Les écrivains français s'intéressent à la Première Guerre mondiale. On peut ajouter sans se tromper de beaucoup « commémoration oblige » … Il semblerait cependant qu'ils ne privilégient pas la guerre elle-même, les tranchées, la boue. Après
Au revoir là-haut de
Pierre Lemaitre et
Veuve noire de
Michel Quint, c'est l'après-guerre et ses rancoeurs qu'a choisi
Jean-Christophe Rufin dans
le collier rouge pour cette année du centenaire. Au-delà de descriptions déjà lues, c'est une période encore mal connue, propice aux bilans et aux remises en cause.
Aux premières pages, le lecteur pénètre avec le commandant Lantier du Grez, juge militaire, dans la cellule d'un homme de vingt-huit ans au parcours militaire exemplaire : pour acte de bravoure sur le front d'Orient, il est décoré de la Légion d'honneur alors qu'il n'est que caporal. Son incarcération en 1919 semble dès lors étrange : qu'a fait ce héros de la Grande Guerre pour se retrouver enfermé, seul prisonnier dans cette ville du Bas Berry par un été caniculaire qui préférerait ne plus entendre parler de la guerre ?
L'anecdote est véridique et permet à
Jean-Christophe Rufin d'aborder le thème du pacifisme chez ces soldats qui se sont tant battus. Il est aussi question de la Révolution russe et des espoirs qu'elle a fait naître dans les tranchées ; des anciens combattants qui ne sont plus poilus mais ne se laissent pas caresser pour autant dans le bon sens. C'est que ce Morlac n'est pas aimable, il ne regrette pas son geste et ne veut même pas affirmer qu'il aime son chien pour s'éviter le bagne. Pas plus qu'il ne veut avouer son amour pour Valentine, la mère de son fils, fille d'anarchiste à laquelle il doit ses convictions.
Entre idéologie politique et histoire d'amour,
le collier rouge est un bref roman qui convainc par la force de l'anecdote.
Jean-Christophe Rufin est efficace quand il brosse le portrait de cette petite ville accablée de chaleur, et même dans les relations entre Lantier et le clébard mal fichu. Moins dans les relations humaines qui demeurent assez superficielles. On aurait envie de mieux connaître ces personnages, de savoir par exemple pourquoi Lantier décide de quitter l'armée, quelle fut la jeunesse parisienne de Valentine, et les convictions profondes de Morlac.
La situation politique de la France, l'état des campagnes après la guerre, les revendications sociales des anciens combattants : autant de sujets alors d'actualité qui ne sont pas abordés, ce qui place
le collier rouge dans une sorte d'intemporalité étrange. Seule compte l'anecdote, dépouillée.
Jean-Christophe Rufin a choisi de ne pas pousser l'exploration psychologique, ce qui confère au roman un ton factuel ponctué çà et là de quelques percées poétiques.
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