Comme une bonne élève sachant qu'elle avait affaire à un géant, j'avais noté les noms de toute la généalogie des Hoel les premiers et les seuls à avoir fait fructifier un châtaignier, arbre unique en son genre, millénaire, photographié pendant des générations chaque année. Puis, puisque
Richard Powers énumère les différentes racines, les noms de ces arbres naissants, graines ou pédoncules, et les noms de ces personnes qui y sont rattachés.
Tous, qu'ils soient ingénieurs, informaticiens, sculpteurs, avocats, femmes d'affaire, tous ont un lien avec un arbre, tous ont été « appelés » par des arbres : des trembles, dont les feuilles bougent même s'il n'y a pas de vent, des kapokiers*, recouverts d'épines pour repousser des ennemis disparus de la terre, des hêtres noirs, le banian* qui sauve la vie de Pavlicek au Vietnam, le pipal*, l'épicéa géant, le séquoia énorme, le chêne aussi où monte le petit Neelay , et d'où il chute …. Et se retrouve en chaise roulante.
Il y a des morts parmi toutes ces familles et ces générations différentes.
Il y a des accidents, dans ces racines. Et un peu d'ironie aussi.
Enfin, arrivée au tronc, l'affaire attendue s'éclaire.
Richard Powers s'inspire de
Peter Wohlleben, qui a prouvé que les arbres communiquaient entre eux dans sa « Vie secrète des arbres ». Déjà
Francis Hallé avec son «
Plaidoyer pour l'arbre » avait dessiné les radicelles liant les arbres entre eux : oui, on sait que les arbres sont doués d'intelligence.
Je serai malhonnête si je disais que je me suis passionnée. Les phrases lyriques sur la beauté de la nature, oui. le constat qu'il faut la protéger, oui. La dénonciation des coupes « sous le manteau » de plus de 95% des espèces aux Etats Unis, encore oui. L'idée magique que les arbres vivent d'air et n'usent pas la terre, qu'ils envoient leurs signaux à leurs camarades à travers l'azur, un grand oui. La prescience que ce monde intelligent qui sait comment survivre nous appelle, encore un grand oui.
Nous avons la mission de préserver les arbres qui nous donnent l'air, la beauté, leur ombre, les feuilles d'automne que les écoliers collent sur leurs cahiers et parfois leurs fruits.
Mais quel ennui, ces longues énumérations des errements des protagonistes, lâchant tout car ils se sentent appelés sans savoir par qui, pour devenir Eco- terroristes. , sans vraie approfondissement botanique ; rien que des vies à côté, asociales, un peu autiste asperger (Adam,)comme si les hommes ne valaient rien, ce que Powers dit presque : le genre humain devant de toute façon disparaître, pas besoin de pleurer sur son sort.
« Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous les gars (= les arbres,) c'est un jeu d'enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n'y aura plus personne pour vous emmerder ».
« Une forêt mérite protection indépendamment de sa valeur pour les humains ».
Pourtant poétique, visionnaire, et en cela encensé par la critique et couronné du Pulitzer 2019, ce livre m'a saoulée, je n'ai jamais eu le bonheur de le retrouver quand je rentrais, comme un ami m'attendant. Je ne me réjouis pas si le genre humain venait à s'éteindre, pas plus que si les forêts étaient dévastées. Avec les * j'ai ajouté quelques détails personnels.
Cet avis, mon avis, je l'espère, ne sera pas partagé.
*J'ai un kapokier dans mon jardin, encore adolescent : il offre des fleurs comme des orchidées et fournit des grosses gousses dans lesquelles le faux coton a servi longtemps à remplir nos matelas.
*Le banian, arbre de Bouddha, sous lequel il a connu l'éveil. Il développe ses racines par les branches (symbole du lien entre monde céleste et monde terrestre) et s'étend tellement qu'il est appelé :l'arbre qui marche.
* pipal : sorte de ficus, sacré dans l'hindouisme. Les feuilles séchées que l'on vous donne, en Inde comme en Chine, doivent être conservées, bonheur assuré.