C'est la curiosité qui m'a poussé à vouloir lire Mademoiselle de Cérignan. Qu'avait donc bien pu écrire le fils de la célèbre
George Sand ?
Très vite il apparaît qu'il a fait des recherches approfondies sur le contexte historique de l'expédition d'Égypte. Son roman en épouse les méandres au plus près.
Sans doute aussi s'était-il rendu sur place, lui qui aimait tant voyager. Il semble en effet avoir une certaine connaissance des lieux et des mentalités.
Quant à l'intrigue…
Sur le navire qui l'emmène combattre avec
Bonaparte en Égypte, le jeune Hardouin fait la connaissance de Mademoiselle de Cérignan qui accompagne le Dauphin, appelé, en principe, si la monarchie est rétablie, à régner sous le nom de Louis XVII. Rien de moins. Propulsé sur le champ de bataille, notre Hardouin sabre, massacre, taille en pièces et sauve la vie, en plein combat, à Djébilé, une jeune femme de toute beauté qui traînait par là. Elle lui en voue une reconnaissance éperdue. Et lui, bon prince, ayant pillé de-ci de-là toutes sortes de coffres regorgeant d'or, lui offre une ribambelle d'esclaves. Il faut bien que la demoiselle ait un train de vie en rapport avec son noble statut. Mais las ! le père ne l'entend pas de cette oreille et vient, une nuit, reprendre sa fille qu'il avait promise à un autre. Notre héros n'est pas indifférent aux charmes d'Olympe de Cérignan à qui il a également été amené à sauver la vie, on ne se refait pas, mais il entreprend malgré tout d'aller récupérer sa belle. Après moult péripéties et moult rivalités d'esclaves pour occuper la première place dans le coeur d'Hardouin, le père consent finalement au mariage. Happy end ? Pas du tout. Parce que Tomadhyr, une sorcière qui a des visions lui fait découvrir sa belle en train de roucouler avec le Dauphin. Ah, la traîtresse ! Il faut dire aussi que la perspective de devenir reine de France est particulièrement alléchante. Bref, c'est la rupture et il se tourne alors à nouveau vers Olympe de Cérignan qui en profite pour lui extorquer trois cent mille francs et file rejoindre les Anglais avec l'héritier de la couronne de France. Qu'à cela ne tienne ! Il pardonne à Djébilé et la reprend. Mais la pauvrette ne tarde pas à mourir, empoisonnée par Tomadhyr ivre de jalousie. Que reste-t-il au malheureux Hardouin pour se changer les idées ? Les combats. Combats au cours desquels il est fait prisonnier et condamné à mort par ces bougres d'Anglais. Par chance, juste au moment où il va être exécuté, surgit le dauphin qui obtient sa grâce avant de retourner s'exiler en Angleterre dans l'attente de jours meilleurs. Ouf !
Ce roman aurait pu être savoureux s'il avait été écrit avec du recul, au second degré, et avec beaucoup d'humour comme aurait pu le faire un
Charles Sorel par exemple. Ou un
Laurence Sterne. Au lieu de quoi on a un récit qui se déroule imperturbablement à plat sans la moindre mise en perspective en sorte que le lecteur se sent en permanence en porte-à-faux. Il ne peut pas se sentir vraiment impliqué : les situations sont trop burlesques. Trop improbables. Il ne peut que rester en dehors. Il ne peut pas non plus en avoir une approche décalée : l'auteur ne lui en offre pas la possibilité. Il reste dès lors constamment assis entre deux chaises et c'est une position particulièrement inconfortable.