«
Le diable au corps » est le premier roman de
Raymond Radiguet, publié en 1923.
L'auteur utilise le passé simple presque tout au long de son livre, ce qui donne au récit son style volontairement classique.
C'est la chronique d'une passion brûlante dans l'ombre de la guerre que revit le narrateur devenu adulte.
Cette distance temporelle lui a permis de réfléchir sur ses contradictions et ses erreurs.
« Un dimanche d'avril 1917 », François, jeune homme de quinze ans, rencontre Marthe, une jeune femme de bientôt dix-neuf ans. Elle inspire d'emblée le désir de François. Il est subjugué par la sensualité et la beauté de Marthe. Elle est fiancée à un soldat parti au front qu'elle épousera bientôt.
François le collégien finit par séduire Marthe, et ils vont vivre une liaison passionnelle.
Un roman initiatique raconté à travers le regard d'un adolescent qui décrit toute la complexité des sentiments amoureux.
« (…) c'est en enfant que je devais me conduire dans une aventure où déjà un homme eût éprouvé de l'embarras. »
J'ai vu dans cet amour intense toute l'innocence de la jeunesse, et une certaine « insoutenable légèreté. » Un amour par avance condamné et au contour amoral.
Marthe et François vont vivre leur histoire exclusivement et sans concession. Ils se moquent des conventions sociales et de la morale bourgeoise, et s'abandonnent à leur désir avec une liberté qui scandalise.
Mais l'idylle entre les amoureux est troublée par leur entourage et par les enfantillages de l'adolescent. Sa naïveté, ses mensonges, ses faux-fuyants, démontrent qu'il est encore immature. Et Marthe, toute jeune aussi, méprisée de ses voisins, se montre d'une grande candeur.
Cette passion, vécue dans le sursis, suscite des réactions contrastées. Il y a le père de François qui se montre très tolérant, animé par une sorte de fierté masculine. Et cette scène burlesque où les voisins malveillants de Marthe organisent un repas pour laisser entendre aux invités les ébats des jeunes amants.
Mais le couple se révèle aussi inconséquent et cruel. François, par exemple, dicte à Marthe des lettres d'amour adressées au mari resté au front.
Et même si les obstacles font que François se sente homme, c'est son incapacité à prendre une chambre dans un hôtel parisien tant il est timide qui va sonner le glas.
Cet apprentissage de la passion amoureuse va prendre une tournure tragique.
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Le diable au corps » est publié le 10 mars 1923 par Bernard Grasset. Il est au centre d'une promotion spectaculaire et inédite.
« Le premier livre d'un romancier de dix-sept ans. » C'est ainsi que l'éditeur présentait
Raymond Radiguet quelques jours avant la parution de son roman.
Et c'est la première fois qu'un livre fait l'objet d'un « clip » qui sera projeté dans les salles de cinéma.
Si le roman est un grand succès en librairie, il sera aussi considéré comme scandaleux dans le Paris d'après-guerre.
Cette guerre - « 4 ans de grandes vacances » pour le narrateur – est considérée comme un prétexte pour écarter le mari trompé.
Ce qui choque, moins de cinq ans après la fin du conflit, ce n'est pas la liaison adultère, mais essentiellement le fait que les amants profitent de la guerre pour vivre leur passion.
J'ai trouvé ce livre sublime du début à la fin.
Raymond Radiguet, l'enfant prodige, mort en décembre 1923, a traversé le monde littéraire à la vitesse de la lumière. Un talent précoce qui n'a eu le temps que d'écrire deux romans et un peu de poésie.
Ce fut une lecture intense et inoubliable, tant l'auteur m'a impressionné par sa maîtrise de la langue et la modernité de ton.
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Le diable au corps » est un grand récit d'amour tragique, un chef-d'oeuvre plein d'insolence qui n'a pas pris une ride.
Incontournable.