La ligne droite est le plus triste chemin pour aller d'un point à un autre dit un proverbe oriental. En route donc pour un labyrinthe sinusoïdal !
Paolo Rumiz, écrivain, journaliste et voyageur italien, a recueilli dans ce volumineux carnet de notes ses impressions au cours d'un peu plus de trois années (2003-2006) de randonnées dans les Alpes et les Apennins.
La première impression de lecture est que ce pavé est destiné essentiellement aux Italiens, et plus particulièrement ceux de la région de Trieste. Mais, au fur et à mesure des pérégrinations, on réalise que nous sommes là dans une partie de l'Europe qui, loin des centres d'agitation industrielle, conserve des traditions de respect de la nature et de conscience aiguë d'être à un carrefour non seulement de la géographie (Alpes, Balkans, Méditerranée), mais aussi de l'Histoire (César, Napoléon, Hitler) et de cultures (italienne, croate, slovène, suisse, autrichienne,...).
le rapprochement avec
Sur la route du Danube d'
Emmanuel Ruben est évident : ici aussi, un voyageur cultivé et curieux va à la rencontre des hommes et femmes du paysage, de ceux qui connaissent la raison d'être de la toponymie locale et de ceux qui défendent bec et ongle la sérénité de leur vallée. Quel plaisir de les suivre dans leurs découvertes, leurs descriptions, explications et anecdotes ! On ressent soudain, à leur côté, combien nous ne sommes finalement que des nomades emprisonnés dans la modernité et on réalise tout ce que nous devons aux voyages, fussent-ils réalisés par procuration.
Vous aussi, enfourchez votre cheval d'acier imaginaire et partez à la rencontre "de braconniers, de poètes-hommes des bois, de sublimes vieillards, de chanteurs d'histoires, de villages fantômes et de momies des glaciers", franchissez les cols, contemplez les monts roses et blancs, surplombez le bassin versant du Danube, creusez des tunnels, allez d'Istrie en Pannonie, revenez vers l'ouest au travers des Dolomites et le Haut-Adige, plongez sur la Suisse et terminez à Nice en passant (à bicyclette) par Barcelonnette.
Qui sait ? Peut-être rencontrerez-vous un de ces sages qui ne mourra pas puisqu'il "naîtra à l'envers" et que son compte/conte à rebours le ramènera au pays de son enfance. Verrez-vous cet ours slovène qui vient chaparder dans les poulaillers sans jamais s'attaquer directement à l'homme ? Irez-vous dans cette vallée qui lutte à main nue contre l'entreprise hydroélectrique nationale ?
le respect de la nature, cohérent avec l'admiration que lui porte
Paolo Rumiz et qu'il nous fait partager, est le fil d'Ariane de ces notes apparemment décousues. Une belle leçon d'écologie appliquée donnée par ce passionnant voyage éclectique, historique, nostalgique et écologique.
Je pensais, sans doute naîvement, que l'autodénigrement était l'apanage des journalistes français, mais
Paolo Rumiz s'attaque volontiers aux comportements de ses compatriotes et les Italiens me sont encore plus proches après cette lecture : ils sont, de ce point de vue, nos cousins. Je n'ai regretté que l'absence d'une cartographie sommaire qui aurait aidé le lecteur à mieux situer les vallées visitées. Par ailleurs, je n'ai pas lu la seconde partie, proprement italienne puisqu'elle concerne les Apennins (qu'une personne un peu simple appelait les "Alpes nains"), me réservant le plaisir de pouvoir butiner, de temps à autre, un chapitre ou un autre de ce riche recueil.