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« Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, ou perdre en un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir ….
TU SERAS UN HOMME MON FILS »

Lorsque j'ai refermé ce livre, ce sont les vers De Rudyard Kipling qui me sont venus à l'esprit. Ce poème va comme un gant au narrateur Samuel Belet.

Publié en 1913, ce récit, au caractère initiatique, raconte l'histoire d'un jeune vaudois, Samuel, né en 1840 à Praz-Dessus, orphelin de père à l'âge de dix ans, il connait, cinq ans après, la douleur de perdre sa mère. Il est alors placé, par son oncle, chez un riche paysan comme garçon de ferme. Devant ses qualités intellectuelles, entre deux besognes, Monsieur Loup, ancien régent (instituteur), l'aide à étudier et Samuel, encouragé par ce dernier, espère lui aussi devenir Régent. Il découvre ses premiers émois amoureux auprès de Mélanie. Dans l'espoir de pouvoir obtenir la main de la demoiselle, il quitte la ferme pour un emploi de commis à la Ville chez un notaire.

Malgré tous ses malheurs, Samuel est un garçon plein d'enthousiasme devant la vie. Il se dit « simple de coeur » ce qui n'a rien à voir avec simplet mais l'expression est jolie pour dire toute sa fraîcheur. Pour les beaux yeux de sa belle, Il lit et continue d'étudier tard le soir. Mais voilà, Mélanie lui est infidèle et toute sa vision de l'avenir va s'en trouver bouleversée. Il est tellement malheureux, tellement désemparé, dans sa tête, il se fait comme une injonction : « Tu es un paysan Samuel et tu resteras un paysan, il te faudra gagner ta vie ».

Samuel décide de partir, il part à l'aventure, droit devant lui et pour se nourrir, il va vivre de petit métier en petit métier, jusqu'à devenir maçon charpentier.

A chaque endroit où il réussit à s'établir, il ressent le besoin de tout laisser et de repartir comme si quelque chose l'incitait à fuir. On peut y voir le perpétuel refus ou la peur de l'attachement.

Samuel est un homme libre, il conserve son esprit critique, il aime le travail bien fait, il a la reconnaissance de ses patrons, l'amitié a du sens pour lui.

De paysages en paysages, de métier en métier, Samuel arrive à Paris. Mais là encore, poussé par la guerre franco-prussienne, Samuel reprend son chemin.

Son pays, son lac lui manque, il éprouve le besoin de revenir en Suisse. Arrivé à Vevey, il décide de se poser. Il va enfin connaître plusieurs années de bonheur en compagnie d'une jeune veuve, mère d'un petit garçon, Louise à laquelle il va dire « c'est comme les visites le bonheur, il faut bien le recevoir sinon il ne revient pas ».
Et pour illustrer cette citation de Prévert, « On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait quand il s'en va », le destin va lui infliger une nouvelle et monstrueuse épreuve.

il finira sa vie dans la paix du coeur et de l'âme au bord du lac Léman comme pêcheur.

C'est beau, c'est très beau ! J'ai aimé le style, c'est une belle écriture poétique, toute simple, mélodieuse, imagée et sous cette apparence de simplicité, il y a une fine analyse psychologique de ces toutes petites gens de la campagne avec leur bon sens des gens de la terre mais aussi avec leurs imperfections.

L'écriture de Ramuz m'a rappelée les expressions que j'entendais chez mes arrières grands-parents et mes grands parents paternels. Il y a cette humilité face à la nature, face au lac, à la montagne.

Pour exprimer les sentiments, tout au long du livre, Ramuz procède par analogie avec la nature. Par exemple lorsque Samuel découvre l'infidélité de Mélanie.

« Il ne resta en moi qu'une grande place brûlée, comme celle qu'on voit dans les champs après qu'on a arraché les broussailles et on les met en tas et on y met le feu ; ».

Voilà, je ne sais si je vous ai donné envie de lire Ramuz mais son écriture m'a parlée, elle recèle tellement d'authenticité, loin du tumulte des livres médiatisés, c'est un vrai retour aux sources.

Charles-Ferdinand Ramuz m'était totalement inconnu à ce jour, je remercie Dourvach et Michfred pour leurs chroniques qui furent de belles incitations à le découvrir.
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Une écriture paisible, large, forte, qui laisse passer l'air.

Une vie humble, pleine d'épreuves, jalonnée de pertes - mais dans les mailles hasardeuses de son filet , que de poissons, brillants comme des pépites!

De quoi donner un sens à la souffrance d'une vie.
De quoi parler de joie, malgré la mort, la solitude ou le malheur.

Impossible de résumer à quelques lignes factuelles ce grand roman paysan et montagnard, si ancré dans le pays de Suisse romande, et pourtant si universel, si élevé,  si aérien.

 Si existe-en-ciel.

Essayons quand même. Samuel Belet est orphelin très jeune: sa pauvreté, sa solitude le désignent à une vie d'exploitation et de labeur obscur. Pourtant il y a quelque chose en lui qui le porte au travail bien fait, à  la joie d'apprendre, d'aller de l'avant et de s'élever.

Ses maitres l'apprécient, louent son sérieux, son ardeur à  l'ouvrage. Déjà le régent -l'instit' du village- entrevoit pour ce petit paysan courageux un autre avenir que celui de journalier ou d'ouvrier à tout faire...mais le destin met sur sa route une jolie fille, coquette, rieuse et tellement plus légère que le grave Samuel...il l'aime , elle le quitte.

Toute cette ligne de vie bien tracée et opiniâtre se brise. Samuel quitte son protecteur, son maître, son village, ses amis et se livre au hasard avec ses mains habiles et son coeur pur. Mais sans cette confiance , sans cet optimisme qui lui donnaient des ailes.Samuel ira se frotter à la grande ville, et verra, sans la comprendre, la Commune de Paris. Il aura d'autres amours, d'autres amis. Mais pour mieux revenir au pays.

Un roman de formation régionaliste alors? Pas du tout.

Revenir , mais histoire de boucler la boucle, de ne pas laisser le hasard signer au bas du parchemin. Lentement, ses amitiés, ses amours, son expérience -difficile- de la "paternité " avec le fils d'un autre lui apprennent  des choses sur lui-même et sur les autres.

Au couchant de sa vie, il devient pêcheur, et ce n'est pas un hasard.

Samuel Belet relève un à un les filets de son passé pour y lire les secrets de son âme et les battements de son coeur, pour mieux accueillir un savoir philosophe sur les êtres  et les choses, pour apprivoiser la vieillesse et la mort, pour ne pas être venu là pour rien.

La Vie  de Samuel Belet est un  "bildungsroman" moins "performatif'" que spéculatif et spéculaire, qui, comme l'eau du lac, reflète et ranime les années défuntes, les âmes mortes,  donne à lire les sentiments incompris, les désirs mystérieux, et éclaire avec une tendresse poignante la complexité d'un coeur simple.

Magnifique lecture, très GRAND livre,  mythifié et admiré en Suisse. Quasi ignoré en France ou réduit à cette étiquette  régionaliste  qui est plus qu'une ignorance, une méprise!

Pourtant Ramuz est, de l'aveu de l'auteur de Regain, le maître de Giono. Sa langue, déjà belle , charnelle, lyrique dans ce roman de jeunesse, évoluera vers des formes incroyablement modernes, puissamment originales qui lui vaudront l'admiration inconditionnelle d'un autre grand styliste, d'un autre Ferdinand, non pas Charles- Ferdinand, mais Louis-Ferdinand , eh oui, Céline en personne!

 Ces hautes  filiations vaudraient bien que les lecteurs français aillent faire un petit tour dans la barque de ce roi-pêcheur valaisan...

Quant à moi, je dois reconnaitre avoir éprouvé,  en le lisant, une vraie révélation littéraire, en même temps  qu'une émotion forte  - comme devant une parole absolument sincère et essentielle.
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"Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre." Ces mots du philosophe stoïcien Marc-Aurèle me semblent parfaits pour parler de la vie du personnage principal de ce roman.

Samuel Belet n'a pas eu une vie facile. Il a rencontré de multiples obstacles, connu des chagrins, subi des déceptions et des échecs.
Une vie que le malheur n'a pas épargnée.

Cela commence bien tristement : orphelin à l'âge de quinze ans, le jeune Samuel est contraint de partir gagner sa vie comme simple garçon de ferme.
À partir de là, il va beaucoup bouger. de découverte en découverte, de rencontre en rencontre, il endure bien des choses mais reste toujours animé d'une incroyable force de vie qui le fait apprécier de tous partout où il va.
Il est franc, honnête, courageux, dur à la tâche ; le lecteur ne peut que s'attacher à lui et compatir à ses revers de fortune.

Que ce roman est beau !
Ramuz donne la parole à Samuel Belet qui raconte son histoire. À travers les différentes péripéties qu'il a vécues, notre héros narrateur a croisé de nombreuses personnes à qui l'écrivain helvète donne merveilleusement vie : des êtres authentiques ancrés dans cette ruralité et cette nature qu'il décrit si bien.
L'écriture est simple en apparence mais terriblement belle et très imagée. Ramuz utilise beaucoup d'analogies avec la nature et fait du récit de Samuel un texte extrêmement plaisant à lire, d'autant qu'il est très bien construit et cohérent de bout en bout.

Samuel Belet raconte tout avec franchise et sans fioritures. Il partage ses souvenirs et nous ouvre son coeur. Il est parfois un peu naïf, mais n'est jamais niais : il est tout simplement sincère et c'est cela qui le rend touchant.
Il finira par trouver la sérénité, mais quel chemin parcouru et que de douleurs pour en arriver là !
Cette sérénité n'est pas la résignation de quelqu'un qui aurait baissé les bras, mais l'acceptation de celui qui a trouvé la voie de la sagesse. de celui qui aurait prié avec les mots de Marc-Aurèle et qui aurait été exaucé.

Ramuz mérite vraiment d'être plus connu (et lu !) en France.
Ce roman mérite de figurer très haut sur la liste des chefs-d'oeuvre de la littérature francophone.
Si vous aimez les livres qui vous plongent dans une autre époque et dans d'autres lieux, si vous voulez faire la connaissance d'un personnage marquant, si vous avez envie de vous immerger dans la vie rurale, si vous cherchez un ouvrage extrêmement bien écrit dans lequel les phrases sont limpides et magnifiques de simplicité, foncez !
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Décidément, Ramuz, dont je suis au neuvième roman, n'a pas fini de me surprendre et m'émerveiller.

Quel magnifique roman, d'un registre différent d'autres du même auteur, et si émouvant et si profond. Une vraie leçon de vie.

Samuel Belet, un homme simple, d'un homme du peuple, avec ses défauts et ses qualités, nous raconte sa vie.

Une vie qui débute dans la seconde moitié du 19 ème siècle, en Suisse près du lac Leman, d'un enfant qui n'a pas connu son père, mort quand il était tout petit, et dont la mère meurt alors qu'il entre dans l'adolescence.
Un garçon à la fois rude et timide, impétueux et gauche, colérique et tendre.
Un garçon doué pour les études, mais qui les abandonnera suite à une déception amoureuse, cette belle Mélanie qui l'oublie pour un autre.

Et dès lors, il va parcourir la Suisse puis la France, faire différents métiers, avoir une liaison avec Adèle, une servante, devenir charpentier, partir pour Paris avec Duborgel, un compagnon anarchiste, qui le repoussera quand Samuel refusera d'adhérer à ses aspirations de « révolution sociale ».

La guerre de 1870 ramènera Samuel en Suisse, à Vevey, où il s'éprend de Louise, une jeune veuve avec un enfant, le petit Henri. Ils se marient, sont heureux bien que les relations entre Samuel et Henri soient difficiles. Mais après quelques années de vie commune, Louise est malade de la tuberculose et meurt. Puis c'est au tour d'Henri de mourir de cette maladie.

Samuel retourne dans son village natal, apprend le métier avec le vieux pêcheur du village, Pinget, puis lui succède quand ce dernier meurt.
Et Samuel vieillissant fait enfin la paix avec son passé, trouve le bonheur dans la bienveillance et l'attention aux autres, dans l'amitié aussi. Les quelques pages qui terminent ce roman en forme d'autobiographie sont émouvantes et sublimes.

Et tout cela est raconté sans sentimentalisme ni misérabilisme.
C'est l'itinéraire d'une vie d'homme qui se raconte sans concession, qui cherche à tâtons sa voie et qui, comme beaucoup de nous, réalise à la fin de sa vie ce qu'il n'a pas fait et aurait dû faire, pour finalement assumer ce passé et trouver la paix de l'âme.
Cela m'a fait penser à ces phrases de Kundera:
« L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne, car il n'existe aucune comparaison. »

Et je voudrais mentionner encore une fois cette écriture formidable de Ramuz, incroyable dans sa capacité à décrire les événements et dans son rythme quasi musical.
Oui, je le redis, Ramuz, que j'ai redécouvert avec bonheur, ce n'est pas le régionaliste qui fait exprès d'écrire mal, c'est un « grand », un poète et un humaniste.
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Samuel grandit, perd sa mère ; doit travailler ; malgré ses efforts à "apprendre", ne deviendra jamais "régent" (instituteur) ; vit, trime et aime ; vit la Commune à Paris ; puis rentre ; aime à nouveau, longtemps, puis perd son aimée ; Samuel au soir de sa vie, veut retrouver tous les siens, un à un disparus : n'ont-ils pas versé au fond du Lac, sous sa barque ?

"Vie de Samuel Belet" : ce chef d'oeuvre d'existentialisme "avant la lettre", de recul et de douloureuse sérénité : on repense à ce sujet aux exquises nouvelles humanistes de Rabindranath Tagore, "Le Vagabond et autres contes"...

Bref, un joyau de PURE Littérature qui nous vient de 1913 !

Pas un "bout de gras", pas une once de platitude en chaque ligne... Tout est lyrique et chante : tranquillement... Tout est vrai. Juste. Sobre. Et tout émerveille ! Samuel et Ramuz, comme vous nous manquez !!!

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"Vie de Samuel Belet" de C.-F. RAMUZ = zéro critique à ce jour dans Babelio... Y a comme une énigme ! Et oui, notre France se prend toujours pour la "République des Lettres" (comme d'autres pour Napoléon). Aujourd'hui que des tombereaux de NON-littérature vite fabriquée et mal foutue (pléonasme) sont abondamment achetés, frénétiquement lus et 15.000 fois commentées (moutonnisme/suivisme)... Mais pas une ligne sur ce livre...Dans la France houellebecquisée de 2015, on ne connait même plus l'existence d'un pareil joyau de la Littérature mondiale, cent ans après sa parution : l'art littéraire n'a plus qu'à aller se rhabiller et les "oeuvres" de Foenkinos ("Je vais mieux") et autres Angoteries narcissiques (bientôt : "L'inceste, tome V" ?) continuer à régner.... Ne serions-nous pas UN PEU complices (involontaires et "sous influences") de ce triste état de fait ? Amicalement à tous.
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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La vie de Samuel Belet est une "vie minuscule" pour reprendre un titre de Pierre Michon. de son enfance paysanne modeste à sa vieillesse au bord du lac, Samuel nous raconte son existence en marge du monde. Ni aventure héroïque ni engagement, il n'est que témoin lointain de la débacle de l'armée de napoléon III et de la Commune. Il n'a pas d'idée politique, trop compliqué pour ses capacités de réflexion et trop éloigné de son univers : il ne théorise pas les inégalités sociales ni la domination politique. Ni grande histoire d'amour passionnelle non plus - être trompé par son premier amour que l'on idéalisait, ce n'est pas original non plus, désirer une femme sans amour et épouser finalement celle qu'on respecte sans être passionnément amoureux non plus.
Samuel Belet nous raconte donc "une vie" - pour reprendre Maupassant, la sienne, avec ses expériences, ses joies et ses malheurs. Une petite vie, "la petite expérience", avant la "grande vie", celle qui nous àttend après la mort. Samuel est un "coeur simple", pour citer Flaubert cette fois-ci. Peu ambitieux, buveur, jaloux de son beau-fils... Mais aussi honnête, bon travailleur, bon mari...
Les émotions viennent par petites touches, grâce à une écriture subtile et poétique. le véritable amour de Samuel, et sûrement de Ramuz lui-même, c'est ce paysage, entre lac, vignobles et montagne. le personnage n'est pas à l'aise à Paris, ses rues, sa foule, ses maisons. Au contraire, le paysage suisse est célébré pour sa simplicité, dans ses variations de saisons, avec ses travaux agricoles. Samuel accomplit ainsi à la fin une sorte de retraite, tous ses voyages l'ont finalement ramené ici, au bord du lac d'où il se retire.
Une douce histoire, émouvante et poétique comme un hymne à la nature - domestiquée ; c'est la Suisse qui est décrite, pas la Savoie présentée comme plus sauvage et arriérée.
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Relecture de ce très beau roman de Ramuz.
Arrivé à la soixantaine, Samuel Bellet, né en 1840 à Praz-Dessus, éprouve le besoin de coucher sa vie par écrit. Il ne raconte pas son enfance, son récit commençant alors que, déjà orphelin de père à dix ans, il voit mourir sa mère à l'âge de quinze ans. Un oncle lui annonce sans ménagement que, pauvre, il devra - malgré son goût et ses dons pour l'étude - quitter l'école pour travailler et le place comme domestique de ferme chez un paysan prospère à Vernamin. Samuel fera ensuite bien des métiers (commis aux écritures chez un notaire, menuisier, couvreur, charpentier) et connaîtra chagrins et ruptures. Après avoir vécu sept ans à l'étranger, d'abord en Savoie puis à Paris, il revient au pays lorsqu'éclate la guerre de 1870. Il épouse Louise - veuve et mère du petit Henri - qui tient l'auberge où il a pris pension. Leur bonheur ne dure toutefois que quelques années au terme desquelles meurt sa femme, suivie six mois plus tard d'Henri.

Ce roman, très riche, traite des diverses formes d'amour, depuis l'engouement naïf et juvénile éprouvé par Samuel pour Mélanie, plus dégourdie et moins éprise que lui, qui le néglige et qu'il surprend dansant avec un autre, jusqu'au sentiment empreint de tendresse et de compassion qu'il porte à Louise, en passant par la découverte de la relation physique - traduite chez Ramuz par une ligne de points de suspension - avec Adèle, une forte fille de ferme qui a le béguin pour lui sans réciprocité. Il parle aussi du désir d'enfant inassouvi, celui de Samuel et Louise jetant une ombre sur leur entente et de la difficulté à être beau-père. Samuel échoue dans ce rôle puisque, malgré sa bonne volonté, il ne parvient pas véritablement, du vivant de Louise, à aimer Henri comme son fils - qui, de son côté, reste distant avec lui - et, après le décès de celle-ci, ne peut lui donner le goût de vivre, bien qu'ayant reporté sur lui toute sa capacité d'affection. le livre parle aussi de l'amitié qui lie Samuel à Louis Duborgel, avec lequel il se rend à Paris, mais qui prend abruptement fin, ce dernier n'acceptant pas que ses idées socialistes et révolutionnaires ne soient pas partagées. de son côté, Samuel pense que les idées et les mots ont moins d'importance que les choses, à savoir le travail et la vie partagés, les soins que son ami lui a apportés durant une maladie. Il y a aussi les rêves et l'ambition avortés, Samuel abandonnant son espoir de suivre l'école normale et de devenir régent malgré de longs mois d'efforts accomplis dans ce but avec l'aide d'un ancien instituteur, M. Loup, lorsqu'il découvre la trahison de Mélanie.

La mort est très présente, très prégnante dans l'ouvrage. Mort de la mère de Samuel, suicide par noyade de Rose, la fille de David Barbaz chez qui Samuel était en place à Vernamin, et de son amoureux, fils d'une mercière, qui composait des vers et écrivait des articles de journaux, le père de Rose refusant de la voir l'épouser, mort d'une vieille voisine de Louise que celle-ci soigne avec dévouement, mais qui l'accuse de l'empoisonner, mort de Louise, puis de son fils. Malgré quoi, le roman n'est pas d'une tonalité sombre ou désespérée, parce qu'il y a aussi l'attention à la nature et aux moments heureux.

A la fin de l'ouvrage, Samuel trouve la sérénité dans une paisible existence de pêcheur au bord du lac.
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"Le malheur, c'est comme les fumées d'automne. Subtilement, à travers l'air, une odeur de loin les annonce ; on ne les a pas vues venir qu'on en est déjà entouré."

Vita. le titre nous l'indique : l'absence d'article devant le substantif "vie" confère à ce récit d'apprentissage un vernis hagiographique. En effet, Belet, humble autobiographe, à défaut d'être sanctifié, achèvera ses mémoires plongé dans la béatitude. Il aura longtemps cheminé avant de trouver la paix de l'âme et un sens à sa vie.

Confessio. A presque soixante ans, Samuel Belet -ouvrier agricole, charpentier puis pêcheur- entreprend une revisite de son histoire, éclairée qu'elle est par la douce ataraxie qui l'habite désormais. A l'encre bleue des souvenirs, il remplit des cahiers d'écolier. le style que lui prête Ramuz est simple, jamais simpliste. L'écrivain témoigne une respectueuse déférence à son paysan et ses modestes confessions s'accordent à la beauté simple des paysages suisses.

A l'instar d'Aimé Pache, le parcours de Belet est circulaire. Parti des rives du Léman, il montera dans le "Haut-Pays" vaudois, s'installera un temps donné en Savoie puis à Paris d'où la Guerre de 1870 le chassera avant de retourner au pays, à Vevey d'abord puis dans son village natal. L'ombilic de son monde.

Passio. Peu d'amis, pas d'enfant et de nombreux morts. Malgré les embûches, Samuel Belet est mû par un étonnant goût de vivre qui le force souvent à rebattre les cartes de son destin. En effet, amours stériles (même si on soupçonne l'existence d'un petit bâtard du côté de Neuchâtel...) et amitiés taciturnes ou décevantes constellent ses années d'homme. Profondément solitaire -même en compagnie- il offrira son coeur à l'ingrate Mélanie, son corps à l'hospitalière Adèle et sa pitié à la maussade Louise : il n'en retirera que remords et regrets.

Martyrium. Dans ce chemin de vie, la mort est omniprésente, le roman s'ouvrant et se fermant par un deuil. La farandole macabre dans laquelle est entraîné Samuel Belet ne lui laisse que peu de repos : suicide, lente consomption, étiolement volontaire, agonie foudroyante... Ce martyrologe intime couvre le récit d'un badigeon d'infinie tristesse.

Conversio. Cependant, le voluptueux détachement qui habite Samuel Belet quand il achève sa confession -mélange d'acceptation stoïque et de mystique personnelle- nous permet de refermer ce précieux roman consolés.

Magnifiée par l'écriture dépouillée de Ramuz (qui avec ses tournures et mots simples poétise toute sensation), "Vie de Samuel Belet" impressionne durablement. L'enterrement d'une mère, la timidité d'un premier baiser, une surprise à celle que l'on aime, les ricanements maladroits au malheur des autres, autant de scènes renversantes de beauté vraie.

Un lac de feu et d'ombres.

"Car l'essentiel est qu'il faut vivre quand même et il faut mourir encore vivant."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Par sa description des lieux, des places et des gens, Samuel Belt nous ouvre les portes de "sa vie". Il rédige son récit sans fards en nous livrant ses sentiments des plus beaux aux plus inavouables.
Parfois cru, parfois drôle, régulièrement triste, je ressors de cette lecture avec le sentiment d'avoir fait une partie de route avec Samuel [N'est pas d'ailleurs le propre, voir l'intérêt d'un roman ? ]
J'ajoute que ce qui transparait pour moi dans ce roman est le besoin impérieux pour tout être humain de créer du lien avec son semblable.
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