- Je parle pour Bruno qui voudrait un être un point et qui finira en point virgule, c'est à dire sans le poids, la gravité, l'intérêt du point. Et sans la légèreté, la souplesse et la rapidité de la virgule.
(...)
Diane décida de suivre Loïc car elle voyait beaucoup de possibilité dans son nouveau jeu de société, encore qu'elle ne le comprit pas très bien. Par exemple, pouvait on, comme ça, délibérément, ôter à quelqu'un certaines syllabes ? Cela pouvait très bien virer au scandale. En revanche, le jeu de la ponctuation était plus évident. Il y aurait les points de suspension pour les hommes d'affaires, les points d'exclamation dans l'amour, les points d'interrogation dans les arts.... Etc, etc. Plus les guillemets pour les âneries comme d'habitude.
Comme beaucoup dans son milieu, Bruno Delors avait besoin d'un public pour se sentir lui-même. Un public qu'il avait jusque là, trouvé partout et en permanence. Ces témoins lui paraissaient à la fois un décor naturel et une nécessité absolue.
-Taisez-vous, chuchota Loïc, bêtement. Comme si un pilote eut pu les entendre et les viser. Mais il venait de discerner, là haut, ce bourdonnement qu'ils avaient déjà subi deux,trois fois dans la journée, ce bourdonnement d'abeille si répugnant, si faible au début et qui s'obstinait, trois, quatre secondes à ne pas grandir. Pour que l'on s'y habitue, que l'on ne se méfie plus... Ce bourdonnement qui précipitait dans l'air comme si l'avion, cassant ses amarres et ses liens, se fût decloué du ciel. Ce bruit qui s'enflait, gigantesque, obscène, remplissant toute la nature autour d'eux, tout ce vide, tout ce silence.... Ce bourdonnement que l'on voyait grandir dans les yeux de son voisin et aussi flétrir, arracher l'herbe verte près de son visage... Ce bourdonnement qui, devenu clameur sauvage, démesurée, apocalyptique... Collait un peu plus à la terre, y enfonçait même les corps étriqués et misérables, les corps des humains.
Pour provoquer le chagrin et les larmes, il faut des circonstances précises, un décor, des détails qui ne demandent pas, Dieu merci, le plaisir et le bonheur lesquels s'accommodent d'un canevas plus flou. (Excipit, p.244).
La politique n'est vraiment jamais sûre, même le pire n'est pas sûr. (p.239).
Les femmes ne gardent leur gigolo que pour la journée, pour les montrer, pour les afficher, pour les sortir. La nuit est vraiment un détail... qu'est-ce que vous croyez? C'est pour leur amies que les femmes ont des amants, ce n'est pas pour elles-mêmes! (p.194).
Les femmes qui paient ne se réjouissent jamais de payer peu, taxant dans ce cas-là leur amant de petitesse ou de bêtise, jamais de délicatesse, celle-ci, ayant disparu pour elles au premier franc versé. (p.117).
Elle s'agenouillait auprès du cadavre avec cette aisance que gardent les femmes devant les blessés et les morts, au contraire des hommes qui s'en écartent instinctivement. (p.27).
Loïc Lhermitte était l'un de ces hommes prêts à briser leur carrière pour un bon mot. Un de ces hommes déjà rares et devenus à présent introuvables depuis que "les affaires" (au pluriel) était, pour la majorité, devenues "leur affaire" (au singulier). Et maintenant en Europe comme en Amérique. (p.17).
Pour provoquer le chagrin et les larmes il faut des circonstances précises, un décor, des détails que ne demandent pas, Dieu merci, le plaisir et le bonheur, lesquels s'accomodent d'un canevas plus flou.