Les photos ne mentent pas.
Aujourd’hui, je regarde à nouveau celle de 1931.
Décor : le jardin ; l’angle au pied du mur de l’atelier de verrerie ; l’étroit hangar surmonté d’un linteau de bois sur lequel quelqu’un a écrit à la peinture blanche : « Amon nos-ôtes » (« Chez nous », en wallon).
Personnage : enfant portant chaussettes blanches, petites chaussures blanches à boucle, tablier aux poches appliquées brodées ; le bras gauche, potelé, abandonné le long du corps ; l’autre bras replié pour tenir ouverte une ombrelle de dentelle blanche sur laquelle se détache la boule sombre des cheveux lissés sur une oreille, et se relevant en boucle sur l’autre joue.
Au verso de l’image, aucun prénom.
...
Tata me dit de ne pas rire tout haut.
Maman pourrait en effet se rendre au
deuxième étage et, intriguée par mes
gloussements, entrer dans la chambre de sa
sœur. Est-il arrivé, quand même, que ma
mère y pénètre soit par hasard, soit pour
apprendre la raison de mes rires et de nos
chuchotements ? Je ne crois pas qu’elle ait
jamais condamné ces jeux. Le décor
d’ombre et la présence des deux corps dans
le lit en pleine journée ne l’ont-ils pas
surprise, inquiétée, choquée ?
Toujours est-il que soit elle ne s’en
étonnait pas, soit elle ne croyait pas
judicieux d’interdire ce scénario, ou elle
n’osait pas s’opposer aux comportements de
sa sœur, ou enfin elle s’en foutait.