Encore un souvenir scolaire : pour «
Britannicus » que nous apprenions en … (je ne me rappelle plus l'année mais c'était il y a longtemps) le prof avait amené un enregistrement de la
Comédie-Française, dans les années 60, (mise en scène de Michel Vitold avec
Robert Hirsch (Néron),
Annie Ducaux (Agrippine),
Michel Bernardy (
Britannicus), Danièle Ajoret (Junie),
François Chaumette (Narcisse), René Arrieu (Burrhus) et
Denise Gence (Albine), le top du top du best du nec plus ultra).
Littérairement parlant, l'interprétation théâtrale pose un problème paradoxal : est-ce qu'en « servant » un texte on ne le « trahit » pas ? Les intentions de l'auteur sont « interprétées » par le traducteur (pour les pièces d'origine étrangères), par le metteur en scène qui a « sa » vision de l'oeuvre, et par les acteurs qui ont une idée particulière de leur personnage, et qui s'y investissent personnellement. Discussion purement théorique : il faut juste penser qu'on ne vient pas voir «
Britannicus » de Racine, mais «
Britannicus de Racine interprété par la troupe de la
Comédie-Française » Pour le «
Britannicus » de Racine, lisez-le dans le texte. Et puis allez au théâtre. Vous doublerez le plaisir.
Surtout que le «
Britannicus » de Racine n'est pas une pièce anodine. Il est vrai que l'auteur, en appelant sa pièce «
Britannicus » ou bien nous fait un clin d'oeil, ou bien se plante lamentablement, car, reconnaissons-le, Bribri et Juju (
Britannicus et Junie) sont bien sympathiques, mais ils ne font pas le poids face aux deux poids lourds Néron et Agrippine. Ces deux-là sont les véritables personnages du drame : deux monstres : un bien en place, Agrippine ; un en train de faire une ascension fulgurante, Néron. Et ne nous leurrons pas : le sujet de la pièce n'est pas si Néron va évincer
Britannicus, on sait dès le début qu'il va le faire, il lui a déjà piqué sa nana. En plus, politiquement, il a tout à gagner à se débarrasser du jeune homme. le seul obstacle c'est sa mère. Celle-ci n'a rien à faire des deux jeunots, mais elle s'aperçoit que son influence sur son fils diminue d'acte en acte, de scène en scène et de presque de vers en vers. La mère et le fils s'affrontent à coups de perfidies, de mensonges de fausses accusations.
Britannicus et Junie seront les victimes collatérales de ce duel mère-fils. And the winner is… Néron. Après avoir menti à tout le monde, il prouve à sa mère qu'elle a enfanté un monstre (mais elle le savait déjà).
L'histoire romaine, pourtant riche en situations tragiques, n'a inspiré Racine qu'à deux reprises : «
Britannicus », la cinquième de ses douze pièces, et «
Bérénice » la sixième. Il est plus à l'aise dans la tragédie grecque (
Andromaque,
Iphigénie,
Phèdre) où les problèmes de coeur sont plus prégnants, et vont de pair avec une destinée soumise aux dieux, ces dieux qui se posent en régulateurs des humains. Dans l'Antiquité romaine, les affrontements s'exercent entre humains, sans interventions divine.
Racine on le sait est un poète. Mais ici le vers est au service de l'intrigue, ce qui fait de «
Britannicus » une tragédie moins « racinienne » que les précédentes. La tournure des vers, se calquant sur le tempo émotionnel des protagonistes se fait plus « cornélien » ce qui ajoute à l'intensité dramatique, surtout dans les situations paroxystiques entre Néron et sa mère.
A défaut de trouver l'enregistrement intégral de la pièce par la
Comédie-Française (évoqué plus haut), on peut trouver quelques dialogues sur you tube… ne vous en privez pas.