Les faux-fuyants

Pour provoquer le chagrin et les larmes, il faut des circonstances précises, un décor, des détails que ne demandent pas, Dieu merci, le plaisir et le bonheur, lesquels s’accommodent d'un canevas plus flou.

J'ai beau avoir un caractère d'acier, je vous l'avoue, Loïc, il commence à plier...

Le chant du coq avait toujours été, dans l'esprit de ces citadins, le symbole du réveil ; comme le bruit des poubelles l'était à la ville, vacarme sans grâce, quel que soit le talent de l'éboueur, mais qui avait son charme, comparé aux cris inlassablement lancés et relancés par ledit animal.

Il était temps qu'il remette sa petite tenue anti-nuages, anti-gens du monde, sa petite tenue pare-balles, pare-bals, qui était l'ironie et qui n'était qu'une précaution comme une autre. Mais qui, comme toutes les précautions, finirait par légèrement abîmer ou égaler son utilisateur... moins gravement pourtant que s'il n'y recourait pas.

"Je ne sais pas si vous vous rendez compte, Loïc, mais depuis ce matin nous avons été mitraillés trois ou quatre fois, notre chauffeur a été tué sous nos yeux, notre voiture démolie et flambée, notre hôte a eu la cheville transpercée par une balle, ses chevaux se sont emballés et c'est un miracle que j'ai pu les dompter... et maintenant nous voilà dans un bâtiment rustique à demander asile à une femme qui ne parle pas un mot de français ! J'ai beau avoir un carctère d'acier, je vous l'avoue, Loïc, il commence à plier..."