Adieu Vallée de Chantebrie, région imaginaire qui abrite en ses terres les histoires créées par
Pierre Raufast dans ses précédents romans. La verte vallée a dû sombrer sous les eaux d'une France dont le Sud n'est plus, en cette année 2173 où débute la Tragédie de l'Orque, premier tome de la trilogie baryonique publiée Aux Forges de Vulcain. Seul rescapé des récurrents de Raufast, le Capateros, jeu de cartes auquel s'adonnent les équipages de mineurs d'espace-temps chargés de générer des « trous de ver » pour explorer l'univers afin d'y trouver, à l'abri de leur module Orca, des gisements d'antimatière, promesse d'une nouvelle source d'énergie pour une humanité terrestre qui a bien morflé suite à une grande migration climatique.
Le décor est planté et il est assez rare dans mes chroniques. La science-fiction n'est apriori pas mon genre de prédilection mais il y avait deux bonnes raisons pour moi d'entrer dans la trilogie baryonique : primo, Aux forges de Vulcain m'a fait découvrir et m'a rendu accro à une saga de Fantasy (le cycle de la Tour de Garde), alors de la Sf, ça se tente, et secundo, j'ai lu et aimé tous les romans de
Pierre Raufast, il n'était pas concevable que je ne jette pas un oeil sur son entrée en science-fiction. N'écoutant que mon courage, j'ai jeté les deux (yeux), et je n'ai pas été déçu. du tout. Bien au contraire.
Dans le décor dressé plus haut, un grain de sable, genre gros gros grain, vient enrayer le déroulement classique des explorations : le module Orca-7131, piloté par un équipage féminin, Slow et Sara, subit une avarie en perçant un trou de ver pour s'y glisser, sans parvenir à refermer l'ouverture, créant ainsi un trou noir que les autorités jugent dangereux du fait sa proximité avec la Terre. Il est donc demandé à Tom et Youri, les hommes de l'Orca-7013, de se dérouter pour porter secours.
J'ai fait le bond de 150 ans imposé par la narration sans aucune difficulté. le monde futur imaginé par
Pierre Raufast parait tellement réaliste tant par l'avenir qu'il dessine à notre humanité que par les relations humaines établies entre les personnages que tout semble aller de soi. Dans un monde où la science et le progrès ne sont plus vraiment en odeur de sainteté, on attend beaucoup de ces forages spatiaux, ces trous noirs capables de vous transporter dans de nouvelles strates où se cacherait l'antimatière. Mais on ne trouve rien. Alors sur Terre, ça se divise, il y a ceux qui espèrent, ceux qui doutent, et ceux qui n'y croient pas. Et nous lecteurs, on ne sait pas. C'est le talent de
Pierre Raufast de n'apporter aucun jugement sur ces personnages, de laisser la sensibilité du lecteur pencher d'un côté ou de l'autre au gré des découvertes, des discours. L'autre talent bien connu de la plume Raufastienne, c'est celui de raconter les histoires, de glisser des faits et anecdotes historiques, scientifiques, dans la narration en les enrobant de fiction, de créer des personnages attachants, de maintenir un rythme qui, malgré les explications scientifiques qui constellent le récit, rend l'intrigue prenante jusqu'à un cliffhanger final qui, comme de bien entendu, vous donne envie de forer le temps pour vous retrouver en octobre prochain, mois de sortie du tome 2 !
Bref, cette Tragédie de l'Orque m'a embarqué dans un récit où l'immensité de l'espace sert de toile de fond à des huis-clos où les réflexions, les décisions et les destins de quelques humains mettent en jeu l'avenir de l'humanité. C'est intelligent, captivant et très bien écrit.