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Citations sur La crypte des Capucins (36)

Oui, c'était bien là ma mère. Tout se déroulait comme si rien ne s'était passé, comme si je ne rentrais pas tout juste de la guerre, comme si le monde n'était pas en ruine, la monarchie détruite, comme si notre vieille patrie continuait d'exister avec ses lois multiples incompréhensibles, mais immuables, ses us et coutumes, ses tendances, ses habitudes, ses vertus et ses vices. Dans la maison maternelle, on se levait à sept heures même après quatre nuits blanches. J'étais arrivé aux environs de minuit, la pendule de la cheminée, avec son visage de jeune fille las et délicat, frappa trois coups. Trois heures de tendre épanchements suffisaient à ma mère. Lui suffisaient-elles ? En tout cas, elle ne s'accorda pas un quart d'heure de plus. Elle avait raison. Je m'endormis bientôt, dans la pensée consolante de me trouver chez nous. Au milieu d'une patrie détruite, je m'endormais dans une forteresse inexpugnable. De sa vieille canne noire, ma veille maman écartait de moi tout ce qui aurait pu me troubler.
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J'appris ainsi que le printemps, l'été, l'automne, mon cousin Branco était un paysan dévoué à sa terre et, l'hiver, un marchand de marrons. Il possédait une peau de mouton, un mulet, une petite voiture, un réchaud et cinq sacs pour sa marchandise. Ainsi équipé, tous les ans, au début de l'automne, il prenait la route afin de parcourir quelques pays de l'ancienne monarchie. Mais quand un endroit déterminé lui plaisait particulièrement, il lui arrivait aussi d'y passer l'hiver tout entier, jusqu'à la venue des cigognes. Puis il attachait ses sacs vides sur le mulet et gagnait la prochaine gare. Il embarquait son matériel, rentrait chez lui, redevenait paysan.
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" Il n'y a pas de noblesse sans générosité, tout comme il n'y a pas de désir de vengeance sans vulgarité. "

(page 33).
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C'était là évidemment une de ces idées qu'on traite dédaigneusement de «romantique». Eh bien ! fort éloigné d'avoir honte de ces idées, j'affirme encore aujourd'hui que, ma vie durant, mes conceptions romantiques m'ont plus rapproché de la réalité que les rares idées non romantiques que je n'ai pu accepter qu'en me faisant violence. Quelle sottise que ces dénominations traditionnelles ! Veut-on leur reconnaître malgré tout droit de cité, je l'admets, mais je crois avoir remarqué à tout propos que le soi-disant réaliste occupe dans le monde une position tout aussi inaccessible qu'un retranchement de ciment et de béton, alors que le soi-disant romantique se présente comme un jardin public où la vérité trouve libre accès.
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Peut-être aussi avait-elle fini par s'accommoder de la loi cruelle qui force les fils à oublier bientôt leur origine, à considérer leur mère comme une vieille dame, à ne plus se souvenir du sein qui les a nourris. Loi constante qui oblige aussi la mère à voir le fruit de ses entrailles croître de plus en plus, lui devenir de plus en plus étranger, à le constater d'abord avec douleur, puis avec amertume, enfin avec résignation.
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Il y avait plus de trois ans que j'aimais Élisabeth. Mais les seize heures en perspective me paraissaient longues comparées aux années écoulées, et cela contrairement à ce qu'on eût dû attendre. C'est que les choses défendues passent vite, les choses permises au contraire sont marquées au signe de la durée.
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À mon avis, la soumission effroyable des générations actuelles à un joug plus effroyable encore n'est compréhensible et pardonnable que si l'on considère qu'il est dans la nature humaine de préférer au chagrin particulier la calamité générale qui dévore tout. Une grande calamité submerge rapidement les petits embêtements, la poisse, si je puis m'exprimer ainsi. Et voilà pourquoi, en ces années-là, nous chérissions notre immense désespoir.
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- Parfait, s'écria le comte Chojnicki, voilà mon homme. Je ne suis pas patriote, vous savez, mais j'aime les gens de mon pays. Un État complet, une patrie, c'est quelque chose d'abstrait. Mais un compatriote, c'est quelque chose de concret. Je ne puis pas aimer la totalité des champs de blé et de froment, toutes les forêts de sapin, tous les marais, tous les messieurs et dames de Pologne, mais un champ déterminé, un boqueteau, un marais, un homme déterminé, à la bonne heure ! Cela je le vois, je le touche, ça parle une langue qui m'est familière, ça - et justement parce que individualisé - représente pour moi le summum de l'intimité. Au reste, il existe des gens que j'appelle mes concitoyens même s'ils sont nés en Chine, en Perse, en Afrique. Il y en a avec lesquels je me sens une familiarité à première vue. Un compatriote véritable, ça vous tombe pour ainsi dire du ciel, comme un signe de la grâce divine. Et si, par-dessus le marché, il se trouve avoir vu le jour sur mon propre sol, alors tant mieux ! Mais ce dernier détail ne relève que du hasard, tandis que le premier relève du destin !
Il brandit son verre en s'écriant :
- À la santé de mes concitoyens ! À mes concitoyens de toutes les contrées de la terre !
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Mais l'homme proclamait :
- Volksgenossen [Terme nazi pour camarades et citoyens], le gouvernement est renversé ! Un nouveau gouvernement populaire allemand a pris le pouvoir !
Depuis mon retour de la guerre, retour dans une vieille patrie, cousue de rides, jamais je n'étais parvenu à croire en un gouvernement quelconque, à plus forte de raison en un gouvernement populaire. Aujourd'hui encore - à la veille de ma mort, il m'est bien permis à moi, homme, de dire la vérité -, aujourd'hui encore donc, j'appartiens à une époque, en apparence ensevelie, où l'on trouverait tout naturel qu'un peuple fût gouverné, parce qu'il ne pouvait pas se gouverner lui-même sans précisément cesser d'être peuple. «Gouvernement populaire», à mes oreilles de sourd, si souvent traitées de réactionnaires, ces mots sonnaient comme ceux d'une femme chérie qui serait venue me déclarer qu'elle pouvait se passer de moi et que, afin d'avoir un enfant, elle devait, elle était absolument obligée de coucher toute seule dans son lit.
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C'est que les choses défendues passent vite, les choses permises au contraire sont marquées au signe de la durée.
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