Voilà un roman de
Louis Aragon peu connu et qui faillit bien ne pas paraître. Dans la lignée réaliste d'
Aurélien, dans un récit plus accessible que
La mise à mort, l'auteur nous transporte entre Paris et le Jura à la fin du 19ème siècle, entre Exposition universelle et première guerre mondiale. Pierre est marié à Paulette dont il a été brièvement épris. Mais le goût de l'argent et la lassitude signeront rapidement la mort du couple. de cette union naît trois enfants, une première fillette morte en bas âge, Pascal, digne héritier de son père et l'insipide Jeanne. Tous les ingrédients sont réunis pour laisser la place à une maîtresse qui brisera le coeur de Pierre. Alors commence un exode atypique, un voyage pour se perdre, sans jamais réellement se retrouver…
Malgré une succession d'événements malheureux et une issue plutôt pessimiste, je crois avoir beaucoup aimé ce roman. L'écriture d'
Aragon me charme toujours autant et nous croisons une multitude de personnages aux caractères forts et variés, surtout des femmes qui gravitent autour de Pierre puis de son fils Pascal, comme un perpétuel recommencement, un poids lourd de l'héritage. L'espoir et les rêves tiennent une place importante, se mêlant aux jeux imaginaires et parfois cruels des enfants. Puis la réalité s'instille comme un doux poison et sème déceptions amoureuses, déchéance et abandon. A l'heure de la parution de J'accuse de
Zola, à l'aube d'une guerre qui déchirera le monde,
Aragon nous montre des individus de tous milieux qui souffrent du carcan social, qui aspirent à sortir des conventions et qui se heurteront avec violence aux vicissitudes des autres, aux amours sans retour et à une période de troubles implacable.