"Si elle était vivante, Joëlle Aubron raconterait sans doute encore autre chose - et cela ne serait pas nécessairement plus juste, concernant la vérité des faits. Ce qui reste, ce sont nos mémoires, et nous racontons, tous autant que nous sommes, n'importe quoi."
(…) nous traçons notre route comme nous le pouvons, tandis que le temps s’écoule, et ne s’écoule pas. Quelquefois, nous trouvons, poussés par des forces mystérieuses, un refuge au milieu de la forêt, ou en plein cœur de la ville. Parfois, nous rencontrons là un autre cœur égaré, poussé à l’abri par les mêmes forces mystérieuses. Cet être, croyons-nous, ne nous ressemble pas, il est même celui à qui tout nous oppose. Dans d’autres circonstances, à une autre époque, cet être aurait pu nous combattre. Mais à présent, loin du bruit du monde, dans cette cache où nous avons échoué et qui est en réalité le centre même du monde, il nous ramène à la vie. Peut-être même nous ramenons-nous l’un l’autre à la vie. Nous nous rencontrons en ce point exact qui relie les humains à l’univers entier, à un instant particulier, à un endroit particulier, à la façon d’une éclipse solaire, ou d’une pluie d’étoiles filantes. À cet instant, nous nous souvenons qu’en notre cœur existe un lieu irréductible, fait d’eau et de lumière, un lac cerné de montagnes bleues, traces d’un temps géologique. Nous nous souvenons alors que ce lieu existe dans le cœur de tous les hommes. Absolument tous.
"A cet instant, nous nous souvenons qu'en notre cœur existe un lieu irréductible, fait d'eau et de lumière, un lac cerné de montagnes bleues, traces d'un temps géologique. Nous nous souvenons que ce lieu existe dans le cœur de tous les hommes. Absolument tous."
La brutalité du pouvoir, les restructurations, les vagues de licenciements, mais aussi l'offensive idéologique qui consiste à nier l'existence d'une conscience de classe, à vouloir transformer l'individu en entrepreneur, en prétendant que l'époque est celle de la conquête personnelle.
Ce jour-là, il est 11 heures du matin, et ma mère a sorti une bouteille de vin blanc. Elle a posé deux verres sur la table.
« J’ai quelque chose à te dire. »
J’ai l’impression de plonger dans un lac, une eau claire et froide. Sa voix me parvient, lointaine, on dirait qu’elle me parle depuis la rive, penchée au-dessus de la surface.
Elle parle en regardant ses mains, posées à plat sur la table, comme si elle ne les avait jamais vues. J’entends sa voix, depuis les profondeurs, les mots qu’elle prononce sont stupéfiants et familiers à la fois. Ils rejoignent un endroit inconnu en moi, où tout est déjà là. Elle ne m’apprend rien. Elle ouvre simplement une porte, en glissant une clé à l’intérieur de mon cœur.
"Le réel s'adresse-il toujours à une part secrète, inconnue de nous, qui nous mène exactement là ou elle le désire ? Serait-il possible que l'Histoire ne parle en vérité que de nous-mêmes ?"
"Contrairement à ce que tout le monde semble croire désormais, parler n'est pas toujours une bonne idée. Parler est dangereux. Les mots entraînent d'autres mots en retour. Des mots pour vous faire taire, vous faire passer l'envie de recommencer."
« Qu’elle faute suis - je en train d’expier ?
La littérature peut - elle encore me sauver ?
Ou simplement vais- je m’en sortir ?
Je pensais à la buse de Michel 64, sur ma table de nuit .
Avais - je le moindre espoir de trouver une réponse? »
Le bien et le mal se dévorent l’un l’autre. Le jour fait pâlir la nuit, puis la nuit avale le jour. J’ignore ce qui triomphe, de la lumière ou de l’obscurité.
"J'ai fini de me taire, comme tous ceux qui savaient, et se sont tus, comme tous ceux qui m'ont fait croire que parler était une faute plus grave encore que toutes les fautes qui avaient été commises."