La plage de la mariée

Papa a besoin d’attirer en permanence l’attention sur lui. Il ne peut pas s’en empêcher. Il est resté bloqué à sa crise d’adolescence. Mamie m’a dit que ça fait vingt-huit ans que ça dure et qu’à cet âge-là, on ne peut plus y faire grand-chose. À part le faire piquer, éventuellement. Et encore.

Le coeur dit oui, la tête dit non....

L'océan reflète la couleur du ciel, une sorte de gris perlé, dont les vagues querelleuses viennent s'échouer sur le sable mouillé ou se fracasser sur les roches, plutôt nombreuses par ici. Les embruns volent dans les airs. Et encore, il paraît que c'est calme.
- On est loin des tempêtes hivernales, me précise Gaël. Là, il s'agit juste d'un petit caprice météorologique.

Mes grands-parents aussi ont changé dans leur façon de regarder les choses et les gens.

Les maisons ressemblent à des aquarelles, la mer est aussi belle que changeante. Je n'ai pas encore assisté à une vraie tempête, mais je suis sûre que l'océan en colère offre un spectacle d'une force indescriptible. Et puis surtout...dans l'eau, j'ai pied plus loin qu'à Nice !

Tout en verrouillant la portière, je me fais la réflexion que la ville ne possède pas un grand charme. Lorient a été reconstruite après son bombardement, durant la Seconde Guerre mondiale. Il en résulte des immeubles modernes et un peu fades. Fort heureusement, quelques bâtiments rappellent le passé pourtant riche de la ville. A l'époque de la Compagnie des Indes, Lorient a pu prospérer avec le commerce triangulaire, autrement dit, la traite des nègres, qui assurait la distribution d'esclaves aux nouvelles colonies. L'Europe pouvait être approvisionnée en produits issus de ces colonies et l'Afrique recevait des produits américains ou européens. Il ne reste plus beaucoup de traces de ce passé vieux de plusieurs siècles.

- Maman me conseillait souvent d'écouter la mélopée de mon coeur, justement..fais-je pensivement.

- C'est à Saoz que tu as tes racines, déclare Hubert, et ça, ton coeur le sait.

- L'amitié, me répond Alice, ça fonctionne souvent par cycles. Il y a des amis qu'on gardera toute notre vie, et même en vivant à l'autre bout du monde. Les liens sont si solides que rien ne peut les entâcher. Et puis il y a les autres, ils vont, ils viennent. C'est comme ça, c'est l'évolution naturelle et il n'y a rien à regretter.

Cette région dégage vraiment quelque chose de magique et d'unique au monde qui me plaît beaucoup. Nous abordons un minuscule village de pêcheurs, qui tiendrait presque du hameau si la fine jetée n'était pas bordée de peintres exposant et vendant leurs tableaux.