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3,34

sur 166 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une lecture , comme un coup de poing au plexus... L'auteure pointe, fourrage nos lâchetés, nos peurs, et ce racisme aussi banal que terrifiant !

"Je m'étais fait depuis longtemps à cette idée, à ce truisme devrais-je dire, que l'étranger était l'ennemi naturel de toute agrégation humaine, de la même manière que les fils étaient en tout temps et tout lieu les ennemis naturels de leur père (p. 122)"

Un homme encore jeune, Anas, professeur de Français, d'origine espagnole, atteint d'un cancer, voit sa vie se déliter dans la panique de la maladie, une vie de couple qui s'en trouve affectée... Il se retrouve dans une phase critique et dépréciative de son existence. Il décide donc de partir au calme dans un joli village de Provence...Les villageois se montrent très vite méfiants à outrance envers cet homme qui vient d'ailleurs, au physique trop typé, de surplus peu loquace, et qui par un "malheur" supplémentaire, ne travaille pas...est un improductif !!

Au café du coin, le fameux bistrot des Sports, tenu par Marcelin, grande
gueule aux jugements et préjugés expéditifs ... les langues vont bon train, et
pas dans l'esprit le plus bienveillant, pour le nouveau venu !!?

Alternent les voix off des habitués du bistrot et en italique, le ressenti de "notre exilé contraint", qui tente, sans le moindre succès, de s'adapter,... de se fondre dans ce joli petit village, si "tranquille" au demeurant !

Très beau titre qui exprime très justement le contenu de ce roman, dérangeant, mais salutaire, en ces temps de crise, précarité...où la peur de "l'étranger"...pointe à nouveau son nez , à de trop fréquents propos !!

"Il aurait pu au moins se présenter, dit Marcelin qui trônait, magistral, derrière son comptoir. Tous les nouveaux ont cette politesse.
On sait rien de lui, on sait même pas son nom, on sait pas d'où il vient, dit Dédé.
Il boit pas d'alcool, c'est un indice, dit Emile.
Ca m'a pas échappé, dit Etienne.
Il a parlé à personne, pourquoi ? dit Gérard
(...)
j'étais sans doute trop jeune pour avoir cette expérience des grands voyageurs qui savent immédiatement ce qu'il convient de dire pour se faire accepter des natifs, mais je ne désespérais pas d'apprendre et j'en avais l'âpre, la tenace, l'impérieuse volonté.
(p. 10-11)"

Une lecture secouante... pleine de causticité, riche de dialogues des plus
évocateurs... qui nous réveille , nous met en garde sur toutes les idées convenues, réductrices, qui nous font exclure, mettre à l'écart... l'Autre, qui peut déranger sur des critères, parfois des plus fallacieux ! Comme je l'écrivais précédemment, un texte des plus salutaires... qui nous fustige dans nos conforts et paresse de pensée, de nos quotidiens !!

"On s'avisait de surcroît que la colère avait cette vertu ô combien précieuse de rapprocher les hommes et de les réunir autant sinon mieux que la joie.
S'indigner, s'enflammer et foutre une raclée plus ou moins meurtrière à des indésirables étaient des actes qui se pratiquaient mieux, plus allègrement et plus férocement , lorsqu'on était en meute, toute l'Histoire l'enseignait. "(p. 218)



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C'est l'histoire du racisme ordinaire dans un village français. Pas la peine de regarder la couleur de peau ou l'origine, on est toujours l'étranger de quelqu'un et je peux vous en parler. L'écrivain Serge Joncour écrit : “Où qu'on aille on est d'ailleurs, et c'est sans fin qu'on n'est pas d'ici.” Tout est dit, quand on ne veut pas s'abaisser à raconter les détails de la bêtise humaine.

Anas, malade, vient se réfugier dans ce petit village du sud de la france pour adoucir ce mauvais moment qu'il traverse. Il ne veut rien, ne demande rien.

Dans ce petit village, Marcelin tient le café des Sports. Et ce lieu qui pourrait être convivial est un concentré d'êtres mauvais. Bon vous me direz, la chasse, l'alcool et l'idiotie font bon ménage et de la frustration à l'intolérance il n'y a pas grand chose sinon la haine. C'est un endroit où des hommes désoeuvrés et malheureux en ménage se retrouvent et passent le plus clair de leur temps en buvant.

Anas nous raconte son histoire dramatique et son effort pour se faire accepter des villageois et nous avons droit au récit des habitués du bistrot avec un sectarisme bien prononcé. Au début ces hommes gardent un peu de dignité, puis s'indignent, se révoltent devant cet étranger. Ils vont aller loin, très loin dans leur arriération mentale, on ne peut pas arrêter cette animosité.

Anas ira demander de l'aide au maire du village mais les maires ont toujours un ton affable en minimisant les faits.

Et le pire se produira.

C'est une histoire sordide mais bien représentative de la réalité.


Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Tout homme est une nuit est un roman de Lydie Salvayre qui parle de deux maladies voraces : le cancer et la bêtise humaine, deux maladies dont le principe est de proliférer de manière sournoise et excessive, proliférer et se nourrir dans un entre-soi malsain.
Anas est jeune, c'est justement lui qui est atteint d'un cancer. Il quitte tout pour se soigner, sa compagne, son emploi d'enseignant en lettres, décide de partir à la campagne, dans un village du sud, passer quelques mois sous le soleil chaud de Provence, chercher la tranquillité pour se soigner, il y a une ville tout près de là pour les soins réguliers.
C'est un roman qui est écrit à deux voix.
Il y a la voix d'Anas et celle des autres. Deux voix discordantes, on le sent dès le début. Chaque chapitre s'alterne ainsi, sur ce rythme binaire, lancinant, nous entraîne inexorablement vers une fin qu'on redoute dès les premières pages.
Anas est venu chercher la quiétude, ici il va rencontrer la haine.
L'autre voix, c'est celle du Café des Sports, celle de Marcelin, Dédé, Gérard, Émile, Étienne et les autres. Rien que les prénoms, rien que le nom du bar, on pourrait craindre la caricature... il n'en est rien. Ici la bêtise ordinaire s'installe autour du pastis et se nourrit de tout ce qui se passe, de tout ce qui passe et ne ressemble pas à ce qui est ici.
L'étranger c'est forcément l'autre déjà. Anas d'origine espagnole, ayant le teint très mat, est alors parfait pour endosser le rôle.
Certes, c'est peut-être une caricature, le trait est peut-être grossier, mais il n'est jamais loin de la réalité. Car la réalité au Café des Sports ou sur les réseaux sociaux, c'est un peu d'ailleurs le même discours, la même caisse de résonance...
Cela commence toujours par quelques phrases anodines jetées par-ci par-là au bord d'un comptoir, qui se justifient par le fameux « bon sens ». "On n'est pas racistes, mais toute de même...". N'avez-vous jamais entendu cette phrase ? Ce sont des brèves de comptoir, mais celles-là ne me font pas rire.
On en est presque complices lorsqu'on les entend et qu'on les laisse filer comme cela, tels des oiseaux de mauvais augures, planer au-dessus de notre ciel, pourquoi ne savons-nous pas y répondre...
Au fond, n'est-ce pas ici la banalité du mal, dénoncée par Hannah Arendt, « une façon de décrire les routines par lesquelles ceux qui recourent à la violence, comme ceux qui en sont témoins, mettent en suspens leurs convictions morales et renoncent à l'examen de leur engagement pratique personnel » ?
J'ai apprécié cette façon qu'a Lydie Salvayre de faire monter en puissance la narration, de manière graduelle, pas à pas, marche par marche, décortiquer ce mal ordinaire jusqu'à l'os. Chaque phrase amène à une autre, chaque chapitre monte d'un cran dans la tension palpable. On frémit pour Anas à chaque page, car l'empathie nous invite comme seule manière de venir l'aider, lui tendre la main, entre crainte et espérance...
Tout homme est une nuit. La nuit est parfois terrifiante, l'homme aussi, celui qui lui ressemble.
Il n'est pas forcément facile de lire ce récit, nos propres lâchetés, nos peurs apparaissent au fil des pages... On voudrait entrer dans ce bar, balayer d'un revers de bras tous ces verres de pastis, agripper par le col de la chemise Marcelin, Dédé, Gérard, Émile, Étienne et les autres, et tout cela d'une seule main, leur demander : mais de quoi avez-vous peur ?!
On peut aujourd'hui guérir du cancer, pourquoi ne pourrait-on pas guérir de la bêtise humaine ?
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Dans ce petit village du sud de la France, tout le monde se connaît et sait tout de tout le monde, en y ajoutant les ragots pour pimenter la vie. En particulier, les habitués du café des sports qui ont le regard mauvais s'ils croisent « un pas tout à fait pareil ». Prends garde à toi le nouveau, toi qui arrives dans ce village pensant y trouver une parfaite quiétude ! On va te scruter, t'épier, fouiller dans ta vie, te tailler une veste en un rien de temps.

Voici les propos de l'autrice en 2017 qui l'ont conduite à écrire ce livre :
« Est arrivée la campagne présidentielle. Pas un jour ne passait sans que j'entende une bassesse, une invective, un propos xénophobe ou d'exclusion. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à faire mes petits romans, comme si de rien n'était. Je ne pouvais pas et ne voulais pas me dérober, même si je tiens en suspicion la littérature qui surfe sur les événements présents pour aller à l'émotion et faire du réalisme à bon compte ».

Roman percutant sur le racisme et le manque de tolérance.
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Pour tordre les tripes, ça l'a vraiment fait. J'ai eu un drôle de malaise à l'écoute de ce roman, la peur qui monte, je sens venir le pire aussi abject que les personnages du comptoir du café. C'est du pur jus bien de chez nous, du vécu et je me suis accrochée longtemps pour ne pas imaginer une terrible fin. J'avais lu Lydie Salvayre, il y a trop longtemps et là c'est une surprise énorme je ne m'attendais pas à autant de vérités, de contrastes, de noirceurs, de conneries humaines. La découverte de l'autre côté du miroir est sensible, baignée de peur, de traumatisme, d'espoirs. La diction à 2 voix est parfaite bravo à par Lazare Herson-Macarel & Alain Garnier. Je ne pouvais plus lâcher l'écoute avec en toile de fond notre actualité comme les manifestants d'un petit village breton Callac contre l'accueil de réfugiés ou le retour de Trump, le frisson est encore plus fort. Lydie Salvayre a su utiliser tous les mots existants pour dire l'odieux de cette histoire, la honte, la haine, la terreur, jusqu'au haut de coeur. A lire ou à écouter sans réserve.
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J'ai été happée par le style de Lydie Salvayre, sans doute plus que par l'histoire avec laquelle je ne suis pas toujours d'accord.
Anas, professeur de français atteint par un cancer, s'exile dans un petit village où l'arrivée d'un "étranger" n'est pas vue d'un bon oeil. Une situation très banale, n'en déplaise à certains qui feraient bien de retomber de leur petit nuage en se demandant pourquoi l'extrême droite fait des scores aussi importants. Donc Anas est très mal accueilli par les principaux clients du Café des Sports, lesquels vont distiller leurs inepties dans le village. Et c'est là que cela devient intéressant. Il n'y a surement pas que des idiots dans ce village, pourtant personne ou presque n'intervient,lâchetés, résignations, peurs ? Lydie Salvayre n'en parle pas. Elle fait parler Anas, la bande du café, mais pas les autres. Ils sont là pourtant. C'est là où je ne suis pas d'accord.
J'aimerais que tous les livres que je lis soient à la hauteur de celui-ci en qualité littéraire.
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Écouter l'interview de Lydie Salvayre sur Françe inter dans l'émission l'heure bleue de Laure Adler le 11 octobre 2017
Et sur France culture la Grande table du 30 octobre 2017
Une très belle écriture et un admirable choix des mots
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Lydie Salvayre est psychiatre. Cela ne m'étonne pas. Son analyse des caractères, très factuelle, sans jugement est édifiante. Ce livre alterne le monologue de Anas, issu de l'immigration espagnole, qui espère trouver refuge dans un village à la campagne pour soigner son cancer et se remettre de son divorce et les discussions de bistrot qui tournent autour de la chasse, des vraies valeurs franchouillardes et de l'ostracisme. Nous sentons la tension monter, c'est affreux mais tellement habituel et vrai. Ce livre m'a tenue jusqu'au dénouement final surprenant où culmine l'affrontement entre le père grande gueule toute puissante, tenancier du bar et son fils un peu effeminé, sensible qui soutient Anas. Remarquable!
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« Tout l'art du dialogue politique consiste à parler tout seul à tour de rôle. » (Jacques Lacan)

Le roman de Lydie Salvayre fait sienne cette formule du psychanalyste français, tout en élargissant l'angle d'action de cette forme de dialogue de sourds aux dimensions d'une communauté villageoise où la peur de l'autre, du dissemblable, finira par prendre des proportions paranoïaques. Allégorie du climat de méfiance qui s'est installé en France pendant la campagne présidentielle, ce récit est, comme l'explique l'auteur interrogée par Sylvie Tanette[1], une expression littéraire de l'image du non-dialogue absolu dont souffre aujourd'hui le pays tout entier.
Lien : https://lettrescapitales.com..
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Ce qui m'a plu : la structure du roman, les styles qui s'opposent, la montée en puissance de l'intrigue, le dénouement.
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