Mais si, elle va bien.C’est normal. Il faut qu’elle s’adapte. Elle va s’y faire. Foutaises Comment peut-on sadapter à cela? Qui voudrait vivre ainsi .Qui voudrait mourir là ?
Je dis: « Ma mère ne s'y fera jamais, je la connais. -Mais si, voyons, »
Je dis: » Elle pleure tous les jours au téléphone. -Elle vous fait la comédie. Ils sont tous comme ça. »
Et je déteste plus que tout I’infantilisation, le déni,le pluriel, l’amalgame, tous ces vieux enfermés dans le même panier, ils sont tous comme ça , quand ils n’ont pour seuls points communs que leur âge et leur dependance. Tu ne t’es pas adaptée,tu as renoncé,c’est tout.
Être obligée de faire sur soi, dans un hall encombré de monde.
Faute de moyens et de temps, on te rendra incontinente,puis grabataire, en quelques semaines seulement
Je n’en veux pas aux gens qui travaillent ici,aucune charge personnelle. Cest tout le fonctionnement qui pèche. Comment être humain, sans humains?
Laisser le temps à la prévenance, et la place à la dignité, cela suppose des moyens, et surtout des gens disponibles.
Le personnel est en sous-nombre, plutot gentil, toujours pressé. Interchangeable, aussi. Souvent des visages nouveaux. Et dans les résidents, des rangs qui se clairsement des visages qui s’effacent, que jr ne croise plus, remplacés par d'autres aussitôt.
J'assiste à mon délabrement, je suis le témoin de ma ruine Pus tard, en te veillant. je me verrai dans un lit d’hôpital, les yeux fermés à double tour, ou le regard perdu d'angoisse, la bouche ouverte sur des cris, des paroles confuses, Ma mort, je la vivrai par anticipation.
Tous les deux, à la fin de leur vie- et pour des raisons différentes-, ils ont été privés de lecture, de parole, et se sont retrouvés condamnés au silence.
De toutes les avanies qu'ils ont eu à subir, c'était sans doute, pour eux, la pire.
Celle qui m'a le plus peinée.
Les dix dernières années sont passées dans un souffle. Les dix prochaines se calculeront en secondes. Les suivantes, si je les vis, seront un battement de cils.
C'est ce que j'essaie de faire, à ma mesure, en te faisant remonter le cours du temps, parler de tes souvenirs, réciter des poèmes. Et toi qui te perds inexorablement dans ta journée d'hier, tu me récites La Fontaine sans te tromper d'une virgule.
Cette ride soucieuse là, elle est venue ces derniers mois. C'est une cicatrice d'inquiétude. Un faux pli dans la soie de la sérénité.
Si vieillir est inéluctable, vieillir mal n’est pas obligé.
Quel que soit son visage, la mort de ceux que nous aimons nous saisit à la gorge. Pour beaucoup d'entre nous, c'est la violence ultime.
Tant que tu respirais, tu étais immortelle.