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Citations sur Vie de Samuel Belet (19)

Entre temps, la paix avait été signée, mais pas avant que Paris n'eût été mis à feu et à sang par la Commune, et il y avait eu encore cela qu'après s'être battus contre l'ennemi, les français s'étaient battus entre eux. Des cadavres étaient entassés tout le long des quais de la Seine ; les feuilles des arbres, nouvellement sorties, avaient été coupées par la mitraille comme avec des ciseaux.
Les jeunes gens d'aujourd'hui ne pensent plus à ces choses et, quand on les leur raconte, elles ne les intéressent pas. Mais, nous autres qui avons vécu là-dedans, quel frisson, quand on y repense!... Ils brûlaient les livres, ils brûlaient les tableaux. Ils arrosaient les maisons avec du pétrole ; ils mettaient le feu aux maisons.
Tout cela pourtant fut vite oublié ; les morts pouvaient dormir tranquilles. Quant aux vivants, ils étaient tout heureux de reprendre leurs habitudes, en attendant le moment où elles leur déplairaient de nouveau, parce que tout est balancement, tout est recommencement dans le monde.


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Il y en a tant qui sont déjà morts quand la mort de la chair vient les prendre. Ils sont morts dans leur coeur depuis longtemps déjà, quand arrive la mort du corps; et c'est sur ce coeur que je veille, afin qu'il dure jusqu'au bout.
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Un dimanche, j'étais monté jusqu'à Blonay voir une maison qui avait brûlé. On entrait dans le printemps. Il y avait comme une mousseline verte autour des arbres, qui était les petites feuilles pas encore dépliées. La pente douce menait l'oeil jusqu'au lac un peu agité, et qui semblait couvert d'écailles. Il faisait tellement doux que j'avais ôté ma veste. Mais cette douceur n'était pas seulement dans l'air, je la sentais aussi qui m'entrait dans le coeur.

[C. F. RAMUZ, "Vie de Samuel Belet", 1913, IIème partie, chapitre V - page 731 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Je m'assieds sur le banc du milieu, j'empoigne les rames ; je tire dessus de tout mon poids, me renversant ; et eux alors, là-bas, n'est-ce pas ? Ils m'attendent et je me dis bien qu'ils me voient venir.
La terre m'a quitté, avec tout ce qui est petit ; je laisse derrière moi ce qui change pour ce qui ne change pas. Que je me tourne seulement un peu et la rive disparaît tout entière ; il ne reste plus que le ciel et l'eau. Encore est-ce la même chose à cause de l'image des nuages renversée qui se balance autour de moi, et ce bleu, aussi renversé, par quoi elle a une couleur.
Il n'y a plus de différence en rien ; tout se confond, tout se mêle ; est-ce au-dedans de moi ou au-dessous que je regarde ? Mais ils sont là et je les vois. Je ne suis plus jaloux ; eux, ils n'ont plus peur. Au lieu de reculer, ils se soulèvent sur le coude ; moi, je me penche encore un peu.

[C.F. RAMUZ, "Vie de Samuel Belet", 1913, IIIème partie, chapitre III - page 834 de la réédition La Pléiade "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Je voyais que le malheur est comme un acide qui ronge en dedans, jusqu'à ce qu'il ne reste plus de nous qu'une espèce de coquille.
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Il n’y a plus de différence en rien ; tout se confond, tout se mêle ; est-ce au dedans de moi ou au-dessous que je regarde ? Mais ils sont là, et je les vois. Je ne suis plus jaloux ; eux, ils n’ont plus peur. Au lieu de reculer, ils se soulèvent sur le coude ; moi, je me penche encore un peu. Ils sont tous là, comme je dis. C’est ma chère maman qui est morte quand j’étais petit, et je l’appelle encore maman comme quand j’étais petit ; c’est M. Loup qui a été bon pour moi et pour qui je n’ai eu que de l’ingratitude ; c’est Adèle, la pauvre Adèle ; c’est le petit Henri que je n’ai pas su aimer quand j’aurais dû et je n’ai pas su le retenir près de moi quand j’aurais dû, alors il est sorti de la vie ; mais c’est surtout toi, Louise, parce que tu es quand même, parmi tous et toutes, la plus chère et douce à mon cœur. Toi non plus, je n’ai pas su t’aimer, du moins comme il aurait fallu ou comme tu aurais voulu ; je t’ai aimée à ma manière, non à la tienne ; je n’ai jamais pu m’oublier ; et ainsi tu te tourmentais, cherchant à me cacher ta peine, mais je le voyais bien quand même ; et c’était vers la fin, tu sais, pourtant tu ne te plaignais pas. Mais tu es là, et il n’en faut pas plus. Vois-tu, tout est changé, je ne suis plus le même. Je n’ai plus cet air sombre, je n’ai plus ces silences, ce pli entre les yeux ; je suis devenu le vrai Samuel ; je t’aime maintenant, Louise. Et c’est pourquoi plus rien ne nous sépare, quand je regarde ainsi et me penche vers toi, et vers tout mon passé vivant, et cette eau claire où tu te tiens ; et je dis : « Souris-moi » parce que tu sais, toi aussi. Et, toi aussi, tu te soulèves ; il me semble que je te vois monter hors de la profondeur vers moi ; je me penche davantage, tu t’élèves toujours plus ; et nos lèvres alors se touchent et ma main va dans tes cheveux.
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Crois-tu que j'y sois plus habitué que toi, au bonheur ? Il faut être plus simple que ça... C'est comme les visites, le bonheur; il faut bien le recevoir, sans quoi il ne revient pas...

p. 231
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Elle m'était entrée dans le cœur sans que je m'en fusse aperçu, c'est la meilleure façon. Elle avait ouvert la porte si doucement que je n'en avais pas entendu le bruit ; la porte s'était refermée. Et, quand même j'étais si fatigué, le soir, que j'avais grand-peine à tenir mes yeux ouverts, cette présence, que j'ai dite, faisait que régulièrement je m'asseyais à ma petite table. Il me fallait un grand effort, mais tout m'était facile et tout m'était plaisir, quand je me disais : « C'est pour elle. »
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Il ne me reste qu’à attendre et à vivre de mon mieux jusqu’au terme fixé. Car l’essentiel est qu’il faut vivre quand même et il faut mourir encore vivant. Il y en a tant qui sont déjà morts quand la mort de la chair vient les prendre. Ils sont morts dans leur cœur depuis longtemps déjà, quand arrive la mort du corps ; et c’est sur ce cœur que je veille, afin qu’il dure jusqu’au bout.
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Il m'a fallu du temps, je sais bien, puisque c'est même là toute mon histoire, mais est-ce qu'il est jamais trop tard? Chaque pas que j'ai fait a été comme quand, avec les yeux, on va d'une lettre à l'autre dans les livres; prises séparément, elles ne sont rien, et les mots eux-mêmes ne sont rien; on doit aller jusqu'au bout de la phrase: c'est au bout de ma route que le sens est venu.
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