Lorsqu'on évoque la littérature, quelques grands noms émergent et pour peu que l'on soit francophone,
Marcel Proust fait l'unanimité. Que ce titan en vienne à s'ouvrir de ses lectures et
sur la lecture, l'amateur de belles lettres ne passe pas son chemin. La lecture est une amitié, bien sûr, on a même pensé placer la formule en épigraphe de son blog, mais quid de nos propres jours de lecture dans cette trentaine de pages ?
En 1905, dans la revue Les Arts de la vie,
Proust préface sa traduction du travail de
John Ruskin sur l'utilité de la lecture "
Sésame et les lys". Cet avant-propos est publié séparément avec le titre "
Sur la lecture". En 1919, il est légèrement remanié et titré
Journées de lecture dans le recueil "
Pastiches et mélanges" de la NRF. Les différences entre les deux documents résident dans un développement plus concis des derniers paragraphes de la deuxième mouture. Il semble que chez Librio les deux textes fassent partie d'un même volume. Je dispose quant à moi des deux versions numériques et du livre audio
Sur la lecture (éditions Theleme) dit par
André Dussolier.
Incomparablement stylé et juste,
Proust nous fait revivre une part d'enfance avec les livres, là où s'initia son art. Dès les premières lignes nous retrouvons les mêmes émotions livresques, partage d'une sensibilité qui est le ressort avec lequel il nous attache à son propos : "S'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis et avec l'espoir de voir reflété sur leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus."
Quand le livre prend un tour polémique et s'oppose aux vues de
Ruskin, l'esprit s'inquiète : n'est-on pas, dans une certaine mesure, un de ces lettrés fétichistes pour lesquels le livre est "...une idole immobile, qu'il adore pour lui-même, qui, au lieu de recevoir une dignité vraie des pensées qu'elle éveille, communique une dignité factice à tout ce qui l'entoure" ? L'ego questionné puis conforté, les pages peuvent s'ouvrir dans un abandon confiant, car on se sait entre de bonnes mains : lire heureux tout simplement.
La position de
Proust à propos de l'apport de la lecture s'éloigne, en l'approfondissant, de celle de
Ruskin : ce dernier y voit une conversation profitable avec un ami, une ouverture hors de soi ; le français y voit mieux une incitation à un questionnement qui nourrit la réflexion personnelle. La vérité n'est pas dans les livres, ils conduisent à celle de chacun.
Tout bonheur a ses ombres et je nourris quelques regrets avec
Journées de lecture acheté en numérique, certes pour une somme désuète, chez Fedbooks (réalisé par Publie.net). Deux passages sont tronqués de plusieurs lignes, donc incompréhensibles, engendrant une frustration légitime. J'ai trouvé gratuitement dans La bibliothèque électronique du Québec la version de 1905 avec des notes que ne propose pas la version achetée. Ceci m'a permis de compléter les paragraphes tronqués. Il est permis de s'interroger sur la qualité des textes numérisés mal (ou pas) vérifiés; coquilles et lacunes ne sont pas acceptables lorsque un livre électronique est destiné à la vente. Si l'on accepte de se passer d'un employé de relecture compétent afin de modérer le prix de vente, quelle image aura le document numérique aux yeux d'amateurs exigeants ? Il y a lieu de s'inquiéter.
Si vous ne l'avez pas encore lu, si vous n'avez pas chez vous ce Proust-là, ou si vous tenez à le redécouvrir, à l'isoler de la Recherche pour y revenir sur écran, il est sur
http://beq.ebooksgratuits.com/vents/proust.htm
en bonne et due forme. le maître a toujours à nous apprendre, à nous donner et il se relit comme une première fois.
Lien :
http://www.christianwery.be/..