Judain

Sans référence explicite à la ‘pataphysique, aurais-je spontanément réussi à faire le rapprochement entre Judain et le Père Ubu, renommé Urubu à l'occasion testiculaire d'une résurgence du 21e siècle ?


« Cornebidouille, la mère Urubu aurait embabouiné mon salopin ? »


On se souviendra avec nostalgie des si vives et piquantes allocutions dont le père et la mère Ubu nous parsemaient les esgourdettes au cours de leurs éclatantes conquêtes royales à travers les territoires encore sauvages de la Pologne. Nostalgie, tu me tueras.


Judain, pataphysicien en herbe, n'a point l'âme du digne conquérant de territoires aujourd'hui tchernobylisés – il serait plutôt du style Sherlock Holmes, en moins perspicace et plus flegmatique. Comme un chat, il finit cependant toujours par retomber sur ses pattes.


En bonne ‘pataphysicienne que je suis également, c'est-à-dire ramollo du flan et du fion, je n'ai guère réussi à suivre ces péripéties plus d'une dizaine de pages, ramenée à mon morne mental lors de quelques rares divagations pataphysiques de personnages ayant abusé de muscade. Ses effets psychotropes, incluant un « basculement frénétique d'états psychédéliques et sensoriels, généralement accompagné par un sommeil profond » se sont alors pleinement présentés à mes circonvolutions fripées.

Adeptes du Cluedo, amoureux des enquêtes farfelues, amateurs de jeux de mots, lecteurs ayant un penchant coupable pour les personnages hauts en couleur (vamp aux yeux verts, obsédé de la bicyclette, vieille baronne lunatique, docteur s'exprimant en chansons et autres fous à lier), et les dialogues de haute volée, en quête de dépaysement dans des contrées exotiques et enchanteresses (l'île de Bedaine, en Wallonie) : ce livre est pour vous !

Le détective Horace Judain vous entraînera, sous la plume de Georgie de Saint-Maur et guidé par le coup de crayon évocateur de Marray, dans ses aventures. Au programme de ce nouveau livre des éditions de l'Abat-Jour, qui attire par sa couverture abricot et intrigue par ses trois taches de sang, trois enquêtes improbables : "Double assassinat au Manoir Blanc", "Crime sans corps au collège de 'Pataphysique" et "Meurtre à Saint-Gauche".

Judain, rouquin détective qui n'aime pas enquêter (préférant se reposer, fumer le cigare et relire Oscar Wilde), flanqué de son fidèle assistant le caporal-chef Moulbique, mène tout d'abord l'enquête au Manoir Blanc, à Chèvremont, où il se rend innocemment pour déguster l'agneau pascal quand il apprend que la maîtresse de maison se sent menacée et craint pour sa vie.
Dans la deuxième histoire, direction le Collège de 'Pataphysique où le cadavre du Père Urubu s'est mystérieusement volatilisé : là encore, l'enquête donnera du fil à retordre à Judain et à son acolyte, devant composer avec des témoins aux propos aussi fantaisistes qu'incohérents.
Enfin, comme il se doit, tout se finit en chansons (ou plutôt en comptines) à l'hôpital psychiatrique de Saint-Gauche, à Noireville, où le docteur Genevieux s'inquiète de la disparition de Zelda Joliver.

Au passage, nos deux enquêteurs croiseront des personnages tous plus croquignolets les uns que les autres : la sculpturale Victoria, peignant des têtes de rats crevés, monsieur Tapeloup, interné à l'hôpital psychiatrique, auquel il faut souhaiter un joyeux Noël tous les jours (car une année on a oublié de le lui souhaiter), et bien d'autres.

Dans le petit monde de Judain, on circule dans des taxis coccinelle noir et rouge, on s'enivre de vin de chèvre, de liqueur de porc et de marc de hérisson, on se délecte de tarte aux reins et de saucisson au rat, les gens se nomment Poussin-Trompette, le baron Patapon, Eustache Patache ou bien encore Raymond Pourliche...
Petit conseil aux lecteurs : trouvez la mouche qui vous a piqué et donnez-la à manger à l'araignée que vous avez au plafond, suivant ainsi la prescription du psychiatre de l'hôpital Saint-Gauche.

Un livre u(ru)buesque réjouissant, délicieusement drôle, où l'on sourit à chaque page, face au comique des situations, aux jeux de mots savoureux et à la folle inventivité langagière !
Les enquêtes de Judain, c'est un peu les Monty Python à la sauce Bruno Dumont (période P'tit Quinquin et Ma Loute), ou Simenon chez Jacques Tati... le tout agrémenté d'une bonne dose de nonsense.
Ces quelques références vous donnent une idée de l'ambiance générale et du ton de l'auteur, mais en réalité les textes de Georgie de Saint-Maur sont totalement iconoclastes et inclassables.

On a pu lire récemment son livre "Métapoly" aux éditions de l'Abat-Jour ainsi que ses feuilletons en ligne sur le site de ces mêmes éditions, mais aussi "C'est assez dire" (Rue des Promenades) et "Coucous de théâtre" (Les penchants du roseau). Il fut aussi publié par André Blavier aux éditions Temps mêlés.

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