondant, « L'arbre-monde » est un drame en plusieurs actes d'une beauté stupéfiante, d'une richesse, d'une vérité qui suscite chez moi l'admiration. Peu d'écrivains sont de taille à concevoir et mener à bien un tel projet d'écriture. Richard Powers prouve, s'il en était besoin, qu'il fait partie des géants de la littérature américaine ! Une oeuvre admirable pour ceux et celles qui souhaitent réfléchir aux conséquences désastreuses de cette marche en avant suicidaire d'un monde brûlant ces propres vaisseaux et sombrant avec eux. le cataclysme peut bien advenir pour l'humanité, mais depuis les souches pourries, les vestiges des forêts d'autrefois, sous la terre, la vie déjà reprend ses droits. Car nous ne sommes que de passage.. Si vous voulez en apprendre davantage sur le drame écologique qui se joue actuellement, nul doute que la lecture du dernier Richard Powers vous sera salvatrice. Ce brûlot aux ambitions vertigineuses est, à mon sens, une œuvre incontournable et nécessaire. Un viatique écologique qui nous fait prendre la juste mesure de ce que nous risquons de perdre si nous ne prenons pas conscience du péril imminent qui nous guette. Richard Powers fait avancer la cause écologique. Il convient de souligner également qu’avec « l’Arbre-monde », Richard Powers s’est vu décerner en novembre 2018 le Grand Prix de littérature américaine, avant de se voir récompenser, dans la catégorie fiction, au mois d’avril par le prestigieux Prix Pulitzer 2019. Deux récompenses majeures qui soulignent, s’il en était besoin, combien Richard Powers est un immense auteur américain. Je ne peux que vous recommander chaudement « L’Arbre-Monde ».
Lien : https://thedude524.com/2019/..
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Mélange de fantastique et de problèmes contemporains, richesses méconnues des arbres et déforestation sauvage.

Des chapitres distincts présentent chacun des personnages et leur rapport avec la nature. Certains se croiseront ensuite, mais leurs parcours illustreront un éventail de réactions : des activistes qui iront jusqu'au crime, un psychologue qui réfléchit sur le phénomène des croyances et des solidarités, une chercheuse en biologie, un avocat du droit de propriété, un informaticien qui rêve de mondes possibles.

L'histoire se passe aux États-Unis où des forêts originelles sont menacées. Abattre un arbre qui vivait déjà au temps des premiers chrétiens, ça devrait nécessiter un minimum de respect…

Le roman se nourrit aussi des réalités scientifiques de pointe : communication entre les arbres, alliances souterraines, etc. Il rappelle que « Vous et l'arbre de votre jardin êtes issus d'un ancêtre commun, aujourd'hui encore vous partagez avec cet arbre le quart de vos gènes. »

De nombreuses espèces sont menacées de disparaître et cela pourrait être une tragédie pour l'humanité. On oublie facilement que c'est le saule qui nous a donné l'aspirine. Combien de substances, de possibles médicaments peuvent encore se cacher sous les écorces?

Un roman touffu, une brique de plus de 700 pages, une lecture exigeante, car il n'est pas toujours facile de suivre les voies parallèles des nombreux personnages.

Un livre qui peut nourrir l'éco-anxiété en évoquant les menaces qui pèsent sur l'avenir de la planète, mais qui souligne aussi le bien-être qu'apporte la nature.

Un roman qui change les perceptions, on ne se promène plus en forêt de la même façon après l'avoir lu.
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