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EAN : 9782714468949
464 pages
Belfond (12/01/2017)
3.98/5   82 notes
Résumé :
Un roman russe fulgurant, une plongée dans l'immensité sibérienne, qui conte l'éternel affrontement entre désir de liberté et asservissement au pouvoir. Porté par une seule devise, Volia volnaïa, « Libre liberté », une très forte quête identitaire, avec, en toile de fond, le tableau contrasté de la Russie d'aujourd'hui, tiraillée entre tradition et modernité.
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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« La solitude dans la taïga est une drogue accrocheuse »…et même par livre interposé. Ce livre est une plongée réaliste dans l'immensité sibérienne, au coeur de la Taïga, une expédition montagnarde, sylvestre et aquatique pour chasser la zibeline et pêcher le saumon. Un voyage dans le froid et la neige, enveloppé d'une doudoune en duvet et chapka en fourrure sur la tête, là où les pins nains sont saupoudrés de givre comme des paillettes d'argent, à fouler une neige duveteuse et molle, douce sous les pieds comme les poils d'un lièvre. Au milieu des ours et des loups. Une sensation de calme et d'éternité qui serti ce bourg du bout du monde : Rybatchi. Sur les côtes de la mer d'Okhotsk.

Volia volnaïa, ou « liberté libre » en français, du nom d'une chanson, est un roman russe poétique, fulgurant, qui conte l'éternel affrontement entre désir de liberté et asservissement au pouvoir, tiraillement d'autant plus fort en cette Russie post-communiste. Les habitants de cette contrée lointaine tirent leurs revenus principalement du trafic illégal d'oeufs de saumon et de peaux de zibeline, activités interdites par la milice sauf à lui payer une taxe de 20%. Trafic versus corruption du pouvoir. Activités illégales versus racket par les chefs mêmes des milices locales qui sont de fait des chefs mafieux. Les nombreux personnages qui jonchent ce roman, dont les noms, les prénoms et les diminutifs sont tour à tour utilisés pour les nommer ce qui peut être perturbant en début de lecture, se trouvent confrontés à une forte quête identitaire, avec, en toile de fond, ce tableau pour le moins contrasté de la Russie contemporaine elle-même partagée entre tradition et modernité.

Le début du livre donne le ton ; nous sommes en effet immédiatement immergés au sein d'une nature grandiose, découvrant Guenka, parti comme chaque année s'isoler dans son isba en automne, à l'ouverture de la chasse ; Chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, entouré d'une nature qu'il aime, une nature immuable.

« Comme la plupart des saisonniers, il aimait particulièrement ces jours précédant l'ouverture de la chasse. La rivière, la forêt, tout était à redécouvrir, tout avait légèrement changé. C'était comme retrouver un vieux copain que l'on n'a pas vu depuis un an. Tiens, il a des cheveux gris, une nouvelle cicatrice, des rides qu'on ne lui connaissait pas auparavant. Pareil. A un endroit, la berge s'affaissait, avalée par la rivière, le sentier avait disparu, un tilleur séculaire gisait, arraché, en travers de la clairière, ayant évité de justesse une petite isba. Mais surtout il y avait une multitude de détails. Les couleurs étaient vives, comme rénovées. Cette répétition éternelle et inépuisable – il verrait la même nature que l'an passé, qu'il y avait deux ans, et pourtant, ce serait comme une nouvelle rencontre – procurait une grande joie à Guenka, elle conférait un sens à son existence. La fraîcheur et l'infini de la vie l'élevaient au-dessus de la terre, au-dessus de la rivière et de la taïga. Dans ces moments, il avait l'impression qu'il en serait toujours ainsi ».

Puis peu à peu les autres personnages prennent vie sous la plume incroyable de Victor Remizov au moyen de descriptions magnifiques de réalisme : chasseurs, pêcheurs, miliciens, hommes, femmes, jeunes et vieux, nous découvrons la vie si caractéristique de cette société du bout du monde, ses codes, ses difficultés. Des hommes qui boivent la vodka comme de l'eau plate. Des femmes qui semblent être la seule planche de salut de ce petit microcosme. Des personnages rudes, taiseux, alcooliques, touchants, à l'image des paysages arides de cette contrée glacée. Un incident mal interprété entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg dans tous ses états. Ce sera le début de la fuite du chasseur, puis de sa traque en pleine taïga ainsi que d'une prise de position de chacun dans le village, certains étant pour aider le chasseur, d'autres pour l'attraper et le punir. Mais autant chercher un aiguille dans la taïga…Un événement propice à la réflexion sur les notions de liberté, d'orgueil, de soumission.

Sensible aux plumes poétiques, celle de Victor Remizov sait allier les descriptions poétiques de paysages, celles plus épiques des personnages, il sait distiller un certain suspens tout en faisant passer ses messages politiques…une très belle plume !

« Il gelait légèrement, un soleil rouge se couchait dans la toundra bistre recouverte de neige, plongeant derrière les lointaines cimes blanches pointues des montagnes vers lesquelles les hommes étaient partis. Les nuages vaporeux et plats, s'étaient gorgé des couleurs du couchant qu'ils transportaient vers l'autre extrémité du ciel, vers l'est. Là, le rose tendre s'épaississait, s'écoulait à flots réguliers formant tout en bas, un liseré bleu-vert et violet sombre ».

Liberté d'aller vivre au rythme de la nature, seul, même dans des conditions extrêmes, liberté de s'opposer aux décisions parfois contradictoires toujours corrompues du pouvoir de la base au sommet en cette Russie post-communiste, liberté de changer de vie lorsque celle-ci n'offre plus de perspective ni de sens. Liberté pour contrer l'absurde et la soumission. Ce livre évoque tout cela de très belle et poétique manière. Un premier roman à découvrir !

« Il s'adossa à l'encadrement de la porte, abasourdi par le silence de la taïga et la lumière. Une douce joie pénétrait dans son âme avec l'air froid. Une vie authentique l'attendait, une vie pleine, absolument limpide. Elle régnait tout autour de lui, il suffisait de franchir le seuil. C'était sa vraie liberté, absolue, divine en ce monde. Il ne croyait à aucune autre ».
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La Russie post communiste.
Sibérie, sur les côtes de la mer d'Okhotsk.
Un mois d'octobre, sur les rives de l'Ioukhta, dans le cadre du
rituel parfaitement rodé de la nature au coeur de la taïga, Guenka
chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, amoureux de la taïga et de la chasse,
pêche à la senne.
Ainsi débute ce magnifique mais difficile voyage à travers l'immensité sibérienne, que nous offre Victor Remizov dans ce premier roman foisonnant de personnages.
C'est l'ouverture de la saison de la chasse. Chasseurs, pêcheurs et milice locale s'entrecroisent dans ces contrées perdues, dans la taïga sous la neige avec ses zibelines, élans, cerfs, loups.... superbement décrite dans ses moindres frémissements.

Même loin de Moscou, "les patrons" toujours présents, carburent sur place à l'alcool et aux filles. Les chefs de milices, gouverneurs des chef-lieux, aux emplois trés convoités -même qu'il faut payer pour avoir la place- selon l'ampleur du business, sous déguisement d'autorité font fonction de mafia locale. Ils rackettent, fixant leurs propres lois. Face à ces hommes maîtres du bourg, les chasseurs et les pêcheurs, maîtres de la taïga ( " il n'aimait pas que la vie du bourg empiète sur la chasse...").
Un incident entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg et la taïga en ébullition.....

De magnifiques portraits d'hommes superstitieux, attachants et touchants, dont l'insoumis Kobiakov,chasseur/ pêcheur , Tikhi, chef de la milice, Choura, dit l'Etudiant en quête de justice, Balabane, le musicien courageux, Jebrovski, l'ex businessman en quête d'une nouvelle vie.......et bien qu'au second plan, des femmes fortes et pleines de vitalité.

Le titre du livre " VOLIA VOLNAÏA" qui littéralement signifie " volonté ou liberté de l'individu d'utiliser son libre arbitre ", résume parfaitement cette oeuvre qui raconte les hommes et leur volontés d'être libre dans l'Extrême-Orient russe, de nos jours; Une liberté que leur octroie la nature mais pas la société des hommes. Moscou, bourg ou taïga, le pouvoir est partout, et pourri ! Bref, comme dit Choura," Je crois que nous ne faisons plus de différence entre le bien et le mal ".
Un bel aperçu de la Russie de Poutine ! qui fait mal au coeur.....


"Il aimait cette immensité dont il était, qu'on le veuille ou non, le maître...... chemin absurde vers la liberté ! "
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«  La taïga était silencieuse .
« De petites paillettes voltigeaient dans l'air , tombant du ciel, de l'obscurité cosmique où tout allait certainement bien mieux que sur terre, puis se déposaient sur les rondins gris près de l'isba .... »

Extrait de ce roman russe d'une grande richesse ( je remercie chaleureusement Idil qui m'a fait acheter cet ouvrage....) Grand merci vraiment 😀.

Il nous emporte très loin, au coeur de la taïga, dans l'immense Sibérie Orientale en Russie post- communiste : Rybatchi où tous les habitants sont chasseurs , pêcheurs....braconniers....Guennadi Milouitine dit « Guéna »aime pêcher à la senne avec Michka, , son fils aîné....il chasse la zibeline ..

Au bout du monde, les habitants de Rybatchi tirent leurs principaux revenus du trafic illégal d'oeufs de saumon et de la pêche, activités formellement interdites par la «  milice » en échange d'une taxe de 20 %, un impôt payé tout à fait discrètement aux autorités corrompues en Cash ...


Ces hommes courageux aux habitudes originales et pittoresques passent plusieurs mois dans ces contrées , loin de leurs familles, seuls dans des isbas rudimentaires ...

L'auteur s'attache à explorer l'âme de ces hommes éternellement épris de liberté tel des brigands au coeur de paysages grandioses ... époustouflants...

Entre vent de révolte , désobéissance civile, pagaille, braconnage, chant d'amour pour cette nature indomptée, le silence et la beauté de la forêt enneigée, l'auteur critique férocement la corruption généralisée, cette gangrène qui a volé les rêves que l'on a remplacé par du fric, « ce pouvoir qui est pourri partout », pareil à Moscou , ces enfants dégénérés , pourtant la Sibérie a toujours été libre !

Victor Remizov attaque ce pouvoir arbitraire qui n'aime que lui- même ....violent ,exercé à l'aveugle, sans justice !

Il décrit à l'aide d'une écriture élegante et poétique aussi bien les chevilles déliées , les hanches étroites de Macha, l'amie de Sania, : « sa taille fine et ses fesses fermes » que la trogne rouge des époux Gnidiouk: elle plantureuse, cuisinière hors pair avec « un ventre et un derrière sacrément proéminents » , nommée «  petite maman ».au visage presque carré »......

Faut - il choisir la retraite dans la taïga ? Très loin mais enfin libres ?
Ou la voix de la révolte , de la violence , de l'affrontement dans ce pays où l'emeute devient politique ?
Nature grandiose, esprit de liberté Imprègnent ce roman foisonnant de personnages où lourd labeur , travail épuisant au coeur de l'immense taïga cachaient la beauté du monde , où ces hommes devaient affronter une époque de dérèglement ?

Dilemme ...

Une très belle oeuvre visuelle , imagée qui parle et chante au lecteur comme une liqueur forte ou un film, une chasse à l'ours qui se transforme en chasse à l'homme !

Pour les amoureux de la nature et des grands espaces !


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Il n'est pas nécessaire de chasser la zibeline ou de pêcher le saumon dans le grand froid de la Taïga ni de se gorger de vodka jusqu'au bout de la nuit, pour aimer ce roman d'un auteur russe que je découvre ici, Victor Remizov. Volia Volnaïa, c'est le parti pris de la liberté, de l'évasion dans l'immensité sibérienne. D'ailleurs Volia Volnaïa peut se traduire par « liberté libre » en français.
Victor Remizov nous donne ici rendez-vous au coeur de la forêt boréale et des grands espaces de la presqu'île de Rybatchi, en Sibérie orientale, parmi une foule de personnages rustres et attachants, dont je suis incapable cependant d'avoir retenu tous les noms, d'autant plus qu'ils sont tous affublés de surnoms. Allez, je vous en livre quelques-uns : Guennadi Milioutine, dit Guenka ou Guena, Alexandre Mikhaïlovitch Tikhi, dit Sania ou Mikhalytch, Stepane Kobiakov, di Kobiak, Alexandre Ivanovitc Goussev, dit Onc' Sacha, Vera Milioutina ou Verka…
Nous voici plongés dans la Russie post-soviétique où les pratiques des autorités ne sont guère recommandables, vous allez voir, mais dont la population locale s'accommode très bien, vous allez le voir aussi.
Nous sommes en octobre, sur les rives de l'Ioukhta, alors que va débuter la saison de la chasse. Rybatchi, c'est ce petit village russe de Sibérie. Ici, tous les habitants sont chasseurs, pêcheurs, ou plutôt tous sont braconniers devrais-je préciser. Les habitants de cette contrée lointaine vivent principalement du trafic illégal d'oeufs de saumon et de peaux de zibeline, activités illicites, qui devient tolérées dès lors qu'on s'acquitte d'une taxe de vingt pour cent auprès de la milice locale. Cette milice est elle-même aux mains d'un pouvoir arbitraire tenu par des chefs mafieux qui rendent des comptes auprès des autorités russes par l'intermédiaire des membres du FSB, marionnettes dont les ficelles sont tirées par le maître du Kremlin.
Tout bascule un jour par un accrochage qui dégénère entre un braconnier et le chef de la milice, l'incident va mettre la bourgade dans tous ses états. Ce sera le début de la fuite du chasseur, puis de sa traque en pleine taïga ainsi que d'une prise de position de chacun dans le village, la communauté se divise, certains prenant partie pour aider le chasseur, d'autres pour l'attraper et le punir.
J'ai été tout de suite séduit par la dimension romanesque du récit, sa force d'évocation, la capacité de l'écrivain à me happer pour me raconter une histoire avec un sens étonnant de la description, une manière de convoquer des personnages hauts en couleurs et de les mettre en scène, une dérision qui fait mouche.
Les paysages grandioses de la Taïga surgissent avec bonheur parmi les pages du récit, portés par une écriture éblouissante.
Volia Volnaïa, c'est un monde immense, somptueux et terriblement romantique.
Faut-il préférer la liberté ou la soumission, opter pour la révolte et le changement dans un pays en ruine ou choisir le sacrifice, comme une nécessité ? Telle est la question posée par ce roman qui n'hésite pas à convoquer l'absurdité d'un monde en perdition pour tenter de nous éclairer.
J'ai parfois regretté durant ma lecture que les personnages féminins soient si peu présents car l'apparition de certaines d'entre elles apporte chaque fois une nouvelle lumière au paysage, elles semblent détenir la clé déterminante pour toucher le coeur de ces hommes. Mais après tout, on est dans le monde des chasseurs, monde que je ne connais pas du tout sauf quand je fais mon jogging dans les bois certains dimanches d'hiver et qu'à leur simple rencontre j'améliore nettement la vitesse de ma foulée. Pour un peu, Victor Remizov m'aurait presque réconcilié avec l'univers des chasseurs dont la représentation que je m'en suis faite jusqu'à présent me tenait éloignés d'eux autant que peut l'être la grenouille vis-à-vis du crocodile dans le marigot.
Quête identitaire, corruption du pouvoir, nature immuable sont les thèmes qui s'entrecroisent et s'articulent dans cette fresque picaresque de haut vol où le ton est donné avec humour et poésie pour en faire une satire politique où le régime russe en prend plein pour son grade.
Volia Volnaïa, c'est un endroit où s'affrontent les combats intimes, d'où émergent les victoires contre soi-même.
Volia Volnaïa, c'est une plongée presque en apnée dans une contrée hostile où l'histoire traverse le récit sans altérer l'âme des hommes.
J'y ai vu un bel hymne à la liberté.
Ayant une grande affection pour les auteurs russes du XIXème siècle, me voici découvrant la littérature russe contemporaine par l'entremise de ce talentueux Victor Remizov dont la liberté de pensée ne peut qu'inspirer l'admiration, forcément la crainte hélas aussi pour lui, pour sa vie…
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Nous sommes en Sibérie, dans le petit village de Rybatchi, proche de la mer, en octobre, alors que va débuter la saison de la chasse. Ici tout le monde se connaît, les hommes sont chasseurs, pêcheurs. Il faut bien vivre dans la Russie post communiste, où règnent des flics pourris, miliciens qui rackettent les pêcheurs : on ferme les yeux sur la pêche illégale des oeufs de saumon, qu'ils appellent l'or rouge, moyennant une commission de vingt pour cent…

Un incident survient, Kobiakov furieux que son véhicule soit fouillé par l'un des ripoux, ne se laisse pas faire, emboutit la voiture des policiers, coup de feu échangé sans blesser personne sauf l'orgueil dudit ripou et Kobiakov est obligé de partir à pied avec son chien sur son terrain de chasse, dans la taïga, en évitant ses isbas refuges : il est devenu un « criminel en fuite » pour crime de lèse-majesté…

On va faire ainsi un superbe voyage, dans la solitude des montagnes enneigées, magiques quand on les connaît bien (et même si on ne les connaît pas d'ailleurs !) et rencontrer des personnages fascinants, courageux, épris de liberté. On suit bien sûr Kobiakov sur la trace des zibelines, qu'on appelle « l'or mou », et pour se nourrir il faut abattre d'autres espèces. Cet homme parcourt des centaines de kilomètres à pied, comme on en parcourt cinq ou dix, respecte la nature, ne chassant que pour se nourrir, lui et son chien. Dans la région, les orpailleurs d'autrefois ont laissé la place à l'or mou et à l'or rouge…

On a un autre chasseur, Jebrovski, un nanti qui s'est enrichi de manière plus ou moins honnête et qui vient pour la deuxième année sur le terrain de chasse qu'il a acheté l'année précédente : il était arrivé en hélicoptère la première fois, et il s'étonne que les autres ne l'apprécient guère et l'appellent le Moscovite ». Il n'y connaît pas grand-chose mais veut vivre des sensations fortes, en utilisant d'autres hommes du village pour l'emmener, dégager le passage, tronçonner les pins…

Côté policiers nous avons le lieutenant-colonel Tikhi, qui doit bientôt être muté, et tente à tout prix de régler cette affaire à l'amiable, qui lui-aussi touche des sous, même si c'est à contre coeur et qu'il a brûlé les premières enveloppes de billet dans la cheminée sous l'emprise de la vodka, et qui remettre en question ses choix de vie. Il est entouré de deux autres miliciens, celui qui a déclenché les hostilités car il est prêt à tout pour progresse et n'est même pas originaire du coin.

Le troisième, (Vaska Semikhvatski) vit comme un pacha, tellement il a touché avec ses vingt pour cent, et veut partir seul à la recherche de Kobiakov.

Parmi les villageois, on a aussi Choura qui rêve de révolution, mais reste dans la théorie, et que l'on surnomme « l'étudiant » et un autre personnage, un musicien, Balabane, cheveux longs, mèche qui tombe sur le front, qui chante en s'accompagnant à la guitare, qui sirote sa vodka au bar du coin, toujours penché sur un livre, plein de mystère…

Étant donné l'escalade, les grands pontes de la police de Moscou, tout aussi corrompus sont prévenus et on envoie pour l'exemple l'unité d'élite, l'OMON, des militaires qui ont servi en Tchétchénie ! et qui ne savent faire que le nettoyage par le vide….

J'ai un peu de mal au départ, car la chasse et moi, cela fait deux, et la souffrance animale m'est insupportable, mais j'ai mis mes pieds dans les traces de Kobiakov dont j'ai beaucoup aimé, le respect de la nature, la liberté d'esprit. Les ruminations de Tikhi donnent lieu à des phrases superbes, les personnages secondaires sont tous attachants, avec leurs qualités et leurs défauts, à par le nazillon de service.

« En cela, tous les gars du coin se ressemblaient : ils voulaient une vie libre. Même au prix d'un pouvoir inique. Or un pouvoir inique corrompt même la liberté. »
J’ai failli oublier les femmes dans cette belle histoire : elles sont loin d’être absentes du récit, elles ont un caractère bien trempé, une résistance plus en douceur, plus réfléchie à la situation, qu’il s’agisse de Macha, la compagne de Tikhi, ou de Olia sa secrétaire, ou les compagnes des personnages secondaires. Quant à la femme du Moscovite, qui brille par son absence, on sent en fait sa présence lancinante en toile de fond, vu l’état du couple…

Viktor Remizov décrit très bien l'importance de la corruption dans son pays, ceux qui l'acceptent car c'est devenu une fatalité et ceux qui se révoltent pour plus de justice, et on sent son affection pour ces chasseurs, pêcheurs, ces hommes qui travaillent et voudraient vivre honnêtement de leur travail, et l'importance de l'amitié, des liens qui se tissent entre eux.

J'ai aimé aussi la réflexion sur la liberté, liberté des grands espaces, liberté d'esprit, et la critique de la Russie de Vladimir Poutine qui leur ferait regretter l'époque de l'URSS et tout le monde rigole sur les tours de passe-passe des élections et le roque (clin d'oeil aux amateurs d'échecs) terme sous lequel il désigne l'élection de Medvedev comme président et Poutine devenant premier ministre : « nos présidents, je ne sais même plus qui est au pouvoir en ce moment ». Maintenant, Vladimir ne se donne même plus la peine de procéder au tour de passe-passe, il a fait modifier la consultation pour régner au moins jusqu'en 2036 !

Comme le dit la traductrice :

« Volia volnaïa, « liberté libre », comprend l'idée de grands espaces à parcourir et de risque, souvent associée à la figure du Cosaque, du guerrier, du bandit. Volia signifie à la fois liberté et volonté. »

J'ai beaucoup pensé à Sylvain Tesson et à Andreï Makine en parcourant la taïga, les espaces enneigés, le silence…

Comme dans beaucoup de romans russes, la vodka occupe une place importante, c'est pratiquement un personnage du livre. J'ai adoré cette histoire, et l'écriture si belle de Victor Remizov que j'ai retrouvé avec un immense plaisir car je l'ai découvert, l'année dernière grâce à NetGalley, avec son deuxième roman « Devouchki » qui était déjà un coup de coeur.

https://leslivresdeve.wordpress.com/2019/02/17/devouchki-de-victor-remizov/

Je connais encore mal les auteurs russes contemporains, à part Victor Remizov et Andreï Guelassimov, alors que j'adore les auteurs russes du XIXe, mais j'essaie de combler mes lacunes…

Donc, un immense coup de coeur une nouvelle fois pour le roman et l'auteur dont j'attends le prochain livre avec impatience, en espérant que le régime ne l'enverra pas en prison car la liberté de pensée n'est pas la bienvenue…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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critiques presse (3)
LePoint
18 avril 2017
Victor Remizov nous entraîne au bout du monde russe, entre braconnage et vent de révolte. Un chant d'amour à lire absolument.
Lire la critique sur le site : LePoint
Actualitte
16 mars 2017
Un souffle lyrique, une quête identitaire complexe, des paysages époustouflants, des habitudes de vie singulières, si pittoresques… C'est certain, le voyage ne se refuse pas.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
10 mars 2017
Plongée dans une contrée hostile où l'histoire passe sans altérer l'âme des hommes.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (84) Voir plus Ajouter une citation
L'air était empli d'échos. Durant ces journées où Guenka remontait la rivière, allant d'une maison forestière à l'autre, le soleil était resté éclatant dans le ciel bleu. Les mélèzes faisaient tomber leurs aiguilles sur les bancs de galets. Jaunes ou grises, elles virevoltaient dans l'air sonore, petites toupies légères et rapides, avant de se figer à la surface transparente de l'eau ; elles coulaient doucement au même rythme que le ciel. Leur masse dorée bordait les rives d'un tendre liseré. C'était le temps le plus agréable : il gelait légèrement ; la nuit, la température descendait à moins dix. La glace, ne fondait pas sur les flaques. Le matin, les rives sablonneuses étaient saisies par le froid, on pouvait marcher dessus comme sur du macadam. La rivière exhalait de la vapeur, les pierres et les branches sortant de l'eau étaient ornées de givre blanc.
Guenka attendait la neige.
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De la mer, la route obliquait vers les montagnes, se perdant parmi les arbustes de la toundra. De petits lacs brillaient au soleil, les marécages exhibaient leur mousse fauve et rouge. Bientôt, le véhicule commença à monter en diagonale au milieu de mélèzes clairsemés tout rabougris.
Les vents soufflant de la mer mutilaient les arbres en les déformant bizarrement, en les tordant, en leur imprimant toutes sortes de formes qui ne réjouissaient l’œil de personne. Alexandre Mikhaïlovitch se demandait toujours à qui profitait le fait qu"un mélèze, tout svelte à l'origine, se transforme en une espèce de reptile à queue avec deux têtes.
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La taïga était silencieuse. De petites paillettes voltigeaient dans l'air, tombant du ciel, de l'obscurité cosmique où tout allait certainement bien mieux que sur terre, puis se déposaient sur les rondins gris de l'isba. La lune se montra en entier au-dessus des montagnes, éclairant les pentes blanches où des masses de roches formaient des taches noires, les cimes environnantes se fondaient dans le ciel éclairci. Les mélèzes sur la clairière, les pins nains sur l'autre rive du ruisseau projetaient des ombres nettes sur la neige.
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C’était probablement parce que les ombles ne périssaient pas qu’ils n’avaient pas la même force vitale : ils étaient toujours moins nombreux que les saumons de mer. Trop craintifs, ils capitulaient là où ils auraient pu l’emporter, alors qu’une femelle de saumon pas très grosse n’hésitait pas à se jeter sur un banc d’ombles en défendant son nid et les mettait en fuite. Il s’agissait de deux philosophies différentes. Les uns vivaient et se protégeaient, mesquins, les autres se sacrifiaient, et cela les rendait forts.
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Le soleil descendait derrière la montagne, la rive opposée était dejà d'un bleu sombre, seules les crêtes enneigées au sud restaient éclairées. Le Iélovoïé se chantait une berceuse à lui-même. En refroidissant, la glace se craquelait sur toute la surface, des craquements sonores roulaient d'une rive à l'autre, tonitruants, effrayants, l'écho se démenait entre les rochers, puis s'envolait vers le ciel vespéral. Et de nouveau, déflagrations et hurlements reprenaient. On eût dit qu'un immense vase de cristal se brisait interminablement dans une séquence au ralenti. Le ciel grondait sans cesse au-dessus du lac Ielovoïé.
Le froid devenait intense.
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