Quand on écrit un roman, on peut tout se permettre. Etre un enfant ou un vieillard, un chien ou un extraterrestre, ou dans le cas du Voyant d'Etampes, Jean Roscoff un bobo des années 1980 et de la gauche mitterrandienne, qui a fait connu la Marche des Beurs, et milité à SOS racisme même si on est né en 1985 comme
Abel Quentin, nom de plume de l'avocat pénaliste, Alberic de Gayardon.
Jean Roscoff professeur de faculté à la retraite coche toutes les cases, divorcé, plus ou moins alcollique, père d'une fille lesbienne. Il parvient à publier en 2020 un essai sur un poète méconnu, américain et communiste, installé en France qui s'est tué dans l'Essonne en 1960 en voiture comme
Albert Camus cité à plusieurs reprises par
Abel Quentin.
Les notions de « racisé », « privilège blanc », « appropriation culturelle », « intersectionnalité », viennent sactionner son essai qui a le malheur de ne pas mentionner que Robert Willow est noir.
Pour n'avoir pas compris que les temps ont changé, le héros babyboomer blanc hétérosexuel, qui ne maîtrise pas les “éléments de langage” actuels et surtout les notions sociétales que ces éléments recouvrent se trouvent harcelé par les réseaux sociaux avant que ces media ne passent à autre chose.
Dans son livre très fouillé sur le plan documentaire et historique, l'auteur détaille les dérives des mouvements anti-racistes, décrit les magouilles des milieux littéraires, et évoque l'infinie bétise chargée de haine des des réseaux sociaux.
Pour autant, j'ai éprouvé un certain agacement à la lecture de cet ouvrage, qui a tout d'une leçon d'un jeune homme prétentieux sur lequel plane l'ombre de
Michel Houellebecq, leçon au vieux monde qu'il juge rabougri.
Les personnages secondaires sont tous caricaturaux, la fille lesbienne en ménage avec une psychorigide qu'on pourrait qualifier de staliniennne, l'ex-épouse bienveillante malgré tout, Marc l'ami de toujours, devenu brillant avocat ( un portrait en creux de l'auteur ?) l'éditeur enthousiaste puis lâche, le journaliste de télé retors.
Le livre, qui n'est certes pas un essai, manque d'une réflexion pertinente et profonde sur le mode de fonctionnement des médias aujourd'hui, le lynchage anonyme sur les réseaux sociaux, et sur l' équilibre nécessaire entre liberté d'expression, respect d'autrui, et nécessité de vérité.