Compte tenu du succès modeste de ses premières tentatives dans les
récits préhistoriques, J.-H. Rosny aîné avait laissé de côté le genre à la fin du XIXe siècle. Mais il va y revenir avec
La guerre du feu : roman des âges farouches, paru d'abord dans la revue Je Sait Tout en 1909, puis en volume en 1911, avec cette fois une large reconnaissance du public, succès qui ne s'est jamais démenti depuis. Il explore dans ce livre une autre époque de la préhistoire que dans les ouvrages précédents, la plus ancienne, nous sommes « aux temps où l'homme ne traçait encore aucune figure sur la pierre ni sur la corne, il y a peut-être cent mille ans ».
Une époque pendant laquelle l'homme était vulnérable, peu outillé ; la possession du feu lui donnait un grand avantage sur les animaux et l'aidait grandement sans sa survie. Mais dans le roman, la tribu auquel appartient le héros principal, Naoh, ne sait pas le faire naître, elle est juste capable de l'entretenir, lorsque d'une façon ou d'une autre, il vient dans ses mains.
Au début du roman, c'est la catastrophe : non seulement la tribu a été décimée par un groupe ennemi, mais ses adversaires ont éteint le feu de la tribu. La façon la plus directe d'obtenir de nouveau le feu, est d'aller le voler à un autre groupe. le chef, Faouhm, promet à celui qui réaliserait l'exploit, sa fille et la fonction de chef après lui. Deux prétendants se font face : Noah et Aghoo, une brute épaisse. Noah, très attiré par la fille de Faouhm, est décidé à remporter la bataille ; il choisit deux jeunes gens pour l'accompagner, Nam et Gaw. Ils vont faire un long voyage, connaître des aventures sans nombre, affronter des animaux, et encore plus dangereux, des hommes, dont les redoutables Mangeurs d'hommes et Nains rouges, rencontrer aussi une population moins belliqueuse, les Wah,chez qui il apprendra entre autres, l'art de faire jaillir le feu des pierres. Noah aura le temps de découvrir, de se découvrir aussi lui-même. Il reviendra ensuite vers sa tribu, et après un dernier affrontement avec le féroce Aghoo et ses frères, il sera prêt à remplir ses fonctions de chef.
Le livre a presque d'emblée eu un statut de classique de la littérature d'imagination, a connu des adaptations, dont la plus célèbre est le film de
Jean-Jacques Annaud. Il a déjà été vendu à près de 2 millions d'exemplaires, rien qu'en français ; malgré les années, et le fait que les connaissances sur la Préhistoire ont progressé, et rendu caduc certains aspects du livre, il continue à attirer le public.
Il faut reconnaître que Rosny l'aîné est un maître de l'intrigue, de l'enchaînement des péripéties, du suspens. Il ne laisse aucun moment de répit à ses personnages ni au lecteur. Les aventures se suivent à un rythme endiablé. En même temps, nous vivons un beau voyage, dans les paysages, dans la faune et flore préhistorique. Les personnages, même s'ils sont probablement très différents des véritables hommes de la préhistoire, sont très attachants, au-delà de l'aventure ; Noah se pose des question de sens, de la violence, du rapport à la nature et à l'animal.
Par rapport à ses
récits préhistoriques précédents, l'auteur est arrivé à créer une intrigue plus complexe, moins disparate, avec au centre la quête de ce Graal qu'est le feu pour ses personnages, avec toute la symbolique qu'on peut lui prêter. Les voyages de Naoh, les aventures et rencontres, prennent tout leur sens dans le cours de cette quête. Cela donne une grande cohérence à la construction du roman, les différents épisodes secondaires s'inscrivent harmonieusement dans l'ensemble.
C'est vraiment une grande réussite dans son genre, et il n'y a aucune raison que ce livre ne continue pas à être lu par de nouvelles générations de lecteurs.