L'amateur de récits d'espionnage est vraiment gâté par Akileos, qui publie pas moins de cinq excellents albums de "Queen and Country" en seulement huit mois.
Si cette série repose sur des récits indépendants, il est tout de même conseillé de lire le premier tome de "Queen and Country Déclassifié" avant d'entamer celui-ci. le premier tome de cette série parallèle qui propose des enquêtes hors chronologie visant à développer les personnages de
Greg Rucka ("Gotham central", "Whiteout") se concentrait en effet sur le patron de Tara Chace, avant que celui-ci ne devienne directeur des opérations. Souvenez-vous de cette mission d'exfiltration d'un réfugié politique à Prague menée par Paul Crocker et souvenez-vous de cette scène finale montrant tout le désarroi d'un Paul Crocker qui ne sera plus jamais le même après cette opération périlleuse en Europe de l'Est. C'est dans ce quatrième tome de "Queen and Country" que Paul Crocker va se faire rattraper par les fantômes du passé.
Après un premier tome (Queen & Country : Opération Terre brisée) qui permettait de suivre deux enquêtes, l'une au Kosovo et l'autre en Afghanistan, un deuxième volet (Queen & Country : Opération Crystal Ball) relatant le démantèlement d'un réseau terroriste passant par les Balkans et le Moyen-Orient et le précédent (Queen & Country : Opération Blackwall) basé sur une histoire d'espionnage industriel, "Queen & Country : Opération Storm front" propose une histoire de vengeance.
La principale force de cette saga est l'évolution psychologique des personnages au fil des aventures. Comme dans son autre série, "Gotham Central", l'auteur fait déteindre les éléments de chaque enquête sur la vie privée de ses protagonistes. C'est maintenant la mort d'un agent du Secret Intelligence Service (SIS) qui vient chambouler le quotidien des sections spéciales britanniques, tandis qu'un fantôme du passé incite Paul Crocker à mettre d'autres vies en danger. Au stress, aux dépressions, aux difficultés hiérarchiques et aux relations tendues, viennent maintenant s'ajouter la vengeance et la culpabilité. Un cocktail de sentiments qui met à l'épreuve le légendaire flegme britannique des agents de la couronne.
L'autre atout de cette saga est l'environnement ultra-réaliste dans lequel évoluent les personnages. le monde de l'espionnage décrit par l'auteur s'avère complètement pourri et le quotidien décourageant de ces hommes de terrain fait finalement ressortir toute l'ironie du titre de cette saga. Si l'action de ce tome nous propulse en Géorgie, au sein d'une mission des plus périlleuses, la véritable action, plus psychologique, se déroule au quartier général des agents britanniques. Chacun y bouge ses pions, motivé par des raisons aussi multiples que malsaines. Chaque action a ses répercussions sur le terrain et chaque mission a des séquelles sur la vie privée des protagonistes : magistral !
Un seul point négatif concernant ce quatrième tome : le dessin de Carla Speed Mc Neil, qui est tout de même beaucoup moins bon que celui de
Brian Hurtt sur le Déclassifié ou celui de
Jason Alexander sur le tome précédent. La lisibilité demeure très grande mais les sentiments des héros, les non-dits, les expressions passent beaucoup moins bien.
"Queen and Country" (Eisner Award : Meilleure nouvelle série, 2002) offre un mélange parfait (et incontournable) entre émotion, politique, action et espionnage.