AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,34

sur 166 notes
Lydie Salvayre est une femme en colère. 2017, Trump est élu, le Pen n'en finit pas de grimper, Weinstein est sur toutes les lèvres et cette image est franchement dégueulasse. J'imagine l'auteure tentant d'exorciser son dégoût, vidant sur son clavier tout son ressentiment, elle, dont la trajectoire a nourri le rejet viscéral de toutes les formes d'exclusion… D'où ce brûlot…
2023, la menace Trump est de plus en plus forte et, dans notre douce Rance, plus rien désormais ne semble capable d'endiguer le cauchemar électoral en préparation, l'opinion se déchire au sujet d'une pathétique vedette déchue. Lydie Salvayre avait vu juste ?
Comme Lydie Salvayre, je suis en colère… Je vis dans un village qui ressemble beaucoup à celui du livre, proche d'une ville qui ne s'appelle pas Barogne mais Lodève. Dans ce village, il n'y a même plus de Café des sports. Les électeurs bas du front et babas du Front (enfin du Ressemblement National), par contre, se ramassent à la pelle… Je ne les ai pas reconnus dans « Tout homme est une nuit ». Enfin, pas tout à fait ! Je ne leur trouve aucune excuse, qu'on se comprenne bien… La bêtise n'est pas une fatalité, ça se soigne même si parfois le traitement est lourd. L'analogie, dans le roman, entre le crabe et le cancer social, est plutôt bien sentie… Que dois-je faire quand je croise ces personnes qui se figurent que tout est la faute des « étrangers » ? Tenter de les instruire, fort de mon passé d'instituteur plutôt apprécié ? Les ignorer ? Les engueuler, un peu à la manière de Lydie Salvaire ?
« Tout homme est une nuit » est un coup de gueule, bien écrit, bien construit… Enfin, juste avant la chute… Comme si Lydie Salvaire, après avoir renversé la table, s'efforçait, maladroitement, de redresser quelques chaises. Tant qu'à faire, il valait mieux claquer la porte.
Oui, nos campagnes sont devenues massivement électrices de l'extrême droite. S'il n'y avait qu'elles ! Mais n'évoquons pas ces quartiers riches qui eux aussi s'extrémisent, parlons de nos campagnes ! Je n'ai pas lu dans ce livre, ces femmes qui elles aussi engraissent la bête immonde, je n'ai pas assez lu ceux qui résistent, porteurs de valeurs qui font encore espérer en une humanité meilleure. Je n'ai pas lu les services publics qui ferment, les vieux qui s'en vont, le chômage, l'essence 20% plus chère qu'ailleurs, les chaînes d'infos qui entretiennent la peur, la virulence à l'encontre des chasseurs, des agriculteurs. La description de ces beaufs machistes, alcooliques et racistes a pris trop d'importance et a radicalisé le propos. Dès lors, on adhère ou on rejette ! Lydie Salvaire sait parfaitement que le sentiment de déclassement est le principal vecteur du succès de cette idéologie, qui paradoxalement, est défendue par une grande bourgeoise. Dans son château, elle considère sans doute les ruraux comme un ramassis de pèquenauds. Ce constat d'un monde rural déprécié n'exonère en rien la responsabilité individuelle de ces citoyens qui votent sans mesurer ce que l'extrême-droite peut représenter comme danger : l'aggravation de la situation économique et surtout la fin définitive du vivre ensemble. En tombant ainsi dans une forme de manichéisme, le livre perd en efficacité.
Je partage l'angoisse de Lydie Salvaire mais je n'ai pas reconnu dans ce livre « ma » campagne. En stratégie militaire comme en littérature l'art de la guerre réside peut-être à éviter le choc frontal mais à favoriser une approche indirecte.
Commenter  J’apprécie          2311
Lydie Salvayre est psychiatre. Cela ne m'étonne pas. Son analyse des caractères, très factuelle, sans jugement est édifiante. Ce livre alterne le monologue de Anas, issu de l'immigration espagnole, qui espère trouver refuge dans un village à la campagne pour soigner son cancer et se remettre de son divorce et les discussions de bistrot qui tournent autour de la chasse, des vraies valeurs franchouillardes et de l'ostracisme. Nous sentons la tension monter, c'est affreux mais tellement habituel et vrai. Ce livre m'a tenue jusqu'au dénouement final surprenant où culmine l'affrontement entre le père grande gueule toute puissante, tenancier du bar et son fils un peu effeminé, sensible qui soutient Anas. Remarquable!
Commenter  J’apprécie          40
Anas est atteint d'un cancer . Prof de français , il décide de tout quitter et de vivre dans le sud . Mais très vite , l'hostilité de la population locale va ruiner ses désirs d'intégration.

Très bon sujet , très belle écriture mais que de poncifs ! Alors oui, des bistrots comme celui du roman , où l'étranger n'est que sujet de haine, comme les intellos et les homos d'ailleurs , ça doit exister. Des racistes , ou plutôt des bas du front, ça existe. La haine permet de cacher des fêlures, un mal conjugal par exemple et souvent les mots, même ignobles , ne sont que des mots.
ici , la structure du roman , alternant entre le journal d'Anas et les discussions du café rendent le procédé trop redondant et finalement un peu lassant.
Il y avait sans doute moyen de faire passer le même message sans grossir le trait à outrance; parce que finalement, à exagérer, on discrédite finalement le propos.
Pourtant, le raciste au quotidien , celui des mots, des regards et du non respect est un thème qui a malheureusement de baux jours devant lui.
Cela n'enlève pas le plaisir de lecture ni le bon sujet.
Commenter  J’apprécie          540
Lorsqu'un cancer mortifère s'attaque à l'organisme et nous atteint dans notre chair, l'unique soupape qu'il nous reste pour vivre pleinement les derniers instants reste l'esprit défiant la maladie.
Certaines âmes choisissent l'isolement , tel est le choix du solitaire de ce roman. Loin des siens mais si près d'inconnus.
Ainsi se dévoile l'extraordinaire complexité des hommes, s'affiche la perplexité profonde des uns et des autres, se révèle, enfin, l'escroquerie d'une société minée par les idées reçues rassemblées dans ce village faisant office de "convalescence".
Sujet qui aurait pu être fort passionnant lorsqu'on s'intéresse aux tréfonds de l'humain mais qui le devient nettement moins lorsque l'auteure s'enferme elle même dans des clichés qu'elle ne cesse de dénoncer.

Et pour cause, Lydie Salvayre, avec "Tout homme est une nuit" ne néglige aucun sujet brûlant. le racisme à tendance facho d'un village dépeuplé adulant le front national, des poivrots de comptoirs machistes incriminant leur femmes de tous les maux, des discours au tout venant flirtant avec l'ignorance et la bêtise des basses couches sociales, le mépris des différences et de la réussite, la jalousie sifflante (...) autant de griefs envers la société et cet étranger malade, fils d'émigré espagnol, lettré et professeur de français à l'ascension sociale bien marquée.
Est-ce à dire que tous les provinciaux sont des illettrés et que tous les maux viennent d'une "basse couche ?
Je me dis que j'extrapole, bien que tout du long se croisent dialogues infertiles et incultes pour les villageois VS pensées denses et prodigues pour cet étranger.
Mais ne préjugeons de rien...Lydie Salvayre le fait suffisamment pour nous.
J'en suis alors à la page 107, je décide de continuer, un peu nauséeuse face à cette entrée en matière si grossière et caricaturale, mais curieuse de lire si l'auteure va continuer dans la trivialité ou rehausser le niveau.
Et ca continue sur la même ligne, voire empire.
Pauvre peuple français contre tout, abruti qu'il est !

Je cite :

"la conversation au Café des Sports roulait encore et encore sur la question du nouvel arrivé autrement passionnante que les considérations horticoles sur l'essor inquiétant du Bio, autrement cabrée, autrement râleuse et renâcleuse et rancuneuse et autour de laquelle tous s'accordaient, à quelques nuances près, s'accordaient contre, faut-il le préciser, ce contre là, contre un intrus, contre un système, contre le ciel, contre la presse, contre le rap, contre le temps, contre la mort, contre le mal, contre les dernières lois votées, contre ceux là qui les contraient, contre, contre, contre, contre, contre, ce contre-la incarnant aux yeux de tous les habitués( Jacques y compris, en quoi ce dernier était bien français) la grandeur de l'âme française (et ses ornières, ne pouvait s'empêcher de penser le même Jacques, qui avait souvent l'esprit partagé) "
Oui, en effet, cette pauvre France raciste également incapable de subvenir aux besoins de tous , cette france qui bousille des destinées, fabrique des vies foutues !
" Ce pays pourtant si civilisé, si chrétien et démocratique, en paix et riche, pourvu de cent chaînes de télévision, ce pays défenseur des droits de l'homme..."

Face à tant de violence dans le propos et après l'avoir entendue dire lors d'une interview sur son essai de successologie que " les romans et les personnages fictifs l'ennuyaient" , une question s'invite :
Lydie Salvayre a-t-elle des comptes à régler étant elle-même fille d'émigrés espagnols ?
Est-elle réellement habitée par ce ressentiment envers le" français moyen "?

j'avoue alors mon irritation et ma déception devant tant de silences dissimulés dans un ouvrage qui se veut examinateur d'une société ( on sent des réminiscences de la psychiatre).
Parce que pour rester honnête, il faudrait aussi écrire, par exemple, sur le demandeur d'asile entrant au Ritz et la gueule des privilégiés s'étouffant dans leur homard, le dernier Zemmour posé sur la table, concernant les commentaires on les imagine, les propriétaires contre l'idée de louer leurs biens à des personnes au nom bien trop exotique, les recruteurs contre l'embauche des banlieusards, le monde de la culture machiste secouée par Me Too , sans oublier le manque de diversité dans l'édition et les plus hautes sphères, de l'invisibilité des plus démunis etc etc etc ... et tout ça, ce n'est pas du fait du troquet du coin... non, c'est bien plus sournois.
Mais l'hypocrisie n'etouffe pas Salvayre. Taper sur la populasse c'est bien moins risqué et bien plus accommodant , ca déculpabilise les bourgeois de salons ou de plateaux qui n'ont plus qu'à se lustrer le nombril après une bonne branlette intellectuelle dans un entre soi bien délimité !

Ellle est là, la malhonnêteté !

En conclusion, jolie démonstration littéraire qui atteste que l'ascension sociale ne rend pas plus éclairé et n'empêche en rien ni les opinions tranchées tant décriées ni l'énumération de poncifs plus que douteux qui ne font qu'accroître une fracture déjà bien installée.

Je pourrais parler, enfin, histoire d'emettre une note positive, de l'écriture de Lydie Salvayre, cependant je ne le fais pas n'ayant pas réussi à faire l'impasse sur certains passages laissant à penser que l'auteure, par à-coup, voue un culte provisoire au langage soutenu qui s'invite dans le récit de manière aléatoire le rendant, de fait, impromptu et tout aussi artificiel que le contenu de ce roman.

En définitive, vous l'aurez compris, ce livre fielleux et acerbe aura rendu ma lecture malaisante en plus de m'avoir navrée du début à la fin.

En résumé, un livre affligeant de malhonnêteté intellectuelle.
Commenter  J’apprécie          80
Avec une écriture vibrante, l'auteure de Pas pleurer, un livre dont je garde le souvenir d'un style original, nous dépeint ici la noirceur qui sommeille en tout homme. Surtout quand il s'agit d'un village où tout le monde connait tout le monde. Où l'arrivée d'un étranger, une fois qu'elle soit réprimée par une personne, c'est tout le village qui va s'acharner contre l'étranger. En même temps, Tout homme est une nuit est un livre qui retrace une forme de psychose de l'étranger, on a peur de l'inconnu qui le couvre, c'est un homme sans racine, il est un vent dont on ne sait pas quand il va souffler ou on se demande si'l va devenir un volcan. ..
Une fois de plus, Lydie Salvayre m'a conquis avec ce livre!
Commenter  J’apprécie          280
J'en attendais beaucoup (trop ?) mais j'ai été déçu.
Rien à dire sur le style, ni sur le sujet qui m'attirait grandement.
Nous mettre devant nos peurs et notre ignorance devant l'Autre
Mais je n'ai pas été touché par le livre qui, à mon goût, comporte trop de clichés et un certain nombre de personnages qui frôlent la caricature.
Et le revirement d'un des personnages m'a encore plus irrité ...
Certains ont visiblement encore été plus extrêmes dans leur jugement négatif (outrancier, sans respect pour les petites gens, ....) et je n'irai pas jusque là. mais une déception, tout de même, incontestablement


Commenter  J’apprécie          10
Pour tordre les tripes, ça l'a vraiment fait. J'ai eu un drôle de malaise à l'écoute de ce roman, la peur qui monte, je sens venir le pire aussi abject que les personnages du comptoir du café. C'est du pur jus bien de chez nous, du vécu et je me suis accrochée longtemps pour ne pas imaginer une terrible fin. J'avais lu Lydie Salvayre, il y a trop longtemps et là c'est une surprise énorme je ne m'attendais pas à autant de vérités, de contrastes, de noirceurs, de conneries humaines. La découverte de l'autre côté du miroir est sensible, baignée de peur, de traumatisme, d'espoirs. La diction à 2 voix est parfaite bravo à par Lazare Herson-Macarel & Alain Garnier. Je ne pouvais plus lâcher l'écoute avec en toile de fond notre actualité comme les manifestants d'un petit village breton Callac contre l'accueil de réfugiés ou le retour de Trump, le frisson est encore plus fort. Lydie Salvayre a su utiliser tous les mots existants pour dire l'odieux de cette histoire, la honte, la haine, la terreur, jusqu'au haut de coeur. A lire ou à écouter sans réserve.
Commenter  J’apprécie          62
Ceci est une fable.
Anas, professeur de Français friand du subjonctif imparfait, emménage dans un village de Provence pour soigner son cancer. Mais avec son teint bis et ses cheveux noirs, ce petit-fils de réfugiés républicains espagnols est aussitôt rejeté par le patron et les clients du café où il a eu le malheur d'entrer. Peu à peu, en raison de sa gueule de métèque, tout le village se met à fantasmer sur tous les crimes dont il est soupçonné.

Ce court récit alterne les points de vue : celui d'Anas, qui peine à comprendre ce qui lui arrive, et celui des piliers de bar, qui ne se sentent plus chez eux en France. Même si les remarques bas du front de ces derniers peuvent prêter à rire, je me suis un peu ennuyée en y retrouvant les propos de nombre de mes voisins (j'habite une ville de fafs). Reste donc l'analyse, par Anas, de cette situation qui le dépasse, et où Lydie Salvayre décortique le processus d'ignorance et de peur qui rejette toute idée d'altérité et conduit à la haine. Et ça, c'est bien très bien amené : en procédant par touches, l'auteur ne juge pas et n'impose rien, mais elle démontre comment que le populisme est devenu tolérable et respectable.

Partageant les convictions de Lydie Salvayre, j'ai apprécié cette lecture mais sans en retirer grand-chose de neuf. C'est toutefois avec plaisir que j'ai retrouvé son humour subtil, et surtout son écriture si particulière, où l'on sent combien elle s'amuse avec le vocabulaire, la grammaire, et la conjugaison ; la lire est un régal de littéraire.
Même si ce livre reste en-deça de ses autres romans, il a néanmoins l'audace d'aborder avec une fausse légèreté un sujet grave. Et c'est quand même estimable.
Commenter  J’apprécie          428
Dans ce petit village du sud de la France, tout le monde se connaît et sait tout de tout le monde, en y ajoutant les ragots pour pimenter la vie. En particulier, les habitués du café des sports qui ont le regard mauvais s'ils croisent « un pas tout à fait pareil ». Prends garde à toi le nouveau, toi qui arrives dans ce village pensant y trouver une parfaite quiétude ! On va te scruter, t'épier, fouiller dans ta vie, te tailler une veste en un rien de temps.

Voici les propos de l'autrice en 2017 qui l'ont conduite à écrire ce livre :
« Est arrivée la campagne présidentielle. Pas un jour ne passait sans que j'entende une bassesse, une invective, un propos xénophobe ou d'exclusion. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à faire mes petits romans, comme si de rien n'était. Je ne pouvais pas et ne voulais pas me dérober, même si je tiens en suspicion la littérature qui surfe sur les événements présents pour aller à l'émotion et faire du réalisme à bon compte ».

Roman percutant sur le racisme et le manque de tolérance.
Commenter  J’apprécie          182
A l'annonce de la grave maladie qui l'atteint, pensant arriver très vite à la fin de ses jours, le narrateur quitte sa vie du moment pour s'installer en Provence où il pourra se faire soigner.
Il choisit un village un peu perdu, de ces villages riants et beaux sous le soleil, calme, sans histoire, pour y retrouver à la fois la santé et "atteindre à la paix intérieure".
C'est une sorte d'enfer qu'il va vivre.
Enfer peuplé d'humains ordinaires, dominés par la peur, la sale peur qui mène au pire, portant les préjugés haut et fort, distillant la haine et sa fidèle compagne, la violence.
Brillamment écrit par Lydie Salvayre qui décrit avec causticité un éternel recommencement : qu'est-ce qu'il a ? qu'est-ce qu'il fait ? Qui c'est celui-là ?
Magistral.
Commenter  J’apprécie          245




Lecteurs (378) Voir plus



Quiz Voir plus

Lydie Salvayre

Née en ...

1939
1948
1957
1966

12 questions
28 lecteurs ont répondu
Thème : Lydie SalvayreCréer un quiz sur ce livre

{* *}