Tous les pouvoirs sur cette pauvre terre, qu'ils aient été temporels ou spirituels, ne s'y seraient-ils assis que par la force et la violence ?
Ce livre de Jacques Rennes, "Annaïk", est déroutant, presque dérangeant.
C'est un récit du sixième siècle sur l'occupation de la Gaule par les Franks.
A une époque, aujourd'hui perdue dans les brouillards du temps, des Cambriens venues de la Grande-Ile donnèrent son nom à la Bretagne.
Un village fut bâti dans la forêt de Vannes.
Son roi avait pour nom Urien.
Son barde, Aneurin, avait mission de tenir, sans y manquer un nom, la généalogie de la maison dont il faisait partie.
Un moine, Faustinus, envoyé du pape, vint un jour s'assurer que, dans toute la province d'Armorique, les chrétiens bretons reconnaissaient pour leur patron et pour leur chef commun l'évêque de la ville éternelle.
Derrière lui, s'avançait la horde des Franks, la hache levée ...
Ce livre est à la croisée du roman historique, de la parabole et de l'ouvrage régionaliste.
Il a été publié, en 1947, à "L'amitié par le livre", une collection crée, vers 1930, par Camille Belliard à Querqueville, et transportée d'abord à Saint-Vaast-la-Hougue, puis à Blainville-sur-Mer dans la Manche.
Camille Belliard était un instituteur pacifiste, et un poète engagé.
Il fut le fondateur, à "l'aérium" de l'île de Tatihou, en face la Hougue, d'un projet pédagogique visant à aider des jeunes à se réinsérer dans la société, en leur donnant un niveau scolaire suffisant.
Il fut aussi, dès 1925, directeur du journal "Les primaires", une revue indépendante d'étude, de littérature et d'art.
Mais je m'égare, je m'égare ...
Ce livre, "Annaïk", s'intéresse à une époque de notre Histoire rarement visitée par la littérature.
C'est un livre dur et violent, écrit dans un style flamboyant.
Il montre la jeune religion catholique usant de tyrannie politique.
Mais le récit n'est pas vraiment prenant.
Il est même parfois un peu confus.
Le véritable intérêt de l'ouvrage est ailleurs.
Il est dans le contexte, dans ce décor d'un monde naïf et cruel où le pape et dieu absolvaient le mensonge puisqu'il s'agissait du service de l'église.
En jeu était la conversion entière de la Bretagne, et sa soumission à l'église romaine ...
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Urien ne pouvait concevoir, en son ampleur historique, l'alliance de l'Empire et du Saint-Siège ; mais sur le plan de sa propre situation, il discerna nettement la conjonction prochaine du moine avec le barbare qui campait sur l'autre rive de la Vilaine ...
- Père, dit Annaïk à voix basse, c'est un chant breton ; et nous le connaissons bien ... ; c'est celui de l'amant fidèle à la liberté ...
- Ce sont tes frères qui te prient, poursuivit Aneurin. Je suis barde breton, du pays au nord de Vannes ; celle-ci est ma fille ; et nous descendons des cambriens de la Grande-Ile qui passèrent la mer, au péril de leur vie, plutôt que de subir le joug des saxons maudits ...
- Est-ce Dieu, demanda l'évêque, qui fait précéder l'armée des Franks d'horreur et d'épouvante et la fait suivre de la mort, de la ruine et de l'esclavage ? ...