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sur 53 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Les rêves de Nastia et Katia aurait pu être le titre français de Devouchki qui, je crois, signifie en russe « jeunes filles ».

Nastia est plutôt vulgaire. Elle veut aller à Moscou pour trouver un homme riche qui l'entretiendra et avec lequel elle aura une belle vie.

Katia, sa cousine, est très différente. Elle est non seulement belle mais aussi cultivée, raffinée, elle a une âme pure. Elle se laisse convaincre de quitter Beloretchensk et sa Sibérie natale par Nastia car elle a besoin d'argent pour aider sa famille. À cause d'un accident, son père est paralysé et l'opération qui pourrait lui rendre une partie de sa mobilité coûte très cher.

Comment les deux cousines vont se débrouiller à Moscou? Qui va réaliser ses rêves ou atteindre ses objectifs ?

La première moitié du roman m'a captivée mais la deuxième moitié voire le dernier tiers de Devouchki m'a laissée perplexe pour finir par m'ennuyer et me décevoir.

La première moitié m'a plongée dans un roman réaliste, assez noir. Nastia se sent seule, désespérée et jalouse de sa cousine, à qui, en apparence, tout réussi. Katia arrive à accomplir et obtenir tout ce que désire Nastia. Celle-ci en est empêchée par sa trop grande vulgarité et n'a ainsi d'autre choix pour gagner sa vie que de travailler sur le marché que tient Mourad, un menteur invétéré, un mafieux qui vit de diverses combines. Ils ont l'idée épouvantable de vendre la virginité de Katia alors que celle-ci commence à s'éveiller à l'amour aux côtés d'Alexeï, son colocataire étudiant et fils d'un journaliste.

La tension va crescendo et le drame éclate.

J'ai aimé l'intrigue et l'écriture dans cette première moitié du roman. En revanche, la deuxième moitié de Devouchki m'a nettement moins enthousiasmée. J'ai trouvé affligeant que les conséquences du drame soient si peu traitées, voire assimilées à une fièvre ou une grippe qui terrasse Katia puis tout va beaucoup mieux, il n'y est plus jamais fait allusion. Katia n'en veut même pas à Nastia, qui lui a pourtant fait ce qu'il y a de pire. Il y avait pourtant là matière à une belle réflexion sur la haine et le pardon.

Katia est présentée comme une âme pure mais personne n'est « pur » à ce point-là. Que signifie d'ailleurs ce concept de pureté dont la répétition m'a un peu énervée ?

La suite de l'histoire, les réactions, le comportement de Katia m'ont paru peu crédibles voire invraisemblables, notamment son histoire d'amour avec Andreï, le millionnaire.

Seul Alexeï et les quelques passages qui lui sont consacrés m'ont plu.

J'ai eu du mal à comprendre la vision, les idées de l'auteur. Pour lui, la femme est soit vulgaire (Nastia), soit une prostituée de luxe qui s'ignore et joue la comédie de la pureté ? Les cas de conscience de Katia et ses visites chez le prêtre orthodoxe m'ont laissée perplexe, ainsi que les passages où l'avortement est perçu comme un meurtre d'enfant et semble l'objet d'une condamnation morale. Que dire de cette citation ?... « Nous contribuons au mal du monde, répondit Katia. Un homme doit vivre avec une femme, une femme avec un homme : c'est dans l'ordre des choses. Tout le reste est mal, tu le sais bien. Tout autre principe de conduite est destructeur. »

D'après moi, Victor Remizov a voulu peindre probablement la pensée conservatrice de certains Russes, une sorte de repli sur les valeurs ancestrales de la famille traditionnelle.

Les plus beaux passages sont pour Alexeï et ses réflexions: « Je pensais qu'on ne fait pas assez attention à la pureté qui nous entoure. Les âmes pures, on ne les remarque pas, tandis que les crapules nous sautent aux yeux. […] ça fait longtemps que j'essaie de comprendre… Pourquoi ce n'est pas le contraire ? » Il est la seule âme pure de ce roman et j'ai probablement regretté que Katia reconnaisse si peu ses mérites, à tel point que j'ai eu du mal à croire en la fin. Ce « happy end » sonnait faux mais ce n'est que mon avis.

Plusieurs de mes ami(e)s babelionautes ont beaucoup aimé ce roman que j'ai découvert grâce à leurs avis. Je les en remercie. Même si je ne partage pas l'intégralité de leur enthousiasme, Devouchki offre une description réaliste de la Russie contemporaine et, entre autres, de l'état du journalisme. J'ai regretté que ces éléments soient noyés sous d'autres beaucoup moins intéressants.
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ZA ZDOROVIE ! [*]

Comment est-il envisageable d'être jeunes, belles, diversement cultivées et intelligentes, indépendantes socialement, financièrement et loin de ses parents d'origines modestes, dans la Russie contemporaine ? C'est un peu à cette quadrature du cercle que le romancier russe Victor Remizov essaie de répondre au fil de ce second roman intitulé (pour sa "traduction" française, mais nous y reviendrons) «Devouchki», à savoir "Les filles".

Nous y rencontrons deux cousines (au second degré nous est-il précisé), la belle Nastia, véritable "croqueuse d'hommes" et l'encore plus belle mais surtout charmante et pure Katia qui vivent dans un des ces gros bourgs reculés du fin fond de la Sibérie, dans l'oblast (plus ou moins l'équivalent de nos régions administratives) d'Irkoutsk, à Beloretchensk au bord de la rivière Angara. (NB : pour info, cette ville russe existe bel et bien mais... se situe en réalité aux abords de la Mer Noire, dans le Nord-Caucase, non loin de la Géorgie. L'auteur a sans aucun doute souhaité brouiller les cartes, rappeler que tout cela est inventé mais pourrait se passer partout ailleurs en Russie). Si les deux jeunes filles partagent un quotidien relativement identique fait de moments difficiles, de vies compliquées (la première n'a pas connu son géniteur et vit avec sa mère alcoolique. le père de la seconde, ancien professeur de mathématiques très aimant, est lourdement handicapé des suites d'un stupide accident de chantier et ne peut plus travailler), d'argent qui manque toujours, celles-ci n'ont guère que leur grands parents en commun tant elles ne se ressemblent psychologiquement et humainement pas. Nastia, vingt-cinq ans, est "délurée", sans culture ni d'une intelligence notable mais maline et sûre d'elle, dure avec ses semblables, déjà très mûre et pour le moins désabusée ; à l'opposé, Katia est l'innocence et la bonté mêmes, la fraîcheur de la jeunesse en sus. Son existence est rébarbative, certes, mais elle garde espoir de pouvoir suivre ces études de médecine que son intelligence vive et sa grande culture - aux dires de sa cousine qui n'en comprend pas l'intérêt, se moquant même auprès de ses conquêtes du fait que Katia a déjà lu tous les classiques russes et prend son pied en écoutant Mozart - sont en droit de lui offrir. Il y a malheureusement un grain de sable, un énorme grain de sable dans cette vie certes âpre mais assurée : le grand frère, emprisonné pour petit trafic de stupéfiant, et que l'incarcération a transformé en monstre d'égoïsme doublé d'un pur profiteur drogué au poker. Sous prétexte d'amélioration de sa condition, de révision de sa peine, ce Fiodor (un clin d'oeil aux terribles Carnet du sous-sol d'un autre Fiodor... Dostoïevski ?) demande sans cesse plus d'argent - quand ce ne sont pas les gardiens corrompus - à cette mère qui peine déjà à joindre les deux bouts pour nourrir cette grande fille, ce père immobilisé et un petit dernier, tard venu mais fierté de la famille, prénommé Andriouchka.

À force de conviction, d'encouragements, Nastia va finir par convaincre Katia de la suivre dans son désir de mettre les voiles pour aller faire fortune, par un moyen ou un autre, dans la lointaine et fascinante capitale moscovite. Mais si la première est sûre de ses charmes - et de se dégoter tôt ou tard un riche millionnaire qui saura l'entretenir comme il faut - la seconde est bien moins certaine de savoir comment se débrouiller dans cette jungle urbaine dont elle ne connait aucune des règles de survie. Malgré une première semaine de galère durant laquelle leurs minces économies filent comme le vent - d'autant que Nastia est un véritable panier percé, fascinée qu'elle est par les lumières de la ville -, la chance semble peu à peu leur sourire, d'abord en la personne d'un jeune tadjik, Sapar, diplômé de médecine dans son pays mais simple serveur au café de la gare ici, et qui les prend sous son aile, d'abord parce qu'il connait la galère de débarquer de province, sans rien ou presque, dans cette capitale impitoyable avec les faibles, ensuite parce qu'il finit par tomber amoureux de Nastia. Mais cela n'est pas assez bien pour cette jeune femme - certes plastiquement superbe mais dont on comprend très vite qu'elle est tout aussi terriblement intéressée qu'elle est... insupportablement vulgaire. Ce qu'un personnage croisé dans le roman ne se gêne d'ailleurs pas pour lui dire - qui préférera s'amouracher d'une petite frappe, surveillant en chef pour le compte de plus gros bonnets que lui d'un marché de quatre saisons, Mourad, l'azéri. de son côté, c'est le hasard le plus parfait qui va faire entrer la timide et réservée Katia dans un restaurant géorgien en vogue : son patron a décidé de confier sa communication à un célèbre photographe qui va tomber en émoi devant la jeune femme assise sur un banc à l'entrée et qu'il prend pour l'une des employées. de fil en aiguille, notre jeune héroïne bien malgré elle va devenir à la fois l'égérie de cette grande table, la "chouchoute" des membres du restaurant, à commencer par son chef, ainsi qu'une serveuse plutôt douée et appréciée. Au grand dam de Nastia qui se voit obligée de faire ce qu'elle faisait déjà en Sibérie - vendre sur des marchés, ce qui semble être une situation assez peu glorieuse en Russie -, n'ayant su convaincre son éventuel employeur de la prendre comme serveuse dans un restaurant un peu chic parce qu'elle s'est trouvée incapable de répondre convenablement à une question posée par ce patron concernant La Guerre et la Paix du grand Léon Tolstoï (ce qui, évidemment, lui paraît parfaitement stupide et incongru pour un tel travail).

Grâce à cet emploi inespéré - et payé au-delà de ses espérances et même de son sens moral - Katia va enfin pouvoir se loger décemment dans un petit immeuble où réside déjà le jeune Alexeï, fils unique d'un célèbre journaliste mais qui souhaite s'en sortir sans l'aide de personne. Ces deux-là vont assez rapidement sympathiser, malgré leur retenue pataude et un peu niaise. C'est dans les mêmes moments qu'elle va aussi croiser la destinée d'Andreï, un richissime quadragénaire, patron d'une chaîne d'hôtels de luxe, à l'occasion de la soirée d'anniversaire organisée dans sa superbe maison d'architecte. de son côté, la cousine Nastia fera le choix de s'installer, sans véritablement le lui demander, chez Mourad. Mais les temps sont durs pour ces deux êtres un peu perdus, d'une violence intérieure à peine contenue et d'un sens moral des plus faibles. Dès lors, une indiscrétion "sur l'oreiller" de la sibérienne, entremêlé d'un vieux fond de jalousie et d'une profonde incompréhension à l'encontre de la trop parfaite Katia (entre autre celle de ne pas "tomber dans les bras" de ce millionnaire pour s'en faire entretenir, situation dont Nastia rêve plus que tout au monde) vont être le déclencheur d'une vente en tout point horrifique et inhumaine, sans que la première concernée en sache bien sûr rien : La virginité de Katia sera vendue comme une vulgaire marchandise par l'entremise de Mourad à l'occasion d'un véritable traquenard festif à un gros azéri obsédé de défloraison, non sans la complicité active de la cousine aînée...

La scène qui en découlera, les moments affreux qui suivront, seront, en quelque sorte, le point d'orgue du roman ainsi que son point de bascule. Plus rien ne pouvant évidemment être "comme avant"... Et le roman, jusqu'ici vraiment prenant, rythmé, intense et parvenu plus ou moins à la fin de sa première moitié de s'enfoncer à son tour dans une cadence un peu plus mollassonne, oscillant entre le mièvre et le ronronnant, entre l'amphigourique et le pathétique, entre l'irréaliste et le déjà-vu, qui met principalement en scène l'histoire d'amour sans avenir entre la jeune femme au bord du suicide (ce que l'on comprend assurément) et le riche homme d'affaire "patient, débonnaire et compréhensif". C'est à partir de ce moment-là que, il nous faut bien l'avouer, le roman a cessé de nous captiver pour ce qu'il était : une peinture sans concession de la société russe - et surtout moscovite - contemporaine. Sans concession, oui, dure aussi, parfois violente, affreusement matérialiste, où l'alcool coule à flot, pour un oui, pour un non, où l'argent est l'alpha et l'omega de presque tout, où les mafias (pas forcément démesurées) règnent en maître là où une police copieusement corrompue n'est pas présente ; un monde à plusieurs vitesse mais sur lequel surnage une petite minorité absolument hors d'atteinte - et porteuse de tant de fantasmes - du reste de la population ; un univers d'un machisme et d'un sexisme épouvantable comparativement au notre, pourtant bien loin de toute perfection en la matière. Pour simple exemple, ces quelques mots lâchés par un des personnages, pourtant pas des pires, mais qui se passent de commentaire : "Je te souhaite un homme comme ça, parce que le plus important chez une femme... c'est l'homme auquel elle appartient" ; un univers largement "aculturé" ou même "déculturé" ne connaissant plus grand chose de sa longue histoire, de sa magnifique littérature - à commencer par son XIXème extraordinaire -, de sa musique, de son théâtre (un des motifs réguliers de moqueries de la part de Nastia envers sa cousine tellement plus "classique") ; un urbanisme et un état social souvent sordides, tristes, délabrés, pauvres... Mais on y croise aussi tout un peuple métissé, bigarré, originaire des quatre coins de la Russie moderne ou de ses anciens états satellites - bien que tous ces petits mondes en miniature ne semblent guère se croiser qu'incidemment au détour d'une rue, d'une place ou d'un restaurant -, société cosmopolite haute en couleur, partageant un goût commun pour le bien manger (et la boisson aussi... beaucoup, en dehors des ressortissants de confession musulmane, et de la "parfaite" Katia, qui ne boit qu'occasionnellement et en faible quantité. Ce qui changera d'ailleurs provisoirement un peu, après "le drame")... On se surprend aussi à y rencontrer de braves gens, plutôt honnêtes, des hommes, surtout - car malgré la présence évidente des deux cousines, c'est un monde très masculin qui est représenté ici - capables de grands mouvements de bonté parfaitement gratuite, que l'on songe au jeune serveur Spar, même si, par la suite, c'est par amour sans espoir pour Nastia qu'il agit, que l'on pense aussi à ce chef débonnaire de cette table géorgienne réputée, ou encore au chauffeur attitré - un homme terriblement secret - de ce restaurant. Il y a bien évidemment le jeune Alexeï, une sorte de Katia au masculin dans sa pureté amoureuse naissante, naïve, innocente, maladroite et sincère. Or, même l'homme d'affaire expérimenté, roué, intraitable en affaire, riche à million et épicurien qu'est Andreï n'échappe pas à ce sentiment qu'il réside du bon dans l'homme. Il a beau arranger les choses uniquement à sa sauce, tout habitué qu'il est à commander et ses ordres immédiatement saisis d'effet, et dans le sens qui arrange le mieux sa conscience (à l'égard de son épouse, de ses enfants, de sa jeune amante), il a beau finir par demander l'impossible à cette jeune femme qu'il aime profondément, même si à sa manière de décideur omnipotent et omniscient, il n'en demeure pas moins profondément humain et doué de grands moments de bonté sans attente réelle de réciprocité.

Cependant, peu à peu, le roman perd de son rythme, perd de son "punch", passe de plus en plus à côté de cette peinture sociale qui en faisait, pour une large part, sa richesse et, il nous semble, son intérêt premier, mais sans jamais tomber dans l'exercice documentaire. Il s'enfonce dans une sorte de huis-clos amoureux avec un peu de Nastia/Mourad et beaucoup de Katia/Andreï, le jeune Alexeï jouant le rôle de trublion satellite dans cette histoire interminable dont on devine pourtant très vite la conclusion presque obligée. Dès lors, et pour reprendre une excellente comparaison trouvée par cette chère Bookycooky au cours d'une passionnante discussion ici-même, la seconde moitié du roman ressemble à l'idée que l'on peut se faire de romans à la Barbara Cartland. Il s'y propage, qui plus est, une succession d'idées, d'idéaux, de thèmes particulièrement réactionnaires sur l'amour, sur la procréation, sur la foi, sur la famille, sur la place des femmes dans la société et dans la sphère privée, sur l'avenir. Il est possible que cela ressemble à ce qu'est la Russie actuelle. Cette tendance à un retour massif aux supposés "valeurs éternelles", traditionnelles (pour ne pas écrire "traditionalistes", expressément familiales (dans sa version la plus renfermée) procède même sans aucun doute d'un vaste mouvement mondial qui ne laisse pas d'être inquiétant (toujours de notre humble point de vue). Il apparaît même un personnage assez inattendu dans cette ultime partie du récit, et qui correspond très certainement à un véritable renouveau de la foi et une certaine renaissance de l'Eglise Orthodoxe Russe en la personne d'un vieux prêtre quasi mystique, présenté comme un véritable saint homme, sage et invariablement bon (sauf dans l'esprit d'Andréï... Force est de reconnaître que nous avons, pour d'autres motifs que lui sans doute, une vision assez proche de la sienne de ce retour en grâce des églises et de ses prosélytes). Une vision malgré tout archaïque qui fait de la femme le support destiné à un but moral et divin ultime : la procréation, l'amour n'étant plus désormais que son vecteur "naturel", non plus un échange possiblement gratuit et sans objet particulier que lui-même, éventuellement érotique, entre deux êtres. Difficile de savoir si l'auteur défend quelque thèse personnelle que ce soit, même si la manière très délicate et respectueuse de présenter les quelques brèves mais fatidiques rencontres entre une Katia (laquelle a d'ailleurs plus ce que l'on surnomme "la foi du charbonnier" qu'elle n'éprouve un sentiment religieux construit de longue date, s'appuyant sur des lectures, des rites, des professions de foi), et ce quasi ermite moderne pourrait faire pencher la balance vers cette théorie, mais c'est tout de même trop ténu pour pouvoir l'affirmer aussi abruptement. D'autant que, nous le dirons plus loin, l'inverse peu s'avéré tout aussi exact.

N'empêche, un léger sentiment de gêne s'est emparé de votre lecteur, assurément laïc, plutôt "progressiste" en matière de moeurs et définitivement agnostique pour ne pas préciser méfiant envers quelque dogme que ce soit : le doute étant suffisamment raisonnable, comme on le dit en matière de justice, pour que votre serviteur se pose quelques questions quant aux intentions de l'auteur. le doute est d'autant plus fort que le titre original de ce roman n'est pas du tout ce "Devouchki" certes sympathique et moderne que l'on peut traduire par "Les Filles", voire "Jeunes filles", mais "Iskushenie" qui prend une tournure bien plus religieuse et morale puisque cela signifie sans hésitation possible : "Tentation" (c'est exactement le mot employé par la version russe du Notre Père dans cette strophe «Et ne nous laisse pas entrer en TENTATION»). Ce titre exact éclaire d'ailleurs l'ensemble du roman d'une manière presque totalement différente de ce "Les Filles" un rien provocateur et naïf à la fois mais toutefois bien plus anodin et plus descriptif qu'analytique. D'où ces interrogations qui nous ont semblé parfaitement justifiées quant à cet aspect très traditionnel du sens de la destinée développé dans la fin de l'ouvrage. Une autre hypothèse serait de se demander à quoi correspond cette tentation si souvent synonyme de péché : L'envie de s'en sortir à n'importe quel prix ? Un certain goût pour le luxe et le sexe sans entrave ? La paresse qui découle d'une vie rendue facile par l'excès d'argent ? Ces insatiables plaisirs gourmands de l'estomac et cette soif alcoolique démesurée ? La colère liée au fait de ne pas parvenir à ses fins, qui vous fait vendre votre plus proche parent ? le fait de se montrer infiniment avare de ses sentiments ? Ou encore l'orgueil de cette petite minorité qui a tant réussi sa "perestroïka" ultra-libérale et qui se suppose tellement au-dessus du commun des mortels qu'elle en devient mortifère ? À moins que l'apparence, véridique ou obsessionnelle, de ces péchés jugés jadis capitaux (certes en terre catholique, mais tout de même : la foi orthodoxe n'est pas à ce point lointaine qu'il ne puisse y avoir le moindre point commun) ne soit rien en comparaison de ce retour en force des idées les plus rétrogrades, sexistes, racistes, religieuses qui parsèment le roman... Ultime interrogation, plus technique celle-ci : le pourquoi de ce choix d'un titre russe pour... un autre titre russe. Est-ce à cause de la prononciation plus hasardeuse, dans notre langue, de l'original ou bien ce terme "tentation", ainsi que tout ce qu'il sous-entend, risquait-il d'être mal perçu par le public français, de condamner le livre à une mauvaise réception et, partant, de mauvaises ventes (après une forcément très longue et très poussée enquête marketing...) ? Nous ne le saurons sans doute jamais : ainsi va la petite cuisine du monde de l'édition et l'univers étrange des droits de traduction !

Il ne fait aucun doute que ces thématiques ont toutes leurs raisons à être, qu'elles sont même essentielles, mais il nous a vraiment semblé que c'était abordé ici avec une certaine maladresse, sans réelle profondeur, avec, même, inconsciemment, l'expression d'un genre d'ennui poli de son auteur qui nous a dès cet instant semblé ne plus tout à fait savoir comment achever son livre sans lasser, se répéter. Les personnages, jusqu'ici modérément archétypaux, échappaient aux modèles courus d'avance, à l'exception, sans doute, de sa Katia, décidément trop parfaite, trop pure, presque éthérée pour être totalement crédible, une sorte de Mlle Candide au pays de Poutine - mais indispensable, pourtant, à la trame du récit -, ainsi que la relation "Bien contre Mal" des deux cousines parfois outrée. Or, dans cette seconde moitié, tout devient manichéen, simpliste, mièvre, attendu, n'échappant à aucun des écueils du genre (des échanges emphatiques mais souvent creux suivis ou précédant des décisions aberrantes ou n'offrant qu'un intérêt limité) et, pour tout dire, un peu plat. Il n'est pas jusqu'à la construction du récit qui se délite : jusque-là, chaque chapitre était équilibré, solide, bien construit... Jusqu'aux deux ultimes. le 18ème étant purement interminable, sautant régulièrement du coq à l'âne (mais surtout de personnages en personnages sans lien logique), tâchant d'accélérer le temps tandis que c'est plutôt l'ennui qui s'installe et plus que jamais ce manque cruel de rythme qui était pourtant si vif dans la première moitié du livre. Quant au dernier, il est réglé en deux t
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J'ai beaucoup aimé le précédent roman de l'auteur « Volia Volnaïa ».
Dans ce nouveau livre, on suit deux jeunes filles qui montent à Moscou.
Les perspectives sont très limitées dans le petit village sibérien qu'elles quittent.
Deux jeunes filles, sans formation, sans point de chute, sans argent… que pourrai t'il mal se passer ?

Une des jeunes filles est assez vulgaire, l'autre cultivée, belle et pure. Ces différences sont sans cesse rappelées. On sent un peu trop le manichéisme du récit.
Oui, les personnages et ce qui va leur arriver perdue à Moscou est très, trop, prévisible.
C'est sordide.
Tout tourne ou presque autour de l'argent.
Les exceptions sont rares, infiniment rares.
Et l'histoire trop convenue ne m'a pas accroché.

Par contre, rappel très utile : il n'y a pas que des Russes en Russie ! On l'oublie trop facilement les Ukrainiens, les Arméniens, les Azéris… le rappel n'est pas inutile. On croit la Russie bien plus homogène quelle n'est.

Autant la taïga était bien décrite, autant la ville de Moscou est un décor discret et quasiment peu décrit.

Vous l'avez compris, l'auteur est bien plus à l'aide pour décrire la nature sauvage que la nature sauvage des humains que l'ont peu croiser dans une ville obnubilée par l'argent.
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Ce qui m'a poussée à choisir ce roman, outre sa couverture plutôt affriolante, c'est le nom de l'auteur, repéré, mais pas encore lu avec son premier roman Volia Volnaïa. le premier se déroulait en Sibérie, dans un univers plutôt mâle, du moins j'en ai eu l'impression, alors que celui-ci a pour cadre Moscou et pour personnages principaux deux jeunes filles, deux cousines, débarquées à la capitale pour tenter d'échapper à la misère de leur village, où elles subsistaient de petits boulots ou en vendant quelques légumes du potager familial au marché.
Les deux jeunes filles (devouchki) sont aussi différentes que possible, Katia, la plus jeune, a une beauté sage et troublante, et un caractère qui s'accorde avec, calme, avec un goût pour les arts et la littérature qu'elle tient de son père. Sa cousine Nastia possède un charme beaucoup plus dévergondé, et ne craint pas les situations extrêmes. La narration des premiers jours à Moscou est pleine de tensions, on craint pour elles à chaque instant. Elles finissent pourtant par trouver une colocation, une ou deux propositions de travail, elles font des rencontres, mais la vie n'est pas forcément pavée de roses pour deux jeunes filles naïves et sans soutien familial.

Je me trouve avoir du mal à formuler un avis sur ce roman. Je ne suis pas habituée à la littérature russe, et j'ai été surprise par la prédominance des dialogues sur les descriptions ou l'introspection, ils sont longs et abondants, et à chaque fois qu'un cas de conscience se pose à un personnage, c'est par une conversation avec un autre qu'il va tenter de le débrouiller. C'est peut-être une caractéristique du roman russe ? Si quelqu'un a une idée à ce sujet, ça m'intéresse !
Une fois accoutumée à cela, le style m'a paru plutôt prenant, bien adapté à l'histoire. L'idée générale qui mène le roman est l'attrait exercé sur les jeunes générations issues des campagnes, par la ville, ou les pays étrangers, et en même temps, par la nostalgie profonde qui peut s'emparer des exilés lorsqu'ils s'éloignent de leur environnement natal. L'idée des deux cousines aux caractères si contrastés est attrayante, même si l'auteur a légèrement forcé le trait, à mon avis, dans cette opposition. Un événement dramatique qui survient environ au milieu du roman relance l'intérêt pour les personnages, et le roman gagne en intensité. Confrontée tant à la générosité qu'à la brutalité et à la malfaisance, Katia et Nastia manquent de se perdre, et le lecteur ne sait s'il doit se préparer à lire leur déchéance ou leur rédemption.
Au final, une lecture sans difficulté particulière, avec une tonalité originale et des thématiques attirantes. Si je ne suis pas folle d'enthousiasme, je peux toutefois recommander sans hésiter ce roman aux amateurs de littérature russe ou, plus généralement, de dépaysement, et à ceux qui s'intéressent à la Russie contemporaine. Ce roman en propose un tableau édifiant !
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Ce roman au style très fluide se lit très facilement et rapidement. La première partie du roman est passionnante, les deux filles découvrent Moscou, la pauvreté, la débrouillardise et tout un panel d'hommes aux personnalités très différentes mais tous attirés par ces deux belles femmes. Les caractères opposés des deux filles permettent d'avoir deux points de vue prenant sur leur vie difficile, souvent cruelle, dans la grande ville. Malheureusement, la deuxième partie du roman patine. Une des deux filles est effacée au profit de l'autre. Et cette dernière tourne en rond jusqu'à la toute fin du roman. C'est trop dommage !
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Un roman fleuve sur la Russie d'aujourd'hui: sa jeunesse aux abois, sa mafia toute puissante, son machisme.

Nous y suivons deux jeunes filles de province, Katia et Nastia, deux cousines contraintes d'aller vivre dans la capitale pour trouver du travail.
L'auteur dresse alors le portrait des deux faces opposées du pays: celle des zones rurales précaires mais authentiques et celle de Moscou, une grande ville froide et impitoyable.
Les personnages sont passionnants et passionnés, crédibles de surcroît.
Katia, personnage principal, est une jeune femme plutôt naïve bien qu'instruite qui traversera énormément d'épreuves, c'est un personnage féminin puissant.

Un livre riche sur un pays à la complexité fascinante.
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